Un patient du cabinet où je suis interne m'a dit un jour "Désolé, aujourd'hui je souhaiterai voir Dr Asperge. D'habitude, je joue le jeu, mais là, je me sens vraiment mal".
La première chose que j'ai eu envie de répondre aurait pu être quelque chose du genre "Oui, parce que c'est vrai que je suis en train de me taper 10 ans d'études pour jouer moi aussi", mais je me suis contenté d'un simple "bien sur, il n'y a pas de problème, il va arriver dans 5 minutes", comme je peux le dira à chaque fois qu'un patient préfère voir mon maitre de stage plutôt que moi. Ce n'est en soit pas un problème, et le Dr Asperge est un très bon médecin. Ce qui m'a mis mal à l'aise, c'est la formulation du patient; même si j'avoue que j'aime mon métier et que je prends parfois plus de plaisir à travailler qu'à jouer . (D'un certain point de vue, la vie n'est qu'un jeu dans lequel il ne faut pas se planter... )
Il est tout à fait normal de souhaiter voir son médecin traitant quand on va chez le docteur, celui en qui on a confiance, celui qui nous connait depuis nos 2 ans et 7 jours, qui nous a fait nos vaccins sans faire mal et que nous avons pris le temps d'écouter en échange quand il nous a expliquer que les lavages de nez c'était mieux que tous les vaso-constricteurs et que les antibiotiques c'était pas automatiques. Bref, ce médecin est tellement bien qu'il accepte de former des "jeunes"!
Je pense qu'il est important pour les patients d'en savoir un peu plus sur ces "internes" qu'on voit un peu partout à l’hôpital et maintenant aussi en ville.
Lorsqu'on laisse sa voiture au garage, un jeune mécano de 20 ans qui a tout de même déjà 4 ans d'expérience (après sa formation en apprentissage débutée à 16 ans) s'occupe de tout est là aussi, on lui fait confiance, et on espère qu'il aura bien remis toutes les vis, qu'il ne sera pas passé à coté du problème de plaquettes de frein, histoire de ne pas finir dans le décor lors du prochain départ en vacances.
L'interne de médecine général, c'est un peu pareil. Les études de médecine commencent par un concours très sélectif lors de la 1ère année dite "PACES" . Un étudiant réussissant ce concours met alors un premier pied à l’hôpital en tant que soignant en effectuant un premier stage d'une durée de 4 semaines à temps complet pour l'initier aux soins infirmier. Puis, les choses sérieuses commencent avec une formation théorique qui dure 2 ans de plus: ce sont les 2ème et 3ème années de DFGSM. Lors de ces deux années, des stages ponctuels dans des services hospitaliers permettent d'accompagner la formation théorique d'applications pratiques pour apprendre les rudiments de l'examen clinique. Puis viens le DFASM : diplôme de formation approfondies en sciences médicales. C'est en tant qu'étudiant hospitalier (on ne doit plus dire externe normalement, même si c'est toujours comme ça qu'on les appelle) que se poursuite la formation: 3 années durant lesquelles l'étudiant en médecine passe ses après midi à étudier toutes les facettes de la médecine et ses matinées à l’hôpital (et malheureusement trop rarement encore dans des stages en cabinet de ville). Le rôle de l'externe est alors d'établir un premier contact avec le patient, de faire son examen clinique et de rédiger son observation médicale. C'est probablement la personne que vous verrez le plus si vous êtes hospitalisé, présent quotidiennement et avec un nombre de patient réduit pour qu'il puisse se concentrer sans être débordé (enfin, normalement...).
A la fin de la 3ème année de DFASM, l'étudiant a engrangé énormément connaissances médicales et n'aura jamais plus ce niveau de connaissance (et oui, parce qu'ensuite, on se spécialise, on oublie beaucoup de choses pour se focaliser sur notre future spécialité). Heureusement, c'est à ce moment qu'intervient le fameux Examen National Classant, durant lequel tous les étudiants sont regroupés dans un entrepôt (enfin, c'est tout comme) pour déterminer leur future spécialité et lieu d'exercice. Les mieux classés choisissent en premier leur ville de formation et la spécialité en fonction des places disponibles par ville et par spécialité et deviennent alors internes en médecine.
Nous y voila enfin! Les internes ont donc derrière eux 6 ans de médecine dont 3 ans de pratique clinique quotidienne. Je parlerai donc de la formation de médecine générale, puisque c'est la mienne, et surtout des stages ambulatoires, mais je tiens à préciser qu'elle peut varier selon les facultés.
La formation de médecine générale constitue un Diplôme d'Etudes Spécialisé (DES) de 3 ans au cours duquel, l'interne doit fournir des traces d'apprentissages. Ce sont des RSCA (acronyme signifiant: Récit de Situation Complexe Authentique) qui consiste à tirer d'une histoire d'un patient, une analyse poussée et argumentée des axes médico-psycho-sociaux évoqués par ce patient. Les traces d'apprentissage peuvent également être un travail de recherche ou de bibliographie fait à l'initiative de l'interne etc...
Les stages ambulatoires sont au nombre de deux: un qui est obligatoire (le stage de 1er niveau) durant lequel j'avoue avoir "redécouvert la médecine"!! Et oui, le patient qui vient en ville n'est pas du tout le même que celui que l'on voit à l’hôpital (et encore moins en centre universitaire dans lesquels on est formé en tant qu'externe) et l'autre dit "SASPAS" pour dire que l'on est en autonomie. Dans chacun de ces stages (surtout le SASPAS) , nous sommes amenés à voir des patients seuls, avec des horaires de consultation si le cabinet fonctionne avec rendez vous, ou selon le flux de patients pour les cabinets sans rendez vous. Tous les patients que nous voyons ne sont pas forcément vus par le maître de stage, mais à la fin de chaque journée TOUS les dossiers des patients que l'interne à vu sont revus. Et en cas de besoin sur le moment, le maitre de stage n'est pas bien loin (soit dans le bureau d'à coté, soit au bout de son téléphone) et peut apporter son avis expérimenté.
En retour des enseignements fournis par le maitre de stage à l'interne, l'interne apporte aussi un point de vue nouveau sur les dossiers, et permet de réévaluer certains traitements, les consultations de l'internes étant prévues pour durer plus longtemps que les 15min habituelles du maitre de stage. D'après le Dr Asperge avoir un interne le force également à se tenir à jour des évolutions, ce qui permet d'améliorer quotidiennement sa pratique.
Alors merci aux maîtres de stage qui nous forment, merci aux patients qui acceptent de voir les internes parce qu'ils ont confiance dans leur médecin qui n'est jamais très loin, merci aux patients qui nous font confiance.
Bref, en recouvrant la médecine grâce à mes stages ambulatoire, cela a vraiment confirmé la façon de laquelle je souhaite exercer, être au contact des patients, pour qu'un jour peut être, j'entende "je voudrais voir le Dr Agibus parce que j'ai confiance en lui."
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