En ce beau matin, les patients
Le plus important dans tout ça, c'est que les patients n'ont pas toujours tord. Il y a quelques années (pas si éloignées malheureusement), le médecin, détenteur du savoir médical universel, ordonnait ses consignes médicales au patient qui avait le choix entre: exécuter les ordres du médecin ou mourir dans d'atroces souffrances. Je me surprends à croire que cette époque est révolue, que nous sommes dans l'ère de la médecine 2.0!
Au cours d'une de nos séances de tutorat à la fac, le thème abordé était: la perception par le médecin d'un refus de la part du patient. Pour travailler cela, le groupe d'interne que nous sommes avons raconté des histoires plus ou moins passionnantes relatant nos frustrations face à aux réticences du patient (alors qu'on lui propose des truc pour son bien!!). Puis, après qu'on ai tous renforcé nos egos démesurés, j'ai émis l'hypothèse que par son refus, le patient aurait peut être raison. Gros blanc.
Bah, oui, il est parfois nécessaire que le patient nous rappelle qu'il y a eu des accidents avec certains médicaments ou vaccins, qu'il y a un débat sur l’intérêt du dépistage du cancer du sein, que l'on essaye de faire des études pour démonter des "trucs évidents", qui ne repose en fait sur rien. Alors bien sur que le patient ne peut pas "tout" savoir, mais entendre ce qu'il nous dit, c'est pouvoir se remettre en question et axer ses prises en charges sur des éléments prouvés.
J'essaye toujours de deviner ce qu'attendent les patients lors de la consultation:
- Parfois des antibiotiques (même si c'est pas automatique). Auquel cas, d'un air compatissant, le patient commence par dire "je sais que c'est pas automatique..." (comme quoi la pub, ça marque bien les esprits!) ou bien "A chaque fois ça dure des semaines si je n'ai pas mes antibiotiques" ou encore "je pensais que ça passerai sans antibiotiques mais...."
- D'autres fois des conseils pour ne pas prendre de médicaments. Là, ça commence toujours par "j'aime pas les médicaments" et ça se poursuit par "donc j'ai attendu avant de venir" ou "mais la ça passe pas". Et il ne faut pas tomber dans le piège du : "ça passe pas donc je veux des médicaments", mais parfois, il en faut quand même, hein...
- D''autres encore veulent juste parler de problèmes médicaux pour avoir un échange avec le médecin (et ça, j'aime bien). De toutes façon, les patients des 2 premières catégories sont fréquemment amenés à rejoindre cette catégorie... (si tant est qu'on puisse catégoriser des patients...) Ce sont généralement des phrases qui commencent par "Docteur" suivies d'une pause, pour s'assurer qu'ils ont entièrement capté mon attention. Et là, ils posent la question à laquelle on ne sait pas répondre parce que c'est un problème qui a été soulevé la semaine dernière par "Femme Actuelle" ou "Science et Vie" et qu'il n'est pas parvenu à nos oreilles. Discrètement on prend un air sérieux, tourne légèrement l'écran de l'ordinateur pour être sur que le patient, on googlise pour essayer de savoir de quoi il s'agit. (Je vous avouerai qu'il est plus difficile de rassurer un patient quand l'article provient de Femme Actuelle que quand il vient de Science et vie, parce que "c'est prouvé dans science et vie"). Et à la fin de la consultation, je me revois encore noter sur un post-it "recherche pubmed sur blabla-truc" .
Sinon, on peut aussi aller chercher le point de vue du patient en amont de sa question, du genre "je vois que vous n'êtes pas vacciné contre l'hépatite B?" ou "Il y a eu débat à propos des pilules oestro-progestatives, comme vous en avez une, est- ce que vous avez des questions?" Et à, justement, il se trouve que le 6ème motif de consultation, celui tout en bas de la liste après le rhume, la douleur au pied droit depuis 2 mois, le stress des exams, le rappel du vaccin du tétanos, et le désir de grossesse , il y a le "mais du coup, je veux attendre la fin des exams dans 6 mois pour essayer d'avoir un enfant, donc est ce que vous pourriez me renouveler ma pilule, enfin je sais pas trop parce qu'a la TV ils ont dit que c'était dangereux ma pilule de 4ème génération et que ça faisait des «féblites»" qui a été anticipé! (et hop, un petit bonus pour l'ego démesuré!)
Bref, j'entends justement un patient qui arrive, je conclurai sur cette citation de Paul Ricœur: «Je vis de frontières, d'échanges et d'emprunts ». (Et c'est à peu près tout ce que j'ai retenu de mes cours de Sciences Humaines et Sociales...).
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