En médecine
générale, le médecin est souvent confronté aux médicaments ayant des actions
cardio-vasculaire, que ce soit en prévention primaire, secondaire ou dans les
suites d’un traitement introduit par un spécialiste. Bêtabloquants, IEC, ARAII,
inhibiteurs calcique, statines, quelles différences y a-t-il entres les
molécules et comment s’y retrouver ?
J'ai mis longtemps à essayer de faire la différence sans vraiment comprendre, à reproduire ce que les chefs prescrivaient à l’hôpital sans trop savoir pourquoi. Alors, j'ai décidé de me plonger un peu dans cette affaire!
A) Bêtabloquants
Les
bêtabloquants sont une classe fréquemment utilisée dans de nombreuses
indications : anti arythmique, anti hypertenseurs, insuffisance cardiaque
et coronaire… Il ne faut bien évidement pas se laisser dépasser par ces
nombreux usages, les introduire de façon progressive et tenir compte des contre
indications qui sont relativement fréquentes :
-
L’asthme ou la BPCO sévère
-
L’ischémie critique des membres inférieurs et
AOMI stade supérieur a III
-
La bradycardie < 45/min et les BAV II ou III
-
Les états de décompensation cardiaque et
coronaire. (1)
Je vais
tenter de clarifier ce qui est des différents
bétabloquants pour une application adaptée à la médecine générale: Cardiosélectifs
ou non, avec une activité sympathomimétique intrinsèque, avec effet
alphabloquant… et quand les prescrire.
Le
propranolol est le bêtabloquant non cardiosélectif de référence pour traiter des
symptômes périphériques : migraine, troubles liées à l’hyperthyroïdie,
varices œsophagiennes, angoisses, tremblement essentiel post-infarctus du
myocarde (IDM) et l’HTA. Il se prend en 1 à 2 fois par jour selon que l’on
utilise une forme LP ou non. (1,2)
Le
bisoprolol est le bêtabloquant particulièrement cardiosélectif, adapté dans
l’indication d’insuffisance cardiaque. Son effet cardiosélectif étant assez
prononcé, on peut l’utiliser en cas d’AOMI stade I et II et de BPCO non sévère. Il se prend en 1 prise
par jour (1,2)
L’acébutolol
est un bêtabloquant légèrement cardiosélectif, avec une activité
sympathomimétique intrinsèque. Il a une AMM dans l’HTA, les troubles du rythme
supra-entriculaires et le post-IDM et
est à privilégier en cas de fréquence cardiaque basse (< 60/min) (1,2,3).
Les autres
bêtabloquants ne sont pas du domaine du généraliste. Le carvédilol et le
labétolol ont un effet alphabloquant et ont des indications respectives dans
l’insuffisance cardiaque congestive en prescription par un cardiologue d’une
part et dans la pré-éclampsie et le phéochromocytome
d’autre part. Enfin, le sotalol est utilisé par les cardiologues dans les
troubles du rythmes (2)
Tableau
récapitulatif des Bêtabloquants : (2)
En conclusion,
le propranolol est le bêtabloquant de choix dans la plupart des indications. En
cas d’insuffisance cardiaque, le bisoprolol est à privilégier, et en cas de
fréquence cardiaque inférieure à 60/min,
l’acébutolol peut avoir un intérêt.
B) IEC et
ARA II
Les IEC sont des médicaments dont
l’intérêt a été démontré dans l’HTA , l’insuffisance cardiaque, le post IDM et
la prévention des néphropathies en cas de maladie rénale chronique. Il faut
savoir qu’une élévation de la créatinine est normale dans les semaines suivant
l’introduction de l’IEC et doit être acceptée jusqu'à +25% ; une sténose
des artères rénales doit être recherchée en cas d’augmentation supérieure (4). Les
principaux effets secondaires sont la toux apparaissant entre J7 et quelques
mois, l’hyperkaliémie, l’insuffisance rénale et des effets tératogènes (2) .Les
plus étudiés sont l’énalapril et le ramipril qui ont tous deux prouvé leur
efficacité bien qu’aucune diminution significative de la mortalité ait été
prouvé dans l’indication d’insuffisance rénale (5). Si je devais faire une
différence entre les deux, je dirais que l’énelapril a été principalement
étudié dans l’insuffisance cardiaque(6) et le ramipril dans le post-infarctus
(7). Sur un faible niveau de preuve le ramipril, selon certaines études semble discrètement supérieur à l'énalapril aussi bien dans l'insuffisance cardiaque (7bis) que dans l'hypertension (7 ter, oui, j'avais oublié des références). Concernant les effets indésirables, le ramipril n'est pas le pire, malgré un peu plus d'hyperkaliémie que d'autres (7quater, idem....).
En cas de mauvaise tolérance des
IEC (allergie et oedème de Quincke, toux) , il est judicieux d'utiliser un
ARAII bien que les preuves d'efficacité soient moindre que celles des IEC. Le
choix d'un ARAII en première intention ne se justifie pas selon l'HAS, en
partie à cause du cout supérieur de ceux ci par rapport aux IEC (Ramipril5mg
37centimes/cp et losartan50mg 70centimes/cp). Trois sartans ont été
principalement étudiés : le losartan, le valsartan et le candésartan
d’après mes recherches dans la Revue Prescrire (5). Le losartan est un ARAII
ancien bien connu dont les effets dans l’insuffisance cardiaque, l’HTA, le post
IDM sont démontrés, et il dispose d’AMM dans l’atteinte rénale des diabétiques
de types 2 (8). Le candésartan a été
particulièrement étudié dans l’insuffisance cardiaque ou il semble supérieur au
losartan (9). Enfin, le valsartan, bien qu’éclaboussé
actuellement par le scandale de la falsification des études japonaises (KYOTO HEART STUDY), a prouvé comme le
losartan une efficacité clinique dans l’HTA et diminue la morbidité dans l’insuffisance
cardiaque comme le candésartan (10).
En
pratique, le principal est de choisir une molécule et de bien la connaitre, les
différences étant faibles. Personnellement, je trouve que le ramipril est un bon choix, quand on est averti qu'il est fréquent qu'il nécessite 2 prises par jour à cause d'une demi vie relativement courte. En cas d'intolérance, le valsartan semble avoir un niveau de preuve suffisant sur l'ensemble des indications, même s'il n'est pas le meilleur si l'on regarde chaque indication séparément.
C)
Inhibiteurs calciques
Les
inhibiteurs calcique peuvent être divisés en 3 catégories dont les propriétés
permettent de choisir les anti hypertenseurs les plus appropriés pour les
indications suivantes : angor, HTA, troubles du rythme et post-IDM
en cas de contre indication aux béta bloquants.
Le vérapamil
est un inhibiteur calcique bradycardisant avec une forte action myocardique,
pouvant être utilisé dans les troubles du rythme cardiaque et en post infarctus
en cas de contre indication aux beta-bloquants (1,2)
Les dihydropyridines de 1ere génération
(nicardipine) ont une forte action vasculaire et sont utile dans l’HTA (2).
Celles de 2eme génération (amlodipine) ont un effet intermédiaire en ayant a la
fois une action vasculaire et myocardique (2). L’amlodipine semble légèrement
supérieur à la nicardipine et bénéficie d’une posologie en 1 prise par jour (11).
Leurs contre indications sont rares et concernent principalement le verapamil
et le diltiazem : les BAV 2 et 3 et l’insuffisance cardiaque (1,2).
D)
Statines
Les statines sont un des
traitements les plus incontournables en prévention cardio vasculaire primaire
et secondaire. En prévention primaire, une indication à un traitement est à
évaluer pour un LDL-cholestérol (LDLc) supérieur à l’objectif, calculé en
fonction du nombre de facteur de risque cardio vasculaire (HTA, diabète,
tabagisme, antécédent familiaux d’infarctus du myocarde, HDLc bas) (12).
L’intérêt des statines en
prévention primaire a cependant été remis en cause par les récents écrits sur
le sujet des Pr Even et Pr Debré déclarant que l’abaissement du LDLc n’avait
pas de bénéfice en terme de morbi-mortalité, et qu’alors la balance
bénéfice-risque des statines était défavorable compte tenu de leurs risque de
rhabromyolyse, de troubles hépatiques, d’interaction médicamenteuse et peut
être de diabète (13). Cependant, toutes les statines n’ont pas la même preuve
d’efficacité et de tolérance. A l’heure de l’Evidence Based Medecine, il faut
être capable en médecine générale, de ne pas suivre les préceptes des leaders
d’opinion, et de se rechercher les données dans les bases de données de la
littérature. Quatre statines se détachent dans les usages de la classe
thérapeutique : la simvastatine, la pravastatine, l’atorvastatine et la
rosuvastatine.
Sur le pourcentage espéré de baisse
du LDLc, la simvastatine et l’atorvastatine permettent des baisses de 40 à 50% selon les
études et la posologie. La pravatatine permet des baisses moindres se situant
entre 20et 30%. La plus « puissante » semble être la rosuvatatine qui
permettrai des baisses de 40 à 60% selon les dosages (14).
L’efficacité en termes de
mortalité n’est néanmoins pas forcément corrélée à cette baisse. En effet, en prévention
primaire et secondaire, seuls la simvastatine (15) et la pravastatine (16) ont diminué la
morbi-mortalité à un an. En préventions primaire, l’atorvastatine n'a démontré qu’une diminution de
la morbidité sans diminution de mortalité et la rosuvastatine est efficace mais est cependant
associée à une augmentation du nombre de diabète supérieure par rapport aux autres statines (17). Les recommandations HAS rappellent d'ailleus que la rosuvastatine et l'atorvastatine n'ont pas démontré d'efficacité en prévention secondaire et n'ont d'ailleurs pas l'AMM!!! (18)
Sur le plan des interactions,
l’atorvastatine et la simvastatine sont métabolisées par le cytochrome P450 est
expose a des interactions fréquentes. La pravastatine et la rosuvastatine ne le
sont pas et sont a privilégier en cas de risque important. Il faut noter que la
pravastatine interagit fortement avec la ciclosporine. (1)
Les recommandations actuelles sur la prise en charge des dyslipidémies est en pleine évolution. Suite aux recommandations américaines favorisant la baisse du cholestérol en pourcentage et supprimant les objectifs de cholestérol (19), le Collège National des Généralistes Enseignants a poursuivi sur la lancée en recommandant de ne plus utiliser d'objectifs ni de contrôler les valeurs de LDL en dehors de s'assurer de l'observance, l'effet des statines étant, d'après les connaissances actuelles, propre au traitement et non à la valeur du LDL-cholestérol (20). Mais très récemment, l'étude IMPROVE-IT (sponsorisée par BigPharma) semble montrer qu'un LDL cholestérol inférieur à 0,5g/L par statine associé à l'ézétimibe diminue la mortalité par rapport à un LDL cholestérol inférieur à 0,7g/L sous statine seule (21). Le débat risque donc d'être relancé...
En pratique, les statines que je
privilégierai serai donc, aussi bien en prévention primaire, qu'en prévention secondaire, la simvastatine, ou la pravastatine en cas de risque
d’interaction médicamenteuse. La surveillance s’effectue avec un bilan hépatique
pouvant conduire à l’arrêt du traitement en cas de transaminases supérieures a
3N, et un dosage des CPK en cas de myalgies nécessitant l’arrêt du traitement
en cas de seuil supérieur à 5N (22).
J'espère que vous y verrez un peu plus clair! Si des spécialistes de la question veulent partager leur avis et m'incendier (preuves à l'appui), c'est avec plaisir que je m'ouvrirais à leur arguments! Dans la mesure du possible, je vais essayer de faire de temps en temps quelques revues de la littérature, si ma veille bibliographique me laisse le temps de le faire. J'ai aussi quelques idées de billets un peu plus "spirituels" mais le temps me manque également... Bref, bonne soirée!
Et pour ceux qui voudraient relire ma précédente réflexion sur la vaccination anti-HPV, c'est par ici!
Bibliographie :
(1) Vidal
2012
(2) Cardiologie
et maladies vasculaires, David ATTIAS, Bruno BESSE, Nicolas LELLOUCHE, ed. VERNAZOBRES
- Médecine internat KB. 2013
(3) « Quel
bêtabloquant prescrire ? » La Revue prescrire n°153, 1995
(4) Néphropathie
: Association canadienne du diabète 2003
(5) Rémunération
sur résultats - Objectif cible : au moins 65 % de prescriptions d'inhibiteurs
de l'enzyme de conversion (IEC) sur le total des prescriptions d'IEC et de
sartans. La revue Prescrire n°356, 2013
(6) Effects of enalapril on mortality in
severe congestive heart failure. Results of the Cooperative North Scandinavian
Enalapril Survival Study. The CONSENSUS Trial Study Group. N Engl J Med 1987.
( 7) Ramipril: a review of its use in the
prevention of cardiovascular outcomes.Warner GT,
Perry CM.
2002
(7bis) Effect of different ACE inibitors on mortality among elderly patients with congestive heart failure, CMAJ, Louise Pilote, 2008.
(7ter)Different ACE inhibitors and the associations with overall and cause-specific mortalities in patients with hypertension, American Journal of Hypertension, Chia-Hsuin Chang. 2014.
(7quater) Adverse drug reaction monitoring with ACE inhibitors: a prospective randomized open-label comparative study. Indian Journal of pharmacology, Nishant V Sangole 2010.
(8) HTA :
traitement de deuxieme ligne , la revue prescrire n°293, 2008
(9) Eklind-Cervenka M. Association of candesartan vs losartan with
all-cause mortality in patients with heart failure. JAMA 2011
(10)
Les copies du mois - valsartan avec ou sans hydrochlorothiazide : un sartan
d'intérêt clinique démontré LA revue
Prescrire n°336, 2011
(11) Randomized,
comparative, double-blind study of amlodipine vs. nicardipine as a treatment of
isolated systolic hypertension in the elderly. Mounier-Véhier C, Fundam Clin Pharmacol. 2002.
(12)
Prise en charge des dyslipidémies, Afssaps 2005.
(13)
La vérité sur le cholestérol, Pr Even 2013.
(14) Weng TC et al Clin Pharm Ther
2010
(15)Heart protection collective group
MRC/BHF Heart Protection Study of cholesterol lowering with simvastatin in
20,536 high-risk individuals: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2002
(16) West of Scotland Coronary Prevention
Group. West of Scotland
Coronary Prevention Study: identification of high-risk groups and comparison
with other cardiovascular intervention trials. Lancet 1996
(17) Ridker P et al . rosuvastatine to
prevent cardiovascular events in men and women with elevated CRP. NEJM 2008
(18) Prévention cardio-vasculaire :le choix de la statine la mieux adaptée dépend de son efficacité et de son efficience , Fiche de bon usage des médicaments, HAS, 2012
(19) Stone NJ, Robinson J, Lichtenstein AH, et al. 2013
ACC/AHA guideline on the treatment of blood cholesterol to reduce
atherosclerotic cardiovascular risk in adults: A report of the American
College of Cardiology/American Heart Association. J Am Coll Cardiol 2013
(20) Patient hypercholestérolémique :
abandonner les cibles de LDL et traiter par statine selon le risque
cardiovasculaire. Le CNGE demande une mise à jour des recommandations
françaises qui ne sont plus adaptées aux données de la science - Avril
2014
(21)
IMProved Reduction of Outcomes: Vytorin Efficacy International Trial,
Dharam J. Kumbhani, 2014, lu le 23 novembre 2014 @ http://www.cardiosource.org/science-and-quality/clinical-trials/i/improve-it.aspx?w_nav=RI
(22) Recommandations
de la société européennes de cardiologie 2011.
Bonjour, merci pour cet article tres intéressant.Je vais le diffuser. Bémol pratique : grosses difficultés à le lire via mon smartphone à cause du fond. Bonne journée. Merci !
RépondreSupprimerMerci des encouragements! Pour le fond, il est sufisamment foncé chez moi pour permettre un bon contraste. Je vais réfléchir à la question!
SupprimerJe n'avais que l'arrière plan bleu clair/blanc sur mon téléphone, parfait sur l'ordi !
RépondreSupprimerBizarre, normalement c'est configuré pour le même fond sur téléphone... Bref, tant mieux quand même!
SupprimerBel article, merci infiniment !
RépondreSupprimerJuste un petit bémol : les statines sont à présent avérées à risque diabétogène, c'est démontré. Comme il n'a jamais été démontré qu'un facteur de risque comme l'hyperlipidémie, pouvait être un risque à lui tout seul... Entre deux mots, choisissons donc le moindre, "Primum non nocere" comme aurait dit Hippocrate :) Enfin, chez les personnes âgées, il est bon de diminuer les posos de tous ces beaux remèdes...
Bien cordialement
Je suis d'accord avec le primum non nocere, mais il faut dissocier "baisser l'hyperlipidémie" de " l'effet de la statine". Je ne prescris pas une statine pour faire baisser un chiffre, mais parce que chez certains patients mettre une statine, malgré le disque de diabète, d'hépatite etc... ça permet d'augmenter la mortalité. Balance bénéfice/risque quoi. L'effet diabétogène est bien connu, et dépend de la statine la thèse ( http://www.voixmedicales.fr/wp-content/uploads/2014/05/Th%C3%A8se-v5_5_14_def_leger.pdf ) l'a particulièrement étudié. La pravastatine a l'effet diabétogène le plus bas et est efficace en prévention primaire en terme de morbi-mortalité. Elle semble donc tout a fait intéressante dans cette indication. Et oui, après 80 ans, rien ne dit que cela ait encore un intérêt, Merci du commentaire
SupprimerBelle synthèse cher Dragibus ! D'accord sur les choix dans les classes. J'apprécie également le metoprolol (lopressor) pour le traitement de fond de la migraine, pour son action plus longue que le propranolol, et malgré son action périphérique moindre . Rapelle toi que ton "œdème de quincke" sous IEC, est un "angio-oedeme", médié par la bradykinine et non l'histamine, et que donc les sartans sont aussi contre indiqués pour ce risque. Arnaud
RépondreSupprimerMerci de la précision sur l'oedeme sous bloqueurs du SRA! A bientôt
SupprimerJ'adore !!!!! Pour moi le cardio c'est l'activité physique je pratique le plus dans ma salle de sport la teste de buch
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