samedi 10 septembre 2016

Dragi Webdo n°106: Reco insuffisance cardiaque (ESC), vaccin grippe, Vitamine D/asthme, reco NASH, reco incidentalomes

Bonjour! Un Dragi Webdo n'a jamais été publié avec autant d'avance! Le planning du congrès de l'ESC ayant été particulièrement dense, j'ai terminé de lire leurs recommandations cette semaine. Ensuite, on passera aux autres actualités toujours aussi denses en cette période de reprise (malheureusement, je les trouves tellement intéressantes que j'ai du mal à ne pas en parler). Bonne lecture!


1/ Cardiovasculaire

L'ESC a donc également publié des recommandations sur la prise en charge de l'insuffisance cardiaque, très à la pointe et en accord avec les derniers articles parus l'an dernier et cette année. Toujours aussi longues, je vais essayer d'aller à l'essentiel en me concentrant sur l'insuffisance cardiaque chronique (la partie relative à l’aiguë décrite dans ces recos étant plutôt du domaine des urgentistes). Le diagnostic repose sur la clinique, le dosage du BNP ou nt-proBNP (qui aident également quand la FEVG est conservée) et l'échographie cardiaque. L'ECG est également recommandé. Le bilan complémentaire biologique doit comprendre:
- BNP ou NTproBNP, NFS, glycémie à jeun (HbA1C pour les américains), Na, K, créatininémie (l'urée et mises mais il est prouvé que ça ne sert à rien en l'absence d'anomalie de la créatiniémie alors faisons des économies), bilan hépatique, TSH, EAL, ferritine et coefficient de saturation en fer.
Au point de vue thérapeutique, pour l'insuffisance cardiaque à FE altérée (<50%): IEC + bêtabloquant SYSTEMATIQUE.
Si la FEVG < 35% ET patient toujours symptomatique: ajout d'un antagoniste des minéraloorticoides (spironolactone en 1ère intention). Si le patient est toujours symptomatique, remplacer l'IEC par un inhibiteur de la neprilysine (qui est forcément associé à un ARAII). Et si le patient à un QRS>130 ou un FC >70 ou est toujours symptomatique: revoir le cardio (parce que ces recos pronnent l'ivabradine, alors que le bénéfice est... bien caché). Je découvre à cette occasion que le ramipril est recommandé en 1 seule prie et non en 2 comme le dit le Vidal dans l'insuffisance cardiaque. Pour mémoire, inutile de doser le BNP quand un patient est sous inhibiteur de niprilisine car le médicament empêche sa dégradation: il faut doser le NTproBNP. Pour mémoire aussi, les inhibiteur calciques ont un profil d'effet indésirable défavorable chez l'insuffisant cardiaque SAUF pour l'amlodipine qui est "neutre". 
En cas de FEVG préservée, seul les IEC et le candesartan sont parfois efficaces (bêtabloquants et les antagonistes des minéralocorticoides n'ont pas montré d'efficacité). Les diurétiques ne devraient être utilisés que pour les phases congestives. Enfin, les patients diabétiques pourraient tirer un bénéfice d'un traitement par empagliflozine.

J'en profite donc pour vous dire que la HAS approuve l'utilisation du sacubitril/valsartan avec un SMR important et un ASMR mineur chez les patients avec une FEVG < 35% et symptomatiques malgré un IEC ou un ARAII. Ca tombe bien, ça colle à ce que proposent les recos de l'ESC!

Enfin, l'étude AMERICA se demandait s'il était utile de chercher les lésions athéromateuses non coronaires asymptomatiques chez les patients avec une coronaropathie pour traiter plus intensivement ces lésions extra-cardiaque. L'étude est sans appel: ça ne sert à rien. Alors on leur laisse leur traitement déjà assez lourd et on ne les embête pas avec d'avantage d'examens.


2/ Pneumologie

La vaccination anti-grippale va approcher. Une étude de cohorte publiée dans l'European Respiratory Journal a inclus plus de 250 000 patients de plus de 65 ans sur 3 périodes. Quelque soit la période étudiée, les auteurs retrouve une diminution de la mortalité chez les patients vaccinés en analyses multivariée. Les NNT varient entre 150 et 750, sachant que plus la grippe est "virulente" plus le vaccin s'est retrouvé efficace.

Une revue Cochrane a étudié la prescription de vitamine D chez les enfants asthmatique. Ils retrouvent dans leur méta-analyses une diminution des exacerbations et des recours aux soins chez les enfants prenant de la vitamine D. Alors que les recos françaises pronent la vitamine D jusqu'à 5 ans puis de 11 à 16 ans, peut être faudrait il poursuivre la supplémentation entre 5 et 11 ans chez les enfants asthmatiques. (voici la petite infographie qui va bien)



Restons dans l'asthme. Les AINS pourvoyeurs de crise d'asthme, c'est écrit dans tous les livres. En pratique, un essai contrôlé randomisé ayant inclus 300 enfant asthmatiques n'a pas mis en évidence de crise d'asthme plus grave ou plus fréquente chez les patients ayant une fièvre traité par ibuprofène par rapport à ceux traités par paracetamol. Côté effets indésirables: pas de différences non plus, mais 6 (4%) effets indésirables graves sous paracetamol et 12 (8%) sous ibuprofène, ce qui ne laisse pas indifférent car la puissance des études n'est généralement pas suffisance pour mettre en évidence une différence significative (ils ont quand même réussi à avoir une angine grave hospitalisée dans le groupe ibuprofène, hein...)


3/ Infectiologie

L'OMS a mis à jour ses recommandations de prise en charge des infections sexuellement transmissibles. Elles ne diffèrent pas des recos françaises sauf pour le traitement du gonocoque. En effet, l'OMS recommande une dose unique de ceftriaxone à la dose de 250mg et non 500mg. Si un expert francophone voulait commenter cette différence de posologie, je serais ravi de savoir si on peut la baisser également en France.

L'USPSTF (la HAS américaine) s'est prononcée en faveur d'un dépistage de tuberculose latente chez les patients majeurs à risque (patients étant né ou ayant vécu dans un pays à forte prévalence ou vivant dans des conditions précaires). Le test de dépistage proposé est le test à la tuberculine intradermique ou les tests à interféron gamma (non remboursés en France et coutant près d'une centaine d'euros si ma mémoire est bonne)


4/ Hépatologie

Je vais très rapidement parler de la recommandation du NICE (HAS britannique) sur l'hépatopathie non alcoolique et conçu pour être adapté à un dépistage en soins primaires. En effet, si une échographie hépatique met en évidence une stéatose hépatique en l'absence de prise d'alcool régulière, cela suffirait à poser le diagnostic (quel qu’ait été l'indication de l'écho: anomalie du bilan hépatique ou un autre indication avec un bilan normal). La prise en charge: les règles hygiénodiététiques! Et le suivi doit s'effectuer d'abord par "ELF blood test" (score ELF d'évaluation de la fibrose hépatique) qui est une mesure non invasive de la fibrose, tant que l'ELF est normal. L'ELF est à répéter tous les 3 ans si normal ou bien le patient doit être adressé à un hépatologue pour mieux évaluer la fibrose (par les moyens classiques: fibroscan voir biopsie si besoin). En pratique, je n'ai jamais vu l'ELF utilisé.


5/ Endocrinologie

Pour finir, les recommandations de la société européenne d'endocrinologie sur la prise en charge des incidentalomes surrénaliens. Du point de vue du généraliste, c'est la conduite initiale qui est importante:
- Un examen clinique à la recherche de signes d'hypercorticisme
- Le TDM non injecté est recommandé en première intention (Le scanner injecté et avec wash out, l'IRM et le PET scan ne sont utiles que si le TDM est insuffisant)
- Recherche des métanéphrines et normétanaphrines plasmatiques ou  urinaires ET test de freinage à la dexamétasone 1mg
- la mesure du rapport aldostérone/rénine chez les patients hypertendus ou si hypokaliémie
- la DHEA-S, androstenedione, 17-hydroxyprogesterone et testostérone chez l'homme ou estradiol chez la femme en cas de suspicion de corticosurrénalome (virilisation, enfant, hypercorticisme clinique)
Si ces éléments orientent vers une lésion bénigne (au TDM) et non fonctionnelle (d'après la bio et la clinique), essentiellement des adénomes et lipomes, il est inutile de pousser les explorations ou de recourir à un suivi particulier en dehors d'apparition de nouveaux signes.


C'est fini pour cette semaine qui était particulièrement dense. Je vais mettre un petit graphique visualisant le coût des études de médecine en France par rapport aux Etats Unis, histoire de dire que même si on est beaucoup moins payé qu'eux, on est aussi beaucoup moins endetté!


A la semaine prochaine!
@Dr_Agibus

5 commentaires:

  1. Salut, je me sens obligé de rebondir sur les incidentalomes surrénaliens : c'était mon sujet de thèse.

    La TDM injectée n'est que TRES rarement nécessaire. Quand une tumeur incidentale mesure moins de 4cm et fait moins de 10UH de densité spontanée, tu peux être sûr à quasiment 100% que c'est un adénome bénin (reco 2.3). C'est uniquement dans les cas où les tumeurs ne rentrent pas dans ces conditions qu'il vaut mieux recourir à un scanner injecté avec mesure de Wash out plutôt que d'autres imageries.
    Donc oui, le scanner NON injecté en 1° intention et injecté avec mesure de Wash out en 2° intention.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci de ce rebond tout à fait justifié, ma phrase n'était pas claire. Par "le TDM non injecté, puis injecté et avec wash out, est recommandé en première intention", mon esprit trop rapide pour mes mains voulait effectivement signifier que le TDM était non injecté et qu'en deuxième intention l'injection et le wash out pouvaient être des recours si non contributif. J'ai reformulé la phrase pour qu'elle soit compréhensible sans ambiguïté. Merci

      Supprimer
  2. Bonjour,
    Mon commentaire va concerner l’étude sur la vaccination contre la grippe.
    Mais une remarque auparavant : je suis impressionnée par votre niveau en maths et statistiques. Suivie d’une autre remarque : pour moi la médecine ce n’est pas que des maths et des statistiques, même si c’est un bon point de départ sur lequel s’appuyer, c’est aussi beaucoup d’esprit critique et de bon sens. Le pschitt qu’a fait l’étude SPRINT vient de le démontrer http://docteurdu16.blogspot.fr/2016/09/breve-revue-de-presse-medicale.html . Les cardiologues se sont déclarés incapables d’en tirer des conclusions à cause d’un détail, personne ne sait dans quelles conditions la mesure de la TA a été faite. Il y avait bien d’autres problèmes avec cette étude mais ce simple détail, savoir si l’examinateur était ou non présent dans la pièce et à quel moment précis a suffi à désamorcer le buzz, et aussi a empêcher une enième modification des objectifs tensionnels qui aurait fait passer, je ne sais plus combien, 70% de la population du côté du pathologique ?
    Concernant l’étude sur l’efficacité de la vaccination contre la grippe sur les personnes âgées, étude suédoise http://erj.ersjournals.com/content/30/3/414.long . C’est une étude qui date de 2007. Les raisons de l’avoir choisi elle plutôt que les centaines d’autres études sur le sujet ne sont pas claires pour moi. D’autant qu’il s’agit d’une étude observationnelle qu’elle est bourrée de biais et d’approximations.
    Sans en avoir fait une analyse ultra-détaillée, les problèmes qui me sautent aux yeux sont :
    - La définition arbitraire de la saison grippale, ne tenant pas compte de la réalité des épidémies selon les années, et étudiant la période de décembre à avril
    - L’impossibilité de croiser les données de vaccination individuelle avec celle des résultats observés> on sait que les personnes ont été vaccinées, mais la chronologie a une importance le vaccin n’étant pas, aucun vaccin d’ailleurs, instantanément efficace. D’autre part des personnes peuvent avoir été vaccinées début avril, p exp, après la fin de l’épidémie et être en vie fin avril, la survie de ces personnes sera mise au crédit du vaccin contre la grippe (on sait qu’en France l’incitation à se faire vacciner s’étend bien au-delà du pic de l’épidémie et que les chances d’avoir une grippe pour les personnes qui se font vacciner diminuent alors, cela crée un biais.
    - Les auteurs reconnaissent que les personnes vaccinées sont généralement en meilleure santé que les personnes non vaccinées et que la différence de mortalité toutes causes entre les deux groupes persiste hors saison grippale . « This phenomenon was particularly evident during the 2000/2001 season, when there was little or no influenza, but when vaccinated subjects remained at a 37% reduced risk of death during the influenza season (after adjustment for known confounders). However, this selection bias could be adjusted for by taking the reduced off-season mortality into account, resulting in the effectiveness of vaccination decreasing to only 14, 19 and 0%, respectively, during the three seasons”. Si l’on ajuste pour ce biais, le faible benefice observe peut être attribué aux autres biais non contrôlés.

    RépondreSupprimer
  3. SUITE
    - La qualité de l’appariement entre les souches vaccinales et les souches circulantes n’est jamais évoqué, alors qu’il est reconnu comme étant un facteur important dans l’efficacité du vaccin. Les différences d’efficacité du vaccin entre saisons ne sont attribuées qu’à la virulence du virus, ce qui n’est qu’une interprétation parmi d’autres.
    J’avais analysé une étude danoise (encore des slaves) bien plus précise, car le timing individuel était pris en compte, qui aboutissait à des conclusions bien différentes : http://docteurdu16.blogspot.fr/2012/02/vaccination-anti-grippale-une-etude.html . Ces conclusions concordent avec celles de plusieurs études canadiennes, bien qu’également sujettes à des biais.
    Sans oublier la méta-analyse Cochrane de 2010, qui incluait d’ailleurs cette étude http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/14651858.CD004876.pub3/full .
    Ses conclusions : « The available evidence is of poor quality and provides no guidance regarding the safety, efficacy or effectiveness of influenza vaccines for people aged 65 years or older. To resolve the uncertainty, an adequately powered publicly-funded randomised, placebo-controlled trial run over several seasons should be undertaken.”
    Plus récemment , La Cochrane a pris position en expliquant que les etudes sur les vaccins contre la grippe étaient bien trop biaisées pour pouvoir tirer des conclusions des méta-analyses quant à l’efficacité des vaccins http://www.cochrane.org/CD001269/ARI_vaccines-to-prevent-influenza-in-healthy-adults .
    Donc, prudence. Les choses sont loin d’être aussi claires.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour, merci une fois de plus pour votre commentaire. L'impression que vous avez de mes compétences en statistique est égalée par le plaisir que j'ai à lire vos commentaires toujours de très grande qualité. Nous partageons exactement la même vision quant à l'utilisation des statistiques dans la médecine et dans l'EBM qui ne repose pas que sur les résultats des articles. Le choix de cet article s'est fait car c'est une étude que je ne connaissais pas et que j'ai vu ressurgir au travers de ma veille biblio. Merci de tous ces détails qui permettent de recentrer l'article et de voir les biais qui ne sautent pas aux yeux à la première lecture.

      Supprimer