dimanche 26 mars 2017

Dragi Webdo n°133: thrombose veineuses (HERDOO2), alcool, conjonctivite, bilan hépatique, cannabis

Bonsoir, reprenons les bonnes habitudes avec une publication le dimanche soir. Tout d'abord, merci à tous pour vos message d'encouragement, vos commentaires et vos réflexions qui permettent d'aller plus loin dans les réflexions sur la médecine! Et ensuite, les actualités (c'est un peu long aujourd'hui...)


1/ Pharmacovigilance

Le JAMA internal medicine a publié un article sur les inhibiteurs de la 5 alpha réductase (comme le finastéride, si c'est plus parlant). Ces traitements pourraient être associés à une augmentation des syndromes dépressifs, durant les 12-18 premiers mois mais sans augmentation significative du nombre de suicides. Il semble néanmoins nécessaire de surveiller le moral des patients traités.


2/ Cardiovasculaire

Nous allons parler de maladies thromboemboliques veineuses. La tendance actuelle est de proposer des traitements prolongés par anti-coagulation après les TVP sans facteur déclencheur en supposant qu'un tel évènement n'est pas "normal" même avec un bilan de thrombophilie sans anomalie retrouvée. Le BMJ a proposé un article évaluant une règle permettant de décider de l'interruption de l'anticoagulation. Avec un score HERDOO2 nul ou égal à 1, les patients sont classé a faible risque et l'incidence annuelle de récidive de TVP est de 3% . Quand ce score est supérieur ou égal à 2, l'incidence est supérieure à 8% ce qui justifierait une anticoagulation au long cours.
Les critères du score (1 point par item, score allant de 0 à 4):
- Hyperpigmentation, oedème ou érythème des membres inférieurs;
- D-dimer ≥250 μg/L; 
- IMC ≥ 30 ;
- Age ≥ 65 ans.

Autre article du BMJ: pour quels patients faut il chercher un cancer comme facteur déclencheur de TVP? Les évènements thrombo-emboliques veineux survenant sans facteur déclenchant chez des patients de plus de 40 ans devraient nécessiter une recherche de cancer par:
- interrogatoire et examen clinique
- vérification des dépistages "habituels": frottis, mammographie et dépistage colorectal
- NFS plaquettes, calcémie, bilan hépatique, analyse d'urines,
- radiographie thoracique ou TDM thoraco-abdominal (recommandé par le NICE, mais beaucoup plus irradiant, avec un cout de dépistage multiplié par 3 lié au explorations de faux-positif vu sur le TDM).

Parlons un peu alcool. Le BMJ, encore une fois, a publié une étude de cohorte recherchant les évènements cardiovasculaires selon la consommation d'alcool des patients. Si l'on ne tiens pas trop compte des biais possibles de ce type d'étude et des facteurs de confusion qui existent certainement et qui n'aurait pas été pris en compte par les auteurs, les consommateurs modérés (sous la limite de l'OMS) avaient un risque moindre de mort subite par infarctus du myocarde, d'AVC et d'insuffisance cardiaque que les patients non buveur et que les patients buvant plus que les recommandations OMS.


3/ Rhumatologie

Les lombalgies font encore parler d'elles. D'abord, dans Annals of Internal medicine avec un essai contrôlé randomisé français étudiant l'efficacité des injections de prednisolone intra-discale chez 135 patients. Les auteurs retrouvent une amélioration significative de la douleur sur échelle verbale à 1 mois (-22 points sur 100), mais pas de différence à 12 mois. Il s'agissait de patients en centre sur-spécialisés avec des critères IRM précis, donc ça ne concerne pas toutes les lombalgies.

De son coté, le NEJM publie un essai contrôlé randomisé sur la prégabaline dans la lombosciatique aiguë et chronique. Une fois de plus, les traitements essayés dans la sciatique n'ont pas réussi a permettre une modification significative de la douleur à 8 semaines ou 52 semaines, Les EVA de la douleur étaient mêmes meilleures sous placebo, et les patients avaient moins d'effets indésirables. La sciatique... cette pathologie ou les meilleurs traitements sont l'effet placebo, la patience et la prise en charge des soucis qui font que les patients en ont plein le dos.


4/ Infectiologie

Le JAMA a publié une revue narrative portant sur les conjonctivites. Un arbre décisionnel permet d'aider le praticien pour savoir quand orienter au spécialiste (avec un petit oubli pour la conjonctivite virale qui, d'après le texte doit être localisée sur l’algorithme au même endroit que la conjonctivite allergique). Rien de très neuf à part cela, mais le traitement des conjonctivites virales et allergiques est identique: lavages oculaires et anti-histaminiques (notamment azelastine 1gtte x 2/j ou cromoglicate de sodium x 4-6/j). Aucune place n'est faite aux "collyres antiseptiques", car en cas de conjonctivite bactérienne les collyres antibiotiques sont à privilégier (notamment tobramycine x3/j pendant 7 jours), mais ne pas les traiter est également acceptable car elles guérissent généralement spontanément (l'antibio ne diminue que la durée des symptômes)


La HAS a publié une fiche sur le dépistage du VIH en France. La recommandation d'une sérologie VIH dans la vie de tout patient entre 15 et 70 ans est remis en place (notamment pour les régions Ile de France, PACA et départements Français d'Amérique). Les hommes ayant des rapports avec des hommes devraient être dépistés tous les 3 mois, les usagers de drogues intraveineuse une fois par an, tout comme les patients originaires de zones de forte prévalence (Afrique et caraïbes). Ces recommandations "globales" sont certainement à adapter selon le patient parce que leur formulation me semble un peu rétrograde...


5/ Hépatologie

La société de gastro-entérologie  américaine a publié des recommandations sur le bilan à faire en cas d'anomalie du bilan hépatique. D'abord, en cas d'anomalie, recontrôler le bilan hépatique.
Ensuite, le bilan: 
- ASAT, ALAT, PAL, GGT et bilirubine totale et conjugué, TP-TCA, albuminémie
- sérologies: VHB, VHC (éventuellement VHA et en Europe il parait qu'on sous estime les hépatites E, donc il me semble qu'il est recommandé de rechercher VHE si les autres sont négatifs)
- bilan métabolique: glycémie à jeun, bilan lipidique, échographie hépatique
- Ferritine, coefficient de saturation et fer sérique (rajouter la CRP pour vérifier que ce soit interprétable). La recherche de mutation HFE doit etre effectuée si CST > 45% ou hyperferritinémie.
- bilan auto-immun: anticorps antinucléaires, anticorps anti muscle lisse (et anti LKM et anti mitochondrie en 2ème intention), électrophorèse des protéines
- Avant 55 ans: céruloplasmine sérique
- Et si persistance: rechercher une maladie coeliaque, un Lyme et dosage de l'alpha1 anti-trypsine.

J'ai toujours pensé que les PAL servaient pas à grand chose, mais visiblement en cas d'anomalie il faut chercher une cholangite sclérosante primitive. Et au contraire, ce sont les GGT qui ne doivent pas être faites systématiquement dans des bilans de dépistage en absence d'autres anomalies à cause de leur manque de spécificité.


6/ Addictologie

Une étude française a étudié l'impact du dépistage du cannabis chez les adolescents en médecine générale. L'essai avait randomisé l'intervention ou non par cabinet de médecine générale. Les auteurs retrouvent malheureusement qu'il n'y avait pas d'amélioration dans le sevrage des patients consommateurs réguliers mais une baisse de la consommation chez les consommateurs jeunes et occasionnels.


7/ Diabétologie

Il y a quelques mois, une étude du BMJ parlait du sur-risque de mortalité des patients pré-diabétiques. Mais faut-il traiter ces patients par metformine? Le JAMA revient sur cette question en parlant d'une étude qui a permis de diminuer le nombre d'évolution en diabète, mais aucun critère de jugement n'a évalué les évènements cardiovasculaires ou la mortalité... (déjà qu'en cas de diabète, les bénéfices sont difficiles à prouver...) Bref, traiter les pré-diabétiques n'est, à ce jour, pas recommandé car les règles hygiéno-diététiques sont les mesures ayant le plus de bénéfices prouvés.


C'est fini pour ce soir! 
Passez une bonne semaine et RDV au #CMGF2017 pour ceux qui y seront!

@Dr_Agibus


7 commentaires:

  1. Bonjour

    Je voudrais faire 2 remarques :

    La présentation d'un score supplémentaire pour "soigner au mieux" me laisse un sentiment de malaise profond.

    En effet, nous avons tous pu constater que l'exercice de la médecine se déshumanise chaque jour un peu plus.
    Les patients sont "catalogués" en fonction de leur poids, de leur IMC, de leurs chiffres extensionnels, de leur taux de cholestérol etc.
    N'êtes vous pas interloqué comme moi d'entendre un patient venir consulter pour savoir s'il n'est pas malade et de réclamer pour cela son bilan sanguin annuel.

    Par ailleurs, nous sommes aussi sans ignorer que les patients se tournent de plus en plus vers les "médecines douces". Pourquoi ? Sans doute parce que ces praticiens, échangent avec les patients, leur parlent, les palpent, les touchent et donc au final s'occupe d'eux dans leur humanité, dans leur "corporalité".

    Tous ces chiffres, ces scores sont-ils aussi utile que l'on voudrait nous faire "croire" ou nous éloignent-ils des patients?
    As-t-on une idée des progrès que l'on atteint en suivant "scrupuleusement" tous ces chiffres, score et diagramme de décision?

    Pour ma part, je crois que non, et je crois aussi que toute cette technicité dont nos confrères "spécialistes d'organes" se font les chantres, n'est qu'une manière supplémentaire de "manipuler" les médecins et de leur faire perdre ce qui est l'essence du soin : le dialogue, le respect et la part d'humanité de notre métier.

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    1. Bonjour, effectivement , la relation est le coeur du travail du généraliste, je pense (non pas que ce soit totalement secondaire dans les autres spécialité). Mais, il est parfois rassurant d'avoir un outil sur lequel s’appuyer pour choisir une prise en charge. Le médecin n'étant pas déshumanisé, encore faut il discuter de la prise en charge en fonction des patients et selon leur volonté.

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    2. Bonjour

      Quand tu écris : "Mais, il est parfois rassurant d'avoir un outil sur lequel s’appuyer pour choisir une prise en charge.", je me pose la question suivante :
      La pratique de la médecine est-elle dans l'intérêt des patients ou pour que le médecin ne soit pas inquiété et donc qu'il soit "rassuré".

      Je crois qu'en effet, il est très confortable de suivre les recommandations des multiples sociétés, de faire "comme tout le monde" et donc d'avoir ce type de score à justifier "en cas où".
      En effet, il n'est pas "rassurant" et donc inconfortable, de lire par exemple la revue Prescrire et de s'apercevoir que ce que l'on fait, même si cela rentre bien dans les "normes" dans les "scores" , n'est pas forcément bon pour les patients.

      Donc quant tu écris que le médecin est rassuré, j'entends "médecine défensive" et là les études montrent combien ce type "d'assurance" est délétère pour le patient.

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  2. Ma deuxième remarque concerne l'alcool et les "prévisions" de santé.

    Cette étude montre qu’une consommation modérée d'alcool est bonne pour le cœur.
    J'ai aussi souvenir que la consommation d'alcool est corrélée avec la survenue d'un certain nombre de cancers et que donc pas d'alcool du tout est la meilleure stratégie pour éviter la survenue de cancers.

    Je voudrais faire le lien avec ce que tu as écrit dans ton billet précédent :
    "Pour atteindre le point où je raconte ma vie, il se trouve que j'exposais les bénéfices des traitements cardiovasculaire à un patient qui m'a répondu "Si c'est pour vivre à moitié paralysé, ça m'intéresse pas votre traitement". Du coup, je ne suis pas convaincu que baisser les AVC non fatals soit un super critère si on étudie pas la durée de vie sans incapacité ou la qualité de vie des patients."

    Vaut-il mieux mourir d'un cancer avec un super cœur ou d'un accident cardio-vasculaire sans cancer?
    Cette question n'a évidemment pas de sens, pourtant, c'est un peu ce que suggère nos confrères cardiologues qui ne voient que par la santé cardio-vasculaire.
    C'est normal ils sont cardiologues.

    Mais n'est-ce pas une vision "courte" des choses comme ton patient l'a exprimé avec beaucoup de bon sens?
    Car nos chers cardiologues n'ont que peu d'intérêt dans par exemple la destruction des fonctions cérébrales tant que pour eux le cœur va bien. Pourtant, l'hypoperfusion cérébrale n'est pas bonne pour le cerveau et est la conséquence de traitements agressifs de l'hypertension. D'autre médicaments cardiologiques ne sont pas non plus bon pour le cerveau. Mais qui s'en soucie ? Sûrement pas les cardiologues mais ils ne sont pas à blâmer, ce n'est pas leur job. Quoique ?

    Donc de grâce , voyons plus loin que le cœur.

    C'est notre force à nous généraliste de nous intéresser à tous les organes.
    Mais qui osent remettre en question la prescription d'un cardiologue?
    Il semble que le coeur soit devenu l'organe "majeur" au détriment des autres.
    Les cardiologues font "beaucoup parler d'eux", c'est incontestables et les patients les entendent. Mais le coeur n'est pas l'organe le plus important, même s'ils semblent affirmer le contraire.

    Y-a-t-il un organe plus important que les autres d'ailleurs?

    Personnellement je ne le crois pas .

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    1. Bien sur, les priorités du médecin ne sont pas celles du patient (une étude est d'ailleurs en cours au DMG pour voir les pathologies prioritaires chez des patients multimorbides selon la vision du médecin et celle du patient). L'étude sur l'alcool est néanmoins "jolie" dans le sens ou on voit une belle courbe en U sur les maladies cardiovasculaires, mais également sur la moralité globale.
      Merci de ces lectures assidues et pour les commentaires!

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  3. En cas d'anomalie du bilan hépatique l'étiologie iatrogène voire "complements alimentaires" est à évoquer systématiquement
    Dr H. Raybaud

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    1. Merci de le rappeler, je n'en ai pas reparlé parce que le billet était déjà long. Mais les habitudes des patients sont a revoir devant toute anomalie:
      - alcool
      - régime alimentaire y compris les "compléments alimentaires" et autres plantes
      - les traitements (paracetamol entre autres)

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