Bonjour à tous! Pas mal d'actualités cette semaine. Je commencerai par parler du billet de Perruche sur l'hydratation: suivez votre soif! Il est passionnant. Place aux autres actualités, bonne lecture!
1/ Cardiovasculaire
Une étude du BMJ s'est intéressé au risque d'AVC chez les patientes avec fibrillation auriculaire (ACFA) résolue (12 000 patients) par rapport aux patients sans ACFA (22 000 patients) et à ceux avec ACFA permanente (15 000 patients) . Pour venir aux résultats principaux, les patients avec ACFA résolue avaient un risque d'AVC et de mortalité globale supérieure aux contrôles sans ACFA mais inférieure à ceux avec ACFA permanente. Quand on regarde la mortalité globale, il est étonnant de voir que l'incidence est supérieure à celle de survenue des AVC. En chiffres absolus, l'ACFA persistante est associée à la mortalité annuelle d'1 patients pour 28 patients atteint, par rapport aux patients sans AFCA, et l'ACFA résolue est associée à la mortalité d'1 patients pour 179 patients atteint. Mais faut il les poursuivre chez les patients avec un ACFA résolue? Il y avait moins d'AVC chez les patients avec une ACFA résolue traitée par anticoagulants par rapport à une ACFA résolue non anticoagulée, mais cette réduction de 14% n'était pas statistiquement significative (ça aurait fait un NNT de 1250 patients). Il n'est donc pas clair qu'il faille continuer l'anticoagulation chez des patients avec un antécédent d'ACFA , d'après cette étude où les patients avec ACFA résolue avaient un CHADSVASC à 2,5 en moyenne.
Voici un essai contrôlé randomisé d'une statine (pitavastatine, d'intensité similaire à la simvastatine) comparant la forte dose (4mg) à la faible dose (1mg) dans le traitement des coronaropathies stables. Après plus de 3 ans de suivi, le LDL des patientes traités par forte dose était à 0,76g/L versus 0,91g/L (p< 0,01) mais donc aucun des groupes n'était à l'objectif des recos qui est < 0,7g/L. Il y avait moins d'évènements cardiovasculaires dans le groupe traitement forte dose (NNT= 19), mais surtout une baisse de mortalité globale (NNT= 111) alors que la mortalité cardiovasculaire n'était pas diminuée significativement. Il y avait plus de myalgies dans le groupe 4mg avec un NNH de 83. Cet article va dans le sens du bénéfice des statines fortes doses en prévention secondaire, sans avoir de seuil d'objectif à atteindre (sauf que cette fois on a un bel essai contrôlé randomisé et pas une réanalyse d'étude de cohorte). La pitavastatine semble donc avoir, comme la simvastatine et la pravastatine un bénéfice en prévention secondaire.
2/ Rhumatologie
Le GRIO vient de mettre à jour ses recommandations de prise en charge de l'ostéoporose version 2018. Il n'y a pas de différence majeures avec celles de l'an dernier dont j'avais parlé ici.
Dans la prise en charge de l'ostéoporose, un essai du BMJ retrouve qu'il n'y a pas de bénéfice significatif à 1 mois et 12 mois d'une vertébroplastie pour prise en charge d'une fracture-tassement vertébrale ostéoporotique.
3/ Oncologie
Aux États-Unis, les recommandations de l'USPSTF à propos du dépistage du cancer de la prostate évoluent également, pour rejoindre celles que nous avons en France: pas de dépistage systématique entre 55 et 69 ans, qui ne doit être proposé qu'aux patients en faisant expressément la demande. Ils précisent que le faible bénéfice sur les décès par cancer de la prostate est contre-balancé par les sur-diagnostics et sur-traitements et leurs effets secondaires.
Une méta-analyse de la Cochrane revient sur l'efficacité des vaccins pour le cancer du col. Cette revue confirme l'efficacité sur la prévention des lésions pré-cancéreuses, en particulier lorsque la vaccination a lieu avant l'infection par HPV. En cas d'infection préalable par HPV, il semblerait que le vaccin soit quand même efficace contre les lésions précancéreuses à HPV 16-18. Il n'y a pas de sur-risque d'effets indésirable grave retrouvés dans l'analyse.
4/ Gastroentérologie
Des recommandations américaines sur la prise en charge des dyspepsies ont été publiées dans le JAMA. En cas de dyspepsie (symptômes épigastriques sans signes de brulures ou de RGO) chez les plus de 60 ans, une FOGD est recommandée. Avant 60 ans, la FOGD ne sevrait pas être systématique. Il faudrait commencer par rechercher Helicobacter Pylori pour éradiquer ou traiter par IPP si négatif. La FOGD ne serait à envisager qu'après persistance après 4 semaines de traitement. La méthode de recherche non invasive d'Helicobacter n'est pas précisée. En théorie, une sérologie serait la plus adaptée chez un patient n'ayant jamais eu d'éradication (j'en avais parlé ici) .
5/ ORL
L'intérêt des aérateurs transtympaniques (ATT) est surtout présent chez les enfants ayant des baisses d'audition en contexte d'otite séreuse (cf ici). D'après cette revue Cochrane, il y aurait une réduction significative des récidives d'otites moyennes aiguës dans les groupes traitées par ATT (NNT= 3 à 6 mois et 8 à 12 mois), mais les études incluses n'apportent qu'un faible niveau de preuve. De plus, la qualité de vie des enfants ne semblait pas différente et 4% des enfants traités par ATT avaient une perforation tympanique persistante.
4/ Santé publique
Enfin, par décret, la rubéole vient de rejoindre la liste des maladies à déclaration obligatoire!
Voilà, bonne soirée à tous, et bonne reprise pour une semaine complète (ça faisait longtemps, mais heureusement, ça ne va pas durer!)
@Dr_Agibus
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci encore.
Je rappelle que la Revue Prescrire parlait d'intentionnalité de traitement par statine en prévention secondaire depuis... une dizaine d'années (de mémoire) sans tenir compte des objectifs, donc sans augmenter les dosages en cas de non atteinte des chiffres seuils.
Dans le cas des OMA j'en avais fait une lecture différente... concluant au peu d'efficacité des ATT.
Rappelons que le GRIO est largement financé par les industriels vendant des produits anti ostéoporose.
Bonne soirée.
Bonjour, merci du commentaire. En effet, aucun étude n'a utilisé des "cibles" il est donc peu cohérent d'avoir ces objectifs.
SupprimerLes études sur le traitement des ATT sont de faible niveau de preuve sur des critères de jugement en survenue d'OMA. Si les essais étudiaient les complications d'OMA etc... on aurait pas des NNT aussi "bons"! Ils sont efficaces sur la réduction du nombre d'OMA, mais avoir 1,5 otite de moins par an (0,7 ou 2,2 otites) par an c'est pas un bénéfice très important j'en conviens.
Enfin, d'accord sur le GRIO qui prône pas mal l'acide zolédronique et un peu le raloxifène.
Bonjour
RépondreSupprimerToujours très instructif ces billets.
Tu écris : « Cet article va dans le sens du bénéfice des statines fortes doses en prévention secondaire, sans avoir de seuil d'objectif à atteindre (sauf que cette fois on a un bel essai contrôlé randomisé et pas une réanalyse d'étude de cohorte). La pitavastatine semble donc avoir, comme la simvastatine et la pravastatine un bénéfice en prévention secondaire. »
Tu mets en avant l’efficacité prouvée du traitement par statine.
Tu as l’honnêteté de mettre les NNT ce que personne ne fait jamais !
Donc pour les événements cardio-vasculaires , NNT 11 ce qui signifie que pour 1 patient qui bénéficie de la prise de statine, 10 n’en bénéficie d’aucune façon. 1/10 cela fait donc un bénéfice de 10 %.
Pour mémoire, il faut savoir que l’on peut « biaiser » ce résultat en considérant ou pas un événement cardio-vasculaire et donc en l’incluant dans l’étude ou pas.
Mais acceptons ce résultat .
10 % de bénéfice, pour un traitement, cela ne fait vraiment pas beaucoup non ?
Pour la baisse de mortalité globale, là le NNT est de 111. C’est à dire que 1 patient bénéficiera de la prescription et 110 n’en verront aucun bénéfice. 1/110 cela fait donc un bénéfice de 0,9 %.
Là le critère mortalité globale est solide car il est peu facilement « biaisable ».
Donc, 0,9 % de bénéfice .
Devant ces chiffres personnellement je conclus que le bénéfice est tellement faible, sans parler des risques, que traiter des patients avec cette classe médicamenteuse fait plus partie de la croyance d’une utilité, qu’une utilité réelle.
Je rappelle qu’actuellement, il y a 124 médecins qui appellent à lutter contre la prescription homéopathique parce que son bénéfice prouvé est de 0 %.
Franchement, 0,9 % et 10 % est plus proche de 0 % que de 75 % non ?
Tout cela pour dire que la vision médicale est particulière.
La mienne souvent contestée qui considère que ce niveau de preuve pour traiter avec ce type de médicament est de la « poudre aux yeux », et la tienne qui dit au contraire qu ‘il faut traiter, même en prévision secondaire.
Deux visions d’un même problème.
Deux interprétations basées sur les même chiffres.
Bonjour, nos visions sont souvent différentes pour des raisons de "curseur". Il y a 3 type de résultats pour des traitements: pas de bénéfice prouvé, bénéfice sur critère de jugement intermédiaire et bénéfice clinique. 1% ou 10% de patients bénéficiant d'un bénéfice cliniquement pertinent, ça fait parti des NNT les plus faibles que l'on a. Si on ne traite personne, on aura jamais les 100 patients traités pour en sauver 1 et on en sauvera donc aucun. Les effets indésirables étant moins fréquents que le nombre de patients à traiter, le traitement me semble "proposable" aux patients. Il n'y a quasiment que les anbibiotiques qui ont un NNT inférieur à 5, et encore: les antibio prophylactiques dans les infections respiratoires en réa: NNT= 18 pour la mortalité, et 8 dans l'exacerbation de BPCO. Pour l'otite moyenne aigue: NNT=16 pour réduire la douleur la 1ere semaine, pas super comme critère et comme efficacité non plus. Donc je pense qu'on peut proposer des traitements ayant démontré un bénéfice clinique, mais ça ne veut pas dire qu'il faille s'acharner pour qu'un patient ait une statine s'il ne la supporte pas.
SupprimerBonjour
SupprimerJe suis d’accord avec votre notion de « curseur », comme dans l’évaluation de la douleur.
Cependant, entre les faits et l’expression qui en est fait, il y a un monde.
C’est là que se glisse la « toute puissance médicale » qui permet de faire croire que des médicaments avec des bénéfices proches de 0, sont de grand progrès.
https://www.nature.com/articles/s41571-018-0030-2
Le médecin tire sa toute puissance de ses prescriptions.
Mettre en doute sa toute puissance, c’est quelque part « scier la branche sur laquelle il est assis ».
Il est donc logique de mettre le « curseur » plus près de 10 que de 0.
Et cela même si la « performance » ne semble pas au rendez-vous comme ici avec les statines.
« Donc je pense qu'on peut proposer des traitements ayant démontré un bénéfice clinique, mais ça ne veut pas dire qu'il faille s'acharner pour qu'un patient ait une statine s'il ne la supporte pas. »
Cette affirmation montre à quel point, « faire », prescrire est important et comme je l’écris participe à la « toute puissance médicale ».
Nombre de médecins affirment que les statines sont la classe de médicaments qui a le plus de preuve d’efficacité et de bénéfice clinique. Les chiffres sur lesquels nous échangeons aujourd’hui, montrent où chacun de nous place le « curseur ».
Plus intéressante est votre remarque sur la « tolérance » du patient et qui m’évoque uniquement la survenue de douleurs musculaires dans le cadre des effets secondaires des statines.
Mais quid de la survenue d’un diabète ?
Cet effet secondaire des statines, longtemps nié, est aujourd’hui documenté mais pas encore reconnu par nombre de médecins. Pourtant, d’après ce que je sais, cet effet secondaire particulièrement inquiétant toucherait 1 patient sur 4 mis sous statines.
Mais la survenue d’un diabète est-il considéré suivant votre formulation comme une intolérance ?
Il est fort à parier que non et que même cette survenue, qui peut être réversible à l’arrêt de la statine, ne sera pas reconnue comme consécutive à la prescription de statine et donc ne suspendra pas sa prescription qui se verra même ajouter un traitement pour le diabète.
Le problème de la prescription de statines résume à lui seul la problématique, pourtant bien connue, de l’exercice actuel de la médecine, le fameux « curseur » : une surestimation de l’efficacité des traitements et une sous-estimations des effets secondaires de ces même traitements. Je rappelle juste que les études sont toutes conçues pour démontrer une efficacité et jamais aucune pour démontrer des effets secondaires.
Il en résulte l’affirmation médicale : absence de preuve de « danger » = preuve de l’absence de « danger » et cela même si aucune étude n’est réalisée pour montrer l’existence de « danger » et cela même si des faits particulièrement troublants sont rapportés. Mais les faits ne font pas une étude statistique randomisée en double aveugle.