Bonjour! Encore une fois, le billet de cette semaine va être un peu dense, alors je vais faire de mon mieux pour rester le plus clair possible. Bonne lecture!
1/ Pharmacovigilance
Commençons avec cette étude parlant des IEC et du risque de cancer pulmonaire. Cette étude de cohorte publiée dans le BMJ a comparé le risque de cancer pulmonaire chez des patients traités par IEC versus ARAII. Parmi les 900 000 patients suivis pendant 6 ans, il y avait plus de cancer pulmonaire sous IEC, avec un risque relatif à 1,14. Bon, maintenant en risque absolu, ça donne un NNH de 766 patients à traiter pendant 6 ans (en moyenne) pour entrainer la survenue d'un cancer pulmonaire, soit en NNH annuel: pour entrainer un cancer pulmonaire chaque année, il est nécessaire de traiter 2500 patients par IEC. Bref, c'est une info intéressante, bonne à connaitre, mais, en attendant, les IEC améliorent la mortalité versus placebo et pas les ARAII. Je pense que si la taille des ongles avait été étudiée dans cette étude avec 1 million de patients, on aurait eu une association significative entre les ongles et le cancer du poumon.
Il est désormais contre-indiqué de prescrire des rétinoïdes topiques dans le traitement de l'acné chez les femmes enceintes. Une décision logique étant donné le passage systémique possible chez un traitement tératogène connu.
L'ANSM vient d'accorder une AMM au Balcofène dans le traitement de la dépendance alcoolique pour les patients en échec des autres traitements. On attend encore la publication principale des études dont les résultats ont été présentés en congrès d'alcoologie. Je reviendrais certainement dessus à ce moment là.
2/ Cardiovasculaire
La Société française d'HTA a publié des recommandations concernant l'HTA chez les sujets noirs. Le document est plutôt mal fait, pas de points reco clairs, mais un long texte avec des questions. On arrive quand même à trouver que les freinateurs du SRA (IEC, ARAII et bêta bloquants) sont moins efficaces que les autres traitements, mais que ceux ci se trouve potentialisés en cas de bithérapie avec un diurétique thiazidique ou un inhibiteurs calcique. C'est assez en faveur des recos de l'ESC qui prônent une bithérapie d'emblée, particulièrement importante pour que l'effet protecteur vasculaires des IEC et ARAII soit présent.
Une étude d'annals of internal medicine a développé un algorithme devant les suspicions d'embolies pulmonaires chez la femme enceinte. Dans cette étude, 21% des femmes étaient au 1er trimestre de grossesse, 43% au second et 36% au troisième, et la 1ère étape du test était le dosage des D-Dimères, avec un seuil de positivité à 500µg/L quelque soit le terme. Voici l'algorithme:
3/ Neurologie
Des recommandations ont été publiées concernant les névralgies du trijumeau. Elles sont très axées neurologues je trouve, c'est dommage. Mais on retiendra que dans la névralgie du trijumeau classique (NTC) le diagnostic est clinique, mais on doit rechercher les drapeaux rouges en faveur d'une névralgie du trijumeau douloureuse (NTD) secondaire à quelque chose:
âge <40 ans, troubles sensitifs persistants, hypoacousie ou surdité, lésions cutanées ou orales, atteinte isolée de la branche ophtalmique du trijumeau, névrite optique, antécédent familial de SEP et faible réponse à la carbamazémine.
Dans ce cas l'IRM cérébrale est l'examen de 1ère intention. Les traitements sont donc essentiellement de la carbamazépine en 1ère intention, puis d'autres antiépileptiques (prégabaline, gabapentine, ou encore lamotrigine hors AMM)
Edit: Hors AMM aussi l'oxcarbazémine (Trileptal*), comme la carbamazépine mais avec moins d'effets secondaire (surveiller quand même la natrémie si problème rénale ou autres traitement favorisant les dysnatrémies)
Edit: Hors AMM aussi l'oxcarbazémine (Trileptal*), comme la carbamazépine mais avec moins d'effets secondaire (surveiller quand même la natrémie si problème rénale ou autres traitement favorisant les dysnatrémies)
Un des articles pas très MG qui a fait parlé de lui, c'est le nouveau traitement des migraines par anticorps monoclonal, publié dans le LANCET. L'erenumab ou un placebo ont été donné à des patients atteints de migraines. Le traitement a permis une réduction de 50% du nombre de migraines chez 23% des patients à 4 semaines (vs 5% si placebo) et chez 30% à 12 semaines (vs 14% avec placebo) Donc, effectivement, il y a 2 fois plus de patients "répondeurs" avec le traitement, mais il n'apporte un bénéfice que chez 1 patient sur 6 (ce qui est plutôt un très bon NNT soit dit en passant). On regarde l'autre critère de jugement maintenant: les patients avaient à 70% des migraines durant 8 à 14 jours par mois (et 30% entre 4 et 7 jours), et l'erenumab a permis de diminuer de 1,8 jours de migraines par mois (pas monstrueux, hein...). Enfin, les patients inclus étaient au 2/3 en échec de 3 traitements de fond ou plus. Donc ce n'est pas le remède miracle pour tous les patients migraineux, contrairement à ce qu'on a lu dans les journaux, mais ce pourrait être une option à discuter.
4/ Rhumatologie
Les morphiniques étant "le mal absolu" au long cours, il est vraiment
nécessaire de passer sur d'autres traitement dès que possible dans les lombalgies chroniques. Une étude du JAMA neurology s'est intéressée à la gabapentine (max 800mg x 3) et à la prégabaline (max 300mg x2) dans la sciatique chronique. Les 2 traitements étaient efficaces sur la douleur et l'incapacité fonctionnelle, mais la gabapentine était plus efficace et moins de patient avaient des effets indésirables. Je vais donc revoir la séquence de traitements que je propose aux patients. Il faudrait une comparaison amitriptyline versus gabapentine pour savoir s'il faut privilégier l'antidépresseur ou l'antiépileptique...
Dans la prise en charge du canal carpien, un essai contrôlé randomisé du Lancet a comparé les infiltrations de corticoïdes avec le port nocturne d'attelles de poignet. A 6 semaines, les infiltrations montraient une amélioration des douleurs, et c'était le critère de jugement principal de l'étude. Cependant, à 6 mois, il n'y avait plus de différence entre les groupes. Bref, les attelles, c'est quand même plutôt pas mal...
Sur Twitter, @Brain_Juice m'a fait très justement remarqué que je n'avais pas parlé d'une étude du NEJM publié il y a quelques semaines, alors qu'elle la trouvait très intéressante, de son point de vue d'interne en gériatrie. Cette étude randomisait des patientes avec ostéopénie en un traitement par acide zolendronique injectable versus placebo. Les résultats sont sans appel: dans l'ostéopénie, ce bisphosphonate réduit les fractures significativement avec une NNT de 63 patients par an pour éviter une fracture de tout type (hanche, rachis, poignet...), sans effet indésirable grave notable supérieur. On regrettera quand même certains points: les fractures du col fémoral ne sont pas réduites significativement, alors que tout l'intérêt du traitement de l'ostéoporose est de limité la morbi-mortalité qui est essentiellement liée à ces fractures (c'est pour ça que l'indication de traitement repose sur le score FRAX comparé au risque de fracture fémorale). Donc, oui, éviter des fractures du poignet, ça évite de faire mal, mais ça ne réduit pas la mortalité. Parce que, si l'on devait traiter tout le monde (oui, les patientes inclues avaient un T score inférieur à 1 et un âge > 65 ans, ce qui doit bien faire 80% des femmes de cette tranche d'âge), selon moi, le, bénéfice doivent être important. Comme pour les statines qui sont réduisent le risque cardiovasculaire de 20% chez tout le monde, mais le bénéfice clinique est faible chez les patients à faible risque cardiovasculaire. De plus, sur les effets secondaires, on voit les effets graves non augmentés, mais la puissance de l'étude n'est pas souvent calculée pour cela, les effets moins graves (troubles digestifs, hypocalcémie...) ne sont même pas cités. On voit bien un moindre nombre de cancers, sans explication rationnelle, probablement le hasard lié aux multiples analyses. Enfin, on remercie Novartis pour sa participation. Je pense que ce traitement d'ostéopénie contribue au disease mongering : on veut rendre pathologique ce qui ne l'es pas encore, traiter ce qui n'est pas encore une maladie, comme on veut traiter le pré-diabète, traiter les dysthyroïdies asymptomatiques, traiter la pré-ostéoporose, Bref, une étude très intéressante, qui, pour des rhumatologues pourrait inciter à traiter les patients avec facteurs de risque de fracture dès le stade d'ostéopénie. Mais du point de vue du généraliste, je pense que le bénéfice est encore trop mal établi car il n'y a pas d'autres études allant dans ce sens pour le moment.
5/ Gynécologie
La HAS a publié des recommandations concernant le dépistage de Chlamydia Trachomatis, en incluant ce dépistage au dépistage systématique pour les femmes sexuellement actives entre 15 et 25 ans, puis ciblé: chez les hommes et femmes avec facteurs de risque quelque soit l'âge (FDR: au moins 2 partenaires dans l'année, nouveau partenaire, antécédent d'IST, partenaire avec IST, hommes avec des rapports avec des hommes, rapports sexuels non consentis, prostitution. Ce dépistage est recommandé de façon annuelle s'il y a un nouveau facteur de risque. Concernant le dépistage chez la femme, c'est le prélèvement vaginal qui est recommandé, le test sur 1er jet urinaire doit être réservé au cas où le PV n'est pas possible. Après un traitement, un contrôle après 5 semaines est recommandé. Le dépistage systématique chez l'homme avant 30 ans n'est plus recommandé.
L'USPSTF recommande un dépistage en consultation des violences conjugales. Ce dépistage concerne les femmes, mais il est certainement utile de demander d'une part pour toutes formes de violences et de ne pas se limiter aux femmes.
Une thèse maintenant ayant étudié la "cup" et le risque d'expulsion de DIU. Cette étude a inclus environ 200 patientes lors de la pose d'un DIU. Parmi elles, 75 utilisaient une coupe menstruelle (CM) au moment de l'inclusion et 61 à 1 an. Sur les utilisatrices de CM initiale, il n'y avait pas plus d'expulsion, mais elles étaient significativement supérieures parmi les patientes utilisant la CM à 1 an. Une analyse de survie en modèle multivarié ne retrouvait pas cette augmentation, mais il y a probablement un manque de puissance dans cette étude qui devrait être suivie d'une étude à plus grande échelle. Les mécanismes possibles sont "l'effet ventouse" lors du retrait de la cup et la possibilité de tirer les fils coincés entre la cup et la paroi vaginale lors du changement de CM.
6/ Diabétologie
Une réanalyse d'EMPA-REG montrant l'efficacité de l'empaglflozine dans le diabète revient sur son efficacité indépendante de l'HbA1C. En effet, la question est: faut-il traiter tous les patients diabétiques même à l'objectif? On a envie de dire que non: l'étude ACCORD avait montré une augmentation de la mortalité chez les patients avec un traitement intensif et une HbA1C < 6,5%. Mais l'empagliflozine réduisant la mortalité cardiovasculaire même pour des patients avec une HbA1C <7% avant traitement fait soulever la question: est ce que comme les statines chez les diabétique, le risque cardiovasculaire élevé de ces patients doit leur permettre de bénéficier d'un traitement "systématique"? Si le coût de l'empagliflozine le permettait, ce serait peut être le cas. En attendant, la metformine n'a pas encore réussi à démonter une efficacité similaire, et l'empagliflozine n'est pas disponible.
C'est fini pour cette semaine! A très bientôt!!! (et pensez à vous abonner par mail ou à suivre les comptes Facebook et Twitter!)
@Dr_Agibus
Bonsoir.
RépondreSupprimerFlippant le coup des IEC!
Pour l'algoritme et les EP : En médecine générale si on suspecte fortement une EP on envoie aux urgences non? Si le Wells ou Genève révisé sont faibles, les DDIMERES.
Intéressant,je savais pas que l'angioscanner pulmonaire était peu irradiant pour le foetus :https://www.revmed.ch/RMS/2014/RMS-N-447/Diagnostic-de-l-embolie-pulmonaire-chez-la-femme-enceinte-comment-faire
Et pour le dépistage de chlamydiae tu ferais comment? Je trouve l'auto prélèvement pas mal :http://www.cfp.ca/content/64/6/e272
Merci du commentaire. Pour l'EP, c'est ça, de toutes façon, même avec un PESI permettant un traitement ambu, il faut quand même mieux avoir l'ensemble du bilan. La probabilité faible et une bonne tolérance clinique laisse le temps de faire les DDimères en ville.
SupprimerOui, l'angioTDM irradie moins que la scinti, le risque peut être des dysthyroidies foetales avec le PDC iodé, mais elles sont transitoires et du coup, ça reste l'examen de 1ère intention si on doit en faire un.
Pour chlamydia, je prescrivais plutôt des PCR urinaires parce que mes patientes n'étaient pas motivées par l'auto-prélèvement. Je pense qu'il faut en parler a la prescription, car il semble que ce soit pas si mal accepté au final et plus performant.
A bientôt!