dimanche 10 mars 2019

Dragi Webdo n°218: MTEV (recos SPLF), calendrier vaccinal 2019, migraines (recos US), décision partagée et diabète, bilans de santé, HTA et sujet âgé, vitamines

Bonjour à tous! Je ne veux absolument pas rendre ce blog payant puisque je le ferais et je continuerai à le faire de toutes façon Mais, j'ai cédé aux arguments répétés, me disant que le temps que je passe à écrire mes billets devrait être rémunéré. Alors pour ceux qui voudraient, il y a un lien pour faire un don sur le coté à droite de la page (ou en cliquant ici)! 
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Sinon, c'est une semaine très très dense en termes d'articles médicaux cette semaine, alors... j'ai été totalement incapable de faire une sélection... Bonne lecture à tous!


1/ Généralités

Tout d'abord, comment ne pas aborder la puissance de l'intelligence collective par rapport aux prises de décisions individuelles dans l'établissement de diagnostics. C'est ce que cette étude du JAMA  confirme, alors continuons à utiliser les #DocsTocToc et #Doctoctoc sur Twitter pour s’entraider!

Ensuite, une énième revue, ici de la Cochrane retrouve que les bilans de santé généraux n'ont pas d'effet sur la mortalité globale, ni sur la mortalité cardiovasculaire, ni sur la mortalité par cancer.


2/ Cardiovasculaire


La SPLF a publié des recommandations sur la prise en charge des maladies thrombo-emboliques veineuses (MTEV et donc des phlébites et embolies pulmonaires):

-  les critères PERC sont enfin recommandées pour rejeter la possibilité d'une embolie pulmonaire. Les scores de Wells et Genève modifiés (en 3 catégories) sont recommandés pour évaluer la probabilité d'une EP ou sinon on peut se fier au jugement du clinicien.
- les D-Dimères sont recommandés en cas de probabilité non forte, y compris après 50 ans selon la règles de seuil égale à 10 x l'âge.
- 2 stratégies diagnostiques sont possibles, soit avec l'angioscanner (classique), soit avec un Doppler veineux de compression (si positif + signes thoraciques = EP) , suivi d'une scintigraphie si normal
- il est recommandé de ne pas se passer des D-Dimères pendant la grossesse si la probabilité est faible ou modérée et d'utiliser une stratégie avec Doppler et scintigraphie de perfusion plutôt qu'un angioscanner.
- les scores PESI et Hestia sont à utiliser pour déterminer les traitements pouvant se faire en ambulatoire
 - concernant le traitement, avk (warfarine en priorité) et AOD (apixaban ou rivaroxaban) sont recommandés. La compression veineuse est utile à la phase aigue mais doit être interrompue en absence de syndrome post-thrombotique après 6 mois. (y'a rien sur la compression si vol en avion en prévention de récidives).
- un évènements est provoqué s'il y a un contexte: dans les 3 derniers mois de fracture, d'immobilisation d'au moins 3 jours ou de chirurgie avec AG de plus de 30min, ou s'il y'a une COP, un THM, grossesse ou post-partum (la durée n'est pas précisée)

- la durée des traitements est bien plus complexe: pour les TVP proximales et EP avec facteur déclencheur: 3 à 6 mois et sans facteur: 6 mois (si HERDOO < 2 , ou femme < 50 ans, ou TVP proximale, risque hémorragique élevé, facteur déclencheur mineur comme l'avion > 6h) ou à vie (si 1er épisode d'EP à haut risque, thrombophilie ou 2ème épisode de TVP ou EP)
- en l'absence d'évènement majeur, un bilan de recherche de cancer est recommandé (NFS, calcémie, RXT, mammo, PSA) même si le bénéfice dans les études n'est pas clair... (cf ici)
- bilan thrombophilie: recherche de SAPL si < 50 ans non provoqué ou si récidive. Le bilan complet de thrombophilie est recommandé si: non provoqué et  âge > 50 ans  + atcd familial de thrombose au 1er degré ou récidivant dont 1 épisode  non provoqué ou non provoqué sur un site atypique.
- il est recommandé de ne pas traiter les EP sous segmentaires en l'absence de facteur de risque majeur persistant et de TVP recherchée par un doppler.
- concernant les TVP sous poplités, il est recommandé de traiter 6 à 12 semaines,  la surveillance échographique à J7 étant réservé aux patients avec hémorragies actives ou risque hémorragique élevé (zut! moi qui est espérait qu'on applique les critères de surveillance , cf ici et )
- concernant les thrombose veineuses superficielles :
          -si symptomatique isolée de plus de 5cm de longueur et situé à plus de 3cm de la jonction saphéno-fémorale: traitement par fondaparinux 2,5mg/j pendant 45 jours (hors de ces critères, ils disent qu'il n'y a pas de données mais recommandent quand même  ce même traitement si 1er épisode sans facteur déclencheur)
           -si à moins de 3cm: anticogulation curative pendant 3 mois.


Les recos ESC 2018 demande de cibler une PAS entre 130 et 140mmHg chez les plus de 80 ans.  Une cohorte allemande a étudié le risque de mortalité en fonction  du contrôle tensionnel chez les patients de plus de 70 ans (âge moyen 81 ans). Les auteurs retrouve une augmentation de la mortalité globale de 26%  (NNH=85!) chez les patients avec une PAS < 140mmHg ET PAD < 90mmHg par rapport à ceux ayant la PAS ou la PAD au dessus de l'objectif après stratification sur l'âge et les antécédents cardiovasculaires. Dans l'analyse des sous groupes, cette différence était présente chez les plus de 80 ans (pas chez les 70-79 ans) et en prévention secondaire essentiellement. Si on détaille en classe de PAS, c'est surtout qu'il faut que la PAS soit supérieure à 130, comme ce qui est recommandé, mais il ne semble pas très prouvé de viser plutôt 140 que 150.



Histoire d'enterrer définitivement les associations anticoagulants+aspirine au long cours chez les patients avec fibrillation auriculaire, une étude de cohorte rétrospective a donc recherché les bénéfices et risque de cette association (warfarine+aspirine) versus warfarine seule chez des patients avec FA (les infarctus de moins de 6 mois étant exclus de l'analyse). Il n'y ait pas de différence de mortalité globale entre les 2 groupes, il n'y avait pas non plus d'augmentation du nombre de thrombose artérielle ou veineuse chez les patients avec warfarine seule. Cependant, à 1 an, il y avait davantage de saignements sévères (NNH=42), et des hospitalisations pour saignements (NNH=34!).


3/ Infectiologie

Le calendrier vaccinal 2019 a été publié! Et bien RIEN n'a été changé... Ah, si le Gardasil 9 est recommandé par rapport aux autres vaccins anti HPV et le BCG n'est plus obligatoire pour les professions de santé comme on l'a dit il y a peu. Alors que les recommandations américaines, canadiennes, britanniques, belges... recommandent le vaccin anti HPV chez les filles et garçons chez nous toujours pas. On peut débattre longtemps du bénéfice, du NNT (qui est, par principe toujours très élevé pour les vaccinations avec un NNH encore plus élevé). Il y a un site récent qui parle de ce vaccin avec des références citées: https://www.vaccinhpv.com/ (Selon moi, le bénéfice de l'ajout de la vaccination chez le garçon n'est pas moins bon que la vaccination rubéole chez les garçons et à la vaccination oreillon chez les femmes.) Le vaccin anti-méningocoque B n'est toujours pas recommandé, mais ça, ça me semble conforme à l'épidémiologie française. Bref, voilà le tableau inchangé!


Une nouvelle étude d'Annals of internal medicine vient démentir une fois encore le lien entre vaccin ROR et autisme grâce à une cohorte de 660 000 enfants.

Une revue de la Cochrane a étudié les traitements de Chlamydia Trachomatis. Les auteurs retrouvent que chez les hommes, il y a moins de résistance microbiologiques au traitement par 7 jours de doxycycline que par azithromycine sans différence sur les échecs cliniques. Chez la femme, il n'y a pas de différence qui soit mise en évidence entre les 2 types de traitements. Il y a moins d'effets secondaires pour l'azithromycine. Je vous rappelle cet article du NEJM qui comparait les 2 traitements, l'azithromycine semble quand même un bon choix, mais les résistances risquant d'augmenter, comme c'est le cas avec les mycoplasmes devraient peut être faire privilégier la doxycycline notamment chez l'homme.


4/ Neurologie

La société de céphalées américaines (c'est original, on devrait faire une société française de l'odynophagie je pense!) a publié des recommandations sur la prise en charge des migraines nécessitant un traitement de fond. Ils rappellent d'abord l'indication du traitement de fond:
- à partir de 4 migraines par mois 
- OU plus de 10 jours par mois ayant nécessité la prise d'un triptan ou d'un antalgique de pallier 2, 
- OU plus de 15 jours par mois d'AINS et paracetamol 
- OU le désir du patient.
Les objectifs de ce traitement doivent être réalistes: réduction de 50% du nombre, amélioration significative de la douleur même si ça reste fréquent, meilleure efficacité des traitements de crise, amélioration fonctionnelle significative. Les traitements sont à débuter à faible dose et voici le tableau des possibilités selon le niveau d'efficacité. (sinon je vous renvoie au super billet de  @qffwffq)


5/ Activité physique

Alors qu'une étude de la Cochrane venait de retrouve sur l'activité physique chez le sujet âgé était efficace pour réduire les chutes, une méta-analyse du JAMA internal medicine a recherché si cette activité physique régulière réduisait la mortalité et les hospitalisation. Et bien, non, seules les chutes et blessures liées aux chutes étaient réduite cette fois ci encore.


6/ Diabétologie et nutrition

Cette étude concerne la décision médicale partagée chez les patients diabétiques non contrôlés avec de la metformine. Une équipe a développé  et publié un algorithme pour permettre une évaluation du risque cardiovasculaire et de micro-angiopathie chez les patients diabétiques, à partir des données de la littérature en effectuant une méta-analyse en réseau pour comparer les différents traitements. Puis, les traitements et leurs bénéfices sont présentés au patient après une évaluation des désirs et priorités de celui ci (peur des injections, importance de voir son hbA1C baisser, risque de prise ou de perte de poids...). Ainsi, l'algorithme donne pour chaque classe thérapeutique, celle que le patient est le plus susceptible de souhaiter en montrant les bénéfices sur les risques cardiovasculaires et micro-angiopathiques attendus. La place des sulfamides me semble surestimée cependant. Je trouve ça très sympa, mais on regrette que ce ne soit pas fait molécule par molécule qu'on puisse mettre dans la balance des traitements avec davantage de bénéfices cliniques prouvés. Pour le site et tester l'algorithme en consultation, c'est ici:  https://sungchoi.shinyapps.io/code/

Je vous avais parlé il y a quelque temps de l'étude DiRECT qui montrait une guérison du diabète chez des patients grâce à un régime et à l'activité physique (à 1 an: 46% de patients guéris dans le groupe intervention, NNT 2,4 patients). Le suivi a été prolongé 2 ans et les résultats publiés dans le Lancet Diabeto: 36% des patients du groupe intervention étaient encore en rémission du diabète versus 3% du groupe contrôle (NNT= 3), sans différence d'effets indésirables entre les groupes.

Pour finir, une petite image du JAMA internal medicine concernant les supplémentations vitaminiques fréquemment demandées par les patients en cette fin d'hiver: 


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A la semaine prochaine!

@Dr_Agibus



8 commentaires:

  1. C'est vraiment un très gros travail réalisé chaque semaine.

    Mais la question que je me pose est la fiabilité des études.
    C'est bien beau de faire une revue de presse de l'actualité médicale pour ainsi essayer de mieux soigner, quand la qualité de ce qui est publié pose problème:
    https://trialsjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13063-019-3173-2#Abs1

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    1. En effet, les manquements à l'intégrité scientifique ne sont pas rares malheureusement. Je pense que l'obligation de mettre des protocoles en ligne sur les plateformes, que la création des Core Outcome Set par la Comet Initiative qui permet de standardiser les outcomes dans les études sont des points qui vont faire évoluer favorablement la science. Même si tout n'est pas parfaitement rapporté, tout n'est pas à jeter, et ce sont ces études qui feront quand même évoluer les recommandations. Donc, on peut tout nier en bloc en disant que c'est mal rapporté, tout accepter ou essayer de nuancer en faisant une lecture critique de ce qui est publié. C'est ce que j'essaye de faire, mais des résultats identiques peuvent toujours être interprétés différemment selon les opinions des personnes. Merci du commentaire!

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  2. Bon alors, j'ai scruté DiRECT, c'est intéressant MAIS, il me manque plein d'infos :
    ils prescrivent une diete à 600 à 800kCal/j pdt 3 à 5 mois, ce qui est franchement rude, avec un taux de perdus de vus de 25% à 1 an. C'est très rude.
    Je n'ai pas vu le type de diete qu'ils proposent : cétogene ? hypocalorique avec 50% glucides ? high carb/low fat ? j'aurais aimé davantage de détails et ce n'est pas précisé malheureusement. Ils disent que d'autres études n'ont pas montré de différence significative entre low carb/high fat et high carb/low fat dans la perte de poids chez le diabétique.
    Il y a une perte de poids de 15kg en moyenne en 1 an, mais tout le monde reprend jusqu'a 12kg. Ceux qui restent en rémission à 2 ans n'en reprennent que 8kg (en fait, non, il gardent une différence de 7kg avec la baseline, mais s'ils ont perdu + que 15kg, il reprennent + également).
    effectif final : 143 patients dans le groupe intervention, donc ça fait 51 patients guéris du diabete type 2 à 2 ans.
    Par contre, ils disent eux-même dans la discussion : ça coûte vachement moins cher que n'importe quelle autre intervention (medocs ou chir baryatrique) pour réduire l'HbA1c.

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    1. Bonsoir, c'est un peu mieux décrit dans le protocole publié: https://bmcfampract.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12875-016-0406-2 ; j'attends les résultats à 5 ou 10 ans maintenant!

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    2. L'étude de Dambha-Miller et al, diabetic medicine, 2019 est peut être un peu plus motivante? pas de régime drastique et juste un objectif de réduction de poids de 10%?

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    3. Bonjour, l'étude en question est tirée de "Addition cambridge", un essai randomisé qui visait à screener des patients diabétiques et à proposer une prise en charge multifactorielle ou non. Malheureusement cet essai est négatif https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(12)61422-6/fulltext. Il y a ensuite eu un suivi de cohorte et la publication de 2019 dit juste que les patients qui ont perdu du poids ont plus de chance d'être en rémission. Ce qui est logique en soit. Mais elle n'a pas évalué une intervention versus un traitement standard stricto sensu. Ainsi, on peut bien évidemment encourager les patients obèse à perdre 10% du poids, ça améliorera la probabilité d'être en rémission sur ces données observationnelles en la multipliant par 2, mais comme c'est pas un essai, on a du mal à définir un NNT de la perte de poids de 10%. Merci pour ce commentaire !

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  3. Par "bilans de santé généraux", tu entends les bilans assez exhaustifs faits par la sécu ou une simple "bio générale" ?

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    1. Bonjour, les bilans de santé généraux dans les études sont généralement des bilans type "sécu". Donc, si les bilans exhaustifs sont inutiles voir dangereux par iatrogénie potentielle, les simples bio générales ont encore moins de chance d'être utiles.
      Merci du commentaire!

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