dimanche 3 novembre 2019

Dragi Webdo n°244 : intolérance au lactose, hyperferritinémie, hyperuricémie, émolients, hypotyroïdie fruste, maladie d'Alzheimer, asthme, "Root"

Bonjour! C'est un nouveau billet, pour lequel je m'excuse d'avance de ne pas avoir réussi à réduire le nombre d'articles sélectionnés... Bref, j'espère qu'ils vous intéresseront aussi. Mais pour commencer, je parlerai de cet article français parlant des recours aux urgences inappropriés: sur 1 jour du mois de juin, tous les patients de toutes les urgences de France ont été inclus (soit 29 000 après exclusion des patients avec données manquantes). Les auteurs retrouvent qu'environ 23% des consultations étaient inappropriées d'après les urgentistes et que 27% des patients auraient pu être vus par un généraliste dans les jours suivants. Le problème étant toujours que les cabinets étant saturés, on ne peut pas voir ces patients. On pourrait aussi demander au patient consultant si selon lui son motif relève d'un service d'urgences ou faire l'étude inverse: combien de patients vus en MG chaque jour qu'on gère en ville malgré une indication d'adressage aux urgence ? (comme les pneumopathies chez les plus de 65 ans traitées en ville malgré un CRB65 positif, les patients qui préfèrent une prise en charge ambulatoire même si c'est un peu juste etc...). Allez, bonne lecture!


1/ Cardiovasculaire

Une étude de cohorte européenne a étudié les évènements cardiovasculaires et le décès des patients avec antécédent de goutte selon leur uricémie. Les patients avec une uricémie supérieure à 360mol/L avaient un risque de mortalité cardiovasculaire et globale augmentée (respectivement 8,1% vs 2,6% patient.année décédés) après ajustement sur l'âge, le sexe et les facteurs de risque cardiovasculaires. On sait que l'hyperuricémie est un facteur de risque cardiovasculaire, cependant, traiter les patients asymptomatiques n'a pas fait preuve de son efficacité. Ici, c'étaient des patients avec une goutte chronique avec en moyenne 2 crises de goutte par an et seuls 40% avaient un traitement hypo-uricémiant dont la prise était associée à une réduction de la mortalité cardiovasculaire et globale également. Donc, peut être faut il cibler une uricémie normale chez les patients avec poussées de gouttes répétées qui ont une indication à un traitement de fond (ou bien, les patients traités étaient également mieux suivis et plus observants sur leurs autres facteurs de risque cardio-vasculaires, mais ça, cette étude ne peut le dire)


2/ Pneumologie

Un article d'Annals of internal medicine traite de l'asthme au travers d'une revue de la littérature. Il confirme globalement les nouvelles recommandations du GINA dont j'avais parlé il y a peu ici. Les auteurs précisent cependant leur point de vue sur la bithérapie "formoterol + CSI" en modérant le fait de la proposer en 1ere intention chez tous les patients au "step 1". En effet, ils suggèrent d'en rester au bronchodilatateur de courte durée d'action chez les patients avec asthme intermittent (moins de 2 crises par mois) sans facteur de risque d'exacerbation (antécédent de crise d'asthme sévère, grossesse, hyperéosinophilie sanguine ou sur crachats, obésité, rhinosinusite chronique, atopie, tabagisme actif ou passif, niveau socio-économique faible, VEMS < 60% et plus de 2 crises / semaine mais ça, ça exclu de l'asthme intermittent). En présence d'un de ces facteurs de risque, il serait préférable d'utiliser la bithérapie intermittente (SMART therapy) en traitement de crise dans l'asthme intermittent.


3/ Neurologie

Le JAMA propose une revue de la littérature concernant la maladie d'Alzheimer. Les auteurs recommandent comme bilan initial: NFS-plaquettes, VS, TSH, glycémie à jeun, bilan hépatique, acide folique, vitamine B12, sérologie syphilis et une imagerie cérébrale (IRM ou TDM). La prise en charge doit passer par des traitements non pharmacologiques et pharmacologiques, selon eux. Cependant, ils répètent à plusieurs endroits dans l'article que leur efficacité est incertaine. Les chiffres donnés: environ - 2,5 points sur 70 pendant 6 mois... ce qui n'est vraiment pas très cliniquement pertinent.

4/ Psychiatrie

Une sorte de méta-analyse s'est intéressée à la différence d'efficacité entre les antidépresseurs et le placebo en fonction de la sévérité initiale à l'inclusion des patients dans les essais contrôlés randomisés d'après les données de la FDA (ANSM américaine, donc il y a des essais publiés et non publiés, ce qui est top). Les auteurs retrouvent une efficacité des antidépresseurs par rapport au placebo qui augmentait avec la sévérité initiale. Cependant, on voit que cette différence ne devient significative que pour des dépressions avec un score de Hamilton supérieur à 28, ce qui va dans le sens de ne prescrire que pour des épisodes dépressifs caractérisés sévères (les psychothérapies étant également des traitements efficaces par exemple ici ou )


5/ Gastro-entérologie

Le JAMA aborde également l'intolérance au lactose qui concernerait 65% à 75% de la population mondiale. En pratique, on peut y penser devant des symptômes digestifs (douleurs abdominales, flatulences, borborygmes, distension abdominale ou diarrhées) mais aussi devant des symptômes plus généraux (céphalées, troubles de la concentration, asthénie, myalgies et arthralgies). Bref, il faut y penser. Ainsi, après avoir éliminé les causes classiques de ces troubles (notamment une maladie Cœliaque, une MICI ou une infection bactérienne ou parasitaire digestive), les auteurs proposent un traitement d'épreuve. S'agissant d'une intolérance, une restriction totale n'est pas nécessaire, mais il faudrait rester en dessous de 12mg de lactose par jour. Vous allez donc me dire: mais à quoi ça correspond? Et ben voici le tableau de correspondance. Enfin, si ça n'améliore pas les symptômes, un avis spécialisé pourra être demandé pour continuer les investigations des troubles dont se plaint le patient.


La société française de gastro-entérologie a proposé un algorithme simple sur la démarche à suivre devant une hyperferritinémie:


6/ Dermatologie

Après l'article du BMJ sur les additifs de bain émollients dans l'eczéma, le journal propose cette fois un article sur "quel émollient est efficace dans l'eczéma?". Pour commencer, il y a peu d'études, mais le Dexeryl* semble un peu mieux que d'autres. Les émollients sont préférentiellement à prescrire en tube (plutôt qu'en pot), de volume de 500mL (parce qu'on va en mettre souvent), en laissant macérer (plutôt qu'en frottant) et en espaçant de 60min après application d'un dermocorticoïde. Notons que plus l'atteinte cutanée est sévère, plus le produit devrait être épais (du moins au plus épais): lotion, crème, gel, pommade.
[edit: D'après "Que Choisir", le Dexeryl contenant un perturbateur endocrinien, on peut trouver mieux, mais ce n'est pas étudié spécialement. Alors voici la liste: https://www.quechoisir.org/comparatif-ingredients-indesirables-n941/liste/hydratants-corporels-sci710/produit-sans-risque-si0/ ]


7/ Endocrinologie

Une info pour commencer cette partie: l'agence européenne du médicament vient d'autoriser du glucagon intranasal pour le traitement des hypoglycémies sévères. C'est le 1er non injectable.

Un essai contrôlé randomisé mené chez les plus de 80 ans, ce n'est pas courant, mais ici, il s'agissait d'évaluer le bénéfice d'un traitement par levothyroxine versus placebo chez des patients de plus de 80 ans avec hypothyroïdie fruste (avec TSH < 20). Petit point intéressant, même à cet âge là, les auteurs ont introduit la levothyroxine à 50µg/j (ou 25µg si poids < 50kg). A 1 an, il n'y avait pas de différence entre les groupes concernant les symptômes, la fatigue ou la qualité de vie, sans majoration majeure des effets secondaires non plus. Bref, c'est assez concordant avec le fait de ne pas traiter une hypothyroïdie fruste chez le patient âgé (cf ici).


8/ Le jeu du mois : "Root"

Ce mois ci, je vais vous parler d'un jeu super mignon: Root!! Le principe est simple, vous êtes une tribu d'animaux de la forêt (des oiseaux, des chats, des souris, des castors, des lézards ou un raton-laveur) et le but ultime de votre vie est de dominer la forêt! Une fois de plus, le matériel est très beau, avec des pièces en bois et un graphisme très attrayant, et  le plateau est très grand aussi. La particularité de ce jeu de stratégie et de placement d'ouvrier réside dans l'asymétrie entre les joueurs: chaque tribu a une mécanique de jeu qui lui est propre, des personnages avec des capacités différentes qui lui sont propres et une façon de marquer des points unique. C'est un peu comme s'il y avait plusieurs jeux en un seul (et c'est assez compliqué du coup à expliquer aux nouveaux joueurs, puisqu'il faut donner des règles différentes pour chaque joueur...) J'ai été totalement pris et immergé dans l'univers, mais la 1ere partie peut quand même un peu difficile à supporter le temps de bien maitriser sa tribu. En conclusion, un beau jeu, un peu complexe au début, mais qui vaut vraiment le détour à mon avis!



C'est fini, je vous dis donc à la semaine prochaine!

@Dr_Agibus


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