dimanche 10 novembre 2019

Dragi Webdo n°245: anti-hypertenseurs, poussée hypertensive, aspirine en prévention primaire, ACFA (recos US), schizophrénie, constipation par opioïdes, paracetamol/grossesse, traitement intensif diabétologique

Bonjour! En ce week end prolongé, je ne peux m'empêcher de vous parler de cet article du BMJ retrouvant, une fois de plus, l'association entre les cadeaux pharmaceutiques déclarés sur "https://www.transparence.sante.gouv.fr" et des prescriptions de médecins généralistes moins adaptées et plus couteuses (moins de génériques, plus de benzodiazépines, plus de vasodilatateurs, moins d'IEC par rapport aux sartans etc...). C'est de l'observationnel, alors, est ce que les moins bonnes prescriptions poussent à se former avec l'industrie? Ou est ce que l'industrie entraine de moins bonnes prescriptions? Une étude à refaire dans 5 ans pour voir si l'industrie a réussi à faire prescrire plus de génériques et moins de benzodiazépines... Pas mal d'articles intéressants encore cette semaine: bonne lecture!


1/ Pharmaco-vigilance

L'Agence Européenne du Médicament avait déjà donné son avis sur les risques de troubles du développement de l'enfant et la prise de paracetamol pendant la grossesse en disant qu'il n'y avait pas de causalité démontrée. Une étude de cohorte américaine a retrouvé une fréquence plus élevée d'autisme et de trouble déficitaire de l'attention chez les enfants dont le sang de cordon contenait des métabolites du paracetamol. La fréquence d'utilisation du paracetamol et le nombre de facteurs de confusion possibles rend quand même très difficile une causalité (notamment les co-traitements qui n’ont pas été étudiés ici).


2/ Cardiovasculaire

Une nouvelle revue de la littérature s'est intéressée à l'aspirine en prévention primaire. Malgré une réduction du 10% des évènements cardiovasculaires sans différence sur la mortalité cardiovasculaire et globale, mais avec une augmentation de 50% des saignements majeurs, les auteurs jugent, logiquement, le bénéfice net non significatif. Si on regarde les sous-groupes pour trouver la sous-catégorie qui pourrait avoir un intérêt à être traitée... il y aurait une efficacité cardiovasculaire chez les hommes, non fumeurs, diabétiques, déjà sous statine, mais les saignements ne sont pas montrés, et on en revient donc au bénéfice net défavorable.



Je parlais il y a 2 semaines des discordances de traitement de 1ère intention dans l'HTA entre le NICE (inhibiteurs calciques), la Cochrane (diurétique) et l'ESC (plutôt IEC). Le Lancet va peut être nous aider dans cette revue systématique. En gros toutes les classes sont comparées entre elles (certes on pourrait toujours remettre en cause le fait de travailler avec des classes et non avec des molécules, mais c'est déjà un beau travail qu'ils ont fait), et les auteurs retrouvent :
- que les thiazidiques réduisent davantage les évènements cardiovasculaires et la mortalité que les IEC, ce qui tranche un peu avec la Cochrane qui disaient que c'étaient les 2 classes les plus efficaces de façon similaire (mais pas de différence entre thiazidiques et les sartans, étrange)
- les thiazidiques réduisent davantage la mortalité globale que les inhibiteurs calciques (qu'à donc fait le NICE??? eux qui recommandaient bien les thiazidiques en 1ère intention auparavant!)
- que les inhibiteurs calciques bradycardisant sont moins efficaces que toutes les autres classes
- qu'il n'y a pas de différence significative pour les autres comparaisons de molécules.

Tant qu'on est dans l'HTA, le NEJM propose un algorithme de gestion des hypertensions aigües sévères (TA> 180/120). Je vous le mets en dessous. Concernant les traitements à donner lors de ces crises, si une hospitalisation est nécessaire, le labetalol et la nicardipine IV sont à privilégier. En cas de crise hypertensive sans symptômes (qui peuvent être des céphalées, douleurs thoraciques atypiques, dyspnée, étourdissement, vertiges et épistaxis) , les traitements à privilégier sont la clonidine (0.1 à 0.3 mg), le labetalol (200 à 400 mg), le captopril (25 à 50 mg), et la prazosine (5 à 10 mg). Notons que la nicardipine est peu étudiée per os, et que la nifédipine ne doit pas être utilisée car d'efficacité trop variable pouvant entrainer un sur-risque cardiovasculaire.



La société américaine de cardiologie a publié des recommandations concernant la prise en charge de la fibrillation auriculaire. C'est une mise à jour ciblée des recos précédentes de 2014 dont j'avais parlé ici. Le changement principal concerne la prescription d'AOD en 1ère intention (après bilan hépatique et rénal) devant la warfarine sauf chez les patients avec rétrécissement mitral modéré ou sévère et avec valve mécanique. L'indication d'anticoagulation peut être proposée pour un CHADS2VASC = 1 chez l'homme et de 2 chez la femme (à la place de l'aspirine qui est enfin exclue des ces recos). Le reste est un peu trop spécialisé à mon avis.


3/ Gastro-entérologie

Un article du JAMA a tenté d'améliorer le dépistage du cancer colo-rectal avec le test immunologique fécal en ajoutant avant de faire le test une dose d'aspirine ou un placebo (comme ça on espère faire un peu saigner le cancer pour mieux le voir!). Mais non, ça ne change rien, alors autant s'en passer.

Le JAMA parle également de la constipation sous opioïdes. Les auteurs proposent avec un même niveau de preuve les laxatifs de lest, osmotiques, lubrifiants et stimulants en disant que les effets secondaires sont particulièrement rares quand même (probablement au vu de risques liés à cette constipation iatrogène). En cas de constipation résistante à 2 classes de laxatifs, les antagonistes des récepteurs opioïdes périphériques sont recommandés notamment le Naloxégol, mais un avis spécialisé est certainement utile car il faut éliminer un cancer digestif, un ulcère gastrique, une maladie diverticulaire, une pseudo-obstruction chronique idiopathique et une MICI, qui favoriseraient les risques de perforation digestive avec ces traitements.


4/ Psychiatrie

Le NEJM a publié une revue sur la schizophrénie. Les auteurs rappellent l'augmentation du risque liés au cannabis. Le traitement de la crise passe par des antipsychotiques mais les auteurs ne comparent pas vraiment les molécules (haldopéridol, risperidone et quiétiapine semblent les plus faciles à utiliser.). Après la crise, le traitement doit être maintenu pendant au moins 1 an pour réduire le risque de récidive de 75% à 25%, mais un traitement au long cours peut être nécessaire en cas de récidives. Au cours du suivi, la glycémie à jeun et le bilan lipidique devrait être effectué annuellement. Il est également important de faire bénéficier les patients d'une prise en charge globale avec des thérapies cognitivo-comportementales, des activités de réinsertions etc...


5/ Diabétologie

Pour finir, saluons le gros travail publié dans le BMJ concernant "les bénéfices et les risques du traitement intensif du glucose dans le diabète de type 2". Les auteurs remettent la plupart des recommandations internationales et on voit que toutes souhaitent une cible d'HbA1C inférieure à 7% sauf l'équivalent américain de l'académie de médecine qui propose une HbA1C entre 7% et 8%. Alors, les auteurs montrent (sans méta-analyse), les résultats d'un traitement intensif dans les différentes études qui : 
- réduit les infarctus non fatals (sans gain de mortalité ni gain sur les AVC), 
- réduit le risque de microalbuminurie (sans gain sur le risque d'insuffisance rénale terminale), 
- augmente le risque d'hypoglycémies sévères. 
Bref, ce n'est pas génial. Les auteurs insistent sur les bénéfices liés aux molécules (analogues du GLP-1 et inhibiteurs de SGLT-2 essentiellement) qui sont efficaces indépendamment du taux d'HbA1C, ils expliquent qu'il est nécessaire de sortir du paradigme de la baisse d'Hba1C pour passer à celui d'utilisation de molécules efficaces et d'une approche centrée-patient. Ainsi, ils proposent une fiche d'information pour une prise de décision partagée avec les patients (je trouve juste dommage que l'efficacité clinique n'apparaisse pas).



C'est fini! Le billet est publié à l'heure pour être lu avec le petit déjeuner du lundi matin, et en plus, pour la plupart d'entre vous, vous pas besoin d'aller travailler après! (Vous pourrez donc le lire sereinement!) Profitez en pour vous abonner si ce n'est pas déjà fait, sur Facebook, Twitter ou à la newsletter par mail en entrant votre e-mail tout en haut à droite sur la page, sans oublier de confirmer l'inscription dans le mail (dont l'objet ressemble à un nom de spam) qui vous sera envoyé.

A la semaine prochaine!

@Dr_Agibus

4 commentaires:

  1. Bonjour
    Encore merci pour cette revue de la littérature. Ce dont j'avais peur il y a 5 ans est en train de se dérouler petit à petit : on se débarrasse de l' HbA1c soit disant inutile pour prescrire des molécules quelle que soit l'HbA1c de base ni d'objectif d'HbA1c cible. Meme pas besoin de surveillance glycémique puisque ces molécules ne sont pas sensées en donner.
    Ou comment traiter un diabète sans faire de diabétologie.
    Les iSGLT2 ont quand meme pour effets secondaires des acido cétose (4 pour 1000) et des amputations. Les GLP-1 des pancréatites aigues.
    Pour reprendre les paroles d'un contrebandier célèbre : "tout cela ne me dit rien qui vaille"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir, l'hba1c semble utile quand meme pour savoir quand intensifier ou quand déprescrire. Il semble quand meme peu utile d avoir des objectifs à 6.5% (malgré les études retrouvant parfois une surmortalité). L'idée a mon sens est d'être plus flexible et les recos de l'ACP disant entre 7 et 8 % (Des études retrouvant quand même une surmortalité au dessus de 8). Merci du commentaire!

      Supprimer
    2. Salut
      Oui, je pense que l'HbA1c est utile avec quelques écueils. Oui, en dessous de 7% il y a réduction des complications de micro angiopathie (et une augmentation du risque d'hypoglycémies) et >8% augmentation du risque cardio vasculaire. Et oui, je suis d'accord avec toi, je pense qu'il faut nuancer les objectifs, et faire du cas par cas.
      Ce qui m'exaspère dans les études récentes, c'est que sous couvert de déclarer faire de la médecine personnalisée, on regarde juste une abaque de risque CV et on applique betement des traitements à bénéfice CV prouvé mais dont le bénéfice sur l'HbA1c est presque anecdotique, ce qui rend les choses à la fois dépersonnalisées et sortent le diabète de l'équation.

      Supprimer
  2. bah merci quoi. vivement que ce site change de thème, que le copier coller soi lisible.

    RépondreSupprimer