dimanche 19 janvier 2020

Dragi Webdo n°253 : allergies médicamenteuse, inertie thérapeutique/HTA, vessie hyperactive, puberté précoce, jeûne intermittent, parler d'activité physique

Bonsoir, j'espère que vous avez passé une bonne semaine, et bienvenue à tou·tes les abonné·es arrivé·es cette semaine! Voici les actualités: 


1/Pharmacovigilance

C'est au tour du BMJ de parler d'allergie médicamenteuse. L'article est assez concordant avec celui du JAMA. En effet, la réexposition est suggérée dès que "l'allergie ressemble plutôt à un effet secondaire" du traitement (diarrhée sous antibiotiques, constipation sous opioïdes...), auquel cas, la réintroduction doit être simplement faite à dose plus faible. Voici l'algorithme que les auteurs proposent :


Le JAMA internal medicine revient sur les très faibles preuves d'efficacité des résines échangeuses d'ions dans le cadre des hyperkaliémies (Kayexalate* ou autre), en particulier: il n'y a pas d'essai contrôlé randomisé. En revanche, des risques sont mis en évidence, notamment gastro-intestinaux. Cette étude retrouve en effet un sur-risque d'hospitalisation pour ischémie et de thrombose intestinale (0,2 % versus 0,1 % à 30 jours, c'est pas hyper-fréquent quand même).  Pour mémoire: il y a une interaction majeure entre le kayexalate et le macrogol, donc attention!


2/ Cardiovasculaire

Alors qu'aux Journées d'HTA les présentateurs déplorent la baisse du taux de contrôle tensionnel à 42% des patients en France, les données 2019 retrouvent que nous avons le plus faible taux de mortalité cardiovasculaire et les plus faibles incidences d'infarctus et AVC en Europe. Dans ce contexte, Annals of Family medicine s'intéresse à l'HTA pour différencier l'inertie thérapeutique de l'inaction appropriée. Les auteurs ont inclus des patients avec des mesures tensionnelles > 140/90 mmHg au cabinet et leur ont fait faire des automesures tensionnelles (AMT). Parmi ces patients, 66% avait des automesures < 140/90 mmHg, et 61% des patients ayant des AMT > 140/90 mmHg ont eu une intensification du traitement. Alors, on va dire "c'est logique!", puisque la correspondance de 140/90 mmHg au cabinet est de 135/85 mmHg en AMT: logique qu'une partie des patients non contrôlés au cabinet le soit en AMT si on prend 140/90 mmHg en seuil. Cependant, aucune étude n'a évalué le seuil de 135/85 en AMT pour établir le contrôle tensionnel (c'est prouvé seulement pour le diagnostic). Donc, on en revient au problème évoqué dans les recos de l'ESC: on prône les AMT, mais les objectifs ne sont étudiés que sur des chiffres au cabinet... Bref, on voit quand même que les patients non contrôlés à domicile voient leur traitement intensifié, il ne semble pas trop y avoir d'inertie thérapeutique, (sachant que pour les 39% non intensifié, les médecins justifiaient leur décision en disant que le déséquilibre était lié à un facteur contextuel transitoire).

Pour améliorer le dépistage de la fibrillation auriculaire dans le bilan des AVC (j'en avais parlé ici), le NICE (recos britannique) recommande l'utilisation d'un dispositif implantable chez les patients ayant un AVC cryptogénique, pour ainsi dépister plus de FA et ce serait "coût-efficace". Sinon, pour moins cher il y a les montres connectées... (cf ).
 

3/ Urologie

Une étude s'est intéressée à la prise en charge de la vessie hyperactive chez l'homme.  Les patients ayant eu un traitement par intervention comportementales avaient une amélioration des symptômes à 3 mois, un peu meilleure que ceux ayant eu un traitement médical seul, et semblable à ceux ayant eu à la fois un traitement par intervention comportementale et traitement médical. De plus, l'efficacité  était plus rapide dans les groupes avec intervention comportementale que dans le groupe avec traitement médical seul. L'intervention comportementale comprenait de la rééducation musculaire pelvienne, un journal des mictions, des feedbacks et conseils au quotidien.



4/ Endocrinologie et nutrition

Le jeûne intermittent (time restricted eating, les anglais comptent le temps durant lequel ils mangent et non le temps de jeûne) fait de plus en plus parler de lui et les publications commencent à arriver. Cet article de Cell Metabolism a inclus 19 patients avec syndrome métabolique. Ils ont effectué un jeune intermittent (14h consécutives sans alimentation par jour et donc temps d'alimentation restreint à 10h/jour) pendant 3 mois. Ils ont eu une perte de poids de 3,3 kg en moyenne, une amélioration des chiffres tensionnels, et du LDLc. Des études de plus haut niveau de preuve et de meilleure puissance sont attendues!

Le BMJ aborde le sujet de la puberté précoce définie comme le développement mammaire avant 8 ans chez la fille et développement génital avant 9 ans chez le garçon. Elle est soit gonadotrophine dépendante (incluant le puberté précoce idiopathique), soit indépendante de la gonadotrophine.
Le bilan comprend un examen:
- poids, taille et calcul de la taille cible
- la recherche des caractéristiques sexuelles secondaires
- un bilan biologique: LH, FSH, oestradiol, testostérone, TSH, (voire SHDEA, cortisol urinaire et test de stimulation à la LHRH)
- un bilan radiologique: âge osseux, échographie pelvienne chez la fille (voire IRM cérébrale)
Enfin, quand adresser au spécialiste:
- puberté précoce chez un garçon / ménarches avant 8 ans ou clitoromégalie ou pilosité pubienne sans développement mammaire chez la fille
- accélération brutale des courbes de croissance
- symptômes comme: polyurie/polydipsie, céphalées, troubles visuels, taches café au lait unilatérale, signes d'hyperthyroïdie, syndrome de Cushing, antécédent de pathologie neuro-cérébrale.

Comme un peu plus haut, je parlais du mauvais contrôle tensionnel, je vais parler ici du mauvais contrôle glycémique. En effet, cette étude de Diabetologia retrouve une baisse du taux de patients avec HbA1C < 7% de 36 % à 30 % entre 2005 et 2017. Il y avait une baisse du taux de prescription de sulfamides et une hausse des prescriptions d'insuline, du nombre de patients ayant au moins 2 HbA1C/an et du nombre de patients recevant des conseils d'éducation thérapeutique. Les auteurs concluent donc qu'il faut améliorer le système pour améliorer les résultats. Cependant, il y a 1 an exactement, on avait parlé de l'amélioration de la mortalité et des complications micro et macrovasculaires des 20 dernières années. Donc une fois de plus, arrêtons de nous focaliser trop sur les critères intermédiaires !


5/ L'article quali de la semaine (par @DrePetronille)

Pour débuter cette nouvelle section, un article du Collège canadien des médecins de famille (sept 2019), interrogeant des patients sur les moyens de parler d'activité physique en consultation. Si on peut regretter une analyse uniquement thématique et un guide d'entretien probablement trop dirigé vers les nouvelles technologies que les auteurs souhaitaient mettre en place à l'issue de l'étude, celle-ci nous apporte tout de même quelques pistes pour mieux aborder l'activité physique en consultation, pour tous et régulièrement. Pour commencer, évoquer des objectifs positifs en terme de santé (se sentir mieux, limiter les médicaments,...) ou encore les interaction sociales avec des participants de même niveau sportif (plutôt qu'en salle de sport). Les patients semblent préférer qu'on leur parle de bénéfices concrets à court terme (diminuer les douleurs, réduire le risque de chutes) plutôt que d'objectifs "pour le futur" (comme améliorer l'espérance de vie). Pour évaluer l'activité physique, évaluer plutôt le sentiment de bien-être, l'intensité des douleurs, la qualité du sommeil plutôt que le poids, qui ramène souvent à des expériences douloureuses. Comme souvent, privilégier l'approche centrée-patient et individualiser les objectifs et le suivi.


C'est fini, alors à la semaine prochaine!

@Dr_Agibus



2 commentaires:

  1. je suis assez surpris du choix de méthode de l'étude sur les conseils d'activité physique. Les auteurs ont fait une analyse thématique à partir d'entretiens. Cette méthode explore le vécu, le ressenti des participants, mais permet mal de proposer des pistes d'amélioration. La méthode la plus adaptée pour proposer une action est la méthode de consensus (Delphi, Rand UCLA, groupes nominaux) qui permet de faire émerger des propositions opérationnels plutôt que des concepts

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    1. Merci pour ce commentaire. Souvent, notamment dans la création de patients reported outcome, la 1ere étape est justement la sélection de critères par une étude quali qui sont ensuite évalués/classés/priorisés par les experts (patients bien sur) pour les hiérarchiser lors d'une méthode de consensus. Les 2 travaux sont a mon sens complémentaires. Merci, à bientôt!

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