dimanche 24 mai 2020

Dragi Webdo n°271: COVID (HCQ, remdesivir, troubles olfactifs), MTEV (reco NICE), dépistage CCR/surveillance coloscopie, PrEP injectable, HGPO, insuline

Bonjour! Toujours pas mal d'actualités autour du COVID cette semaine, et quelques autres articles tout aussi intéressants. Bonne lecture!


1/ COVID-19

Pour enterrer définitivement l'hydroxychloroquine, le Lancet a publié une étude basée sur les registres de plus de 600 hôpitaux dans le monde pour comparer la mortalité et la survenue de troubles du rythme cardiaque chez de patients ayant reçu de l'hydroxychloroquine (ou chloroquine) seule ou en association à l'azithromycine, par rapport aux patients n'ayant eu aucun de ces traitements. Sur 96 000 patients inclus, près de 15 000 avaient eu un des traitements ci dessus. Les auteurs retrouvent, après ajustement sur la sévérité et tout un tas d'autres facteurs que les patients traités par HCQ avaient un risque de mortalité augmenté (18% vs 9,3%, NNH=12) et c'est encore pire avec HCQ+azithromycine (22% vs 9,3%, NNH= 8). Notons également une augmentation des arythmies ventriculaires chez les patients traités. Bref, c'est pas un essai contrôlé randomisé, mais ceux ayant compassionnellement traité leurs patients par HCQ auraient peut être dû attendre des données solides. On voit aussi que les principaux facteurs associés à une augmentation de la mortalité en plus de ces traitements sont le tabagisme, les maladies cardiovasculaires et la BPCO, alors que l'utilisation des IEC semble protectrice.

Passons maintenant à un essai contrôlé randomisé concernant le remdesivir publié dans le NEJM. Déjà c’est une étude non financée par l’industrie. Les patients inclus sont des patients avec covid+ et atteinte respiratoire basse (donc pas tous les covid). Le critère de jugement était le temps de guérison (en fait, c’est le temps pour ne plus nécessiter une hospitalisation avec des soins en actifs. On note aussi que le CJP a été modifié en cours d’étude, au moins ils ne le cachent pas). Les résultats de cette étude sont les résultats intermédiaires d’une étude toujours en cours, cependant les auteurs ont atteint leur nombre d’évènements (guérisons) nécessaire. Il n’y a pas eu d’ajustement concernant la multiplicité des tests, on ne conclura donc que sur le critère principal. Le plan d’analyses statistiques décrit l’utilisation d’une méthode d’Obrien et Fleming pour les analyses intermédiaires effectuées : en gros le alpha global est à 5%, mais à la 1ere analyse intermédiaire le seuil de significativité est par exemple  0.0001, puis un peu plus élevé à la suivante 0.001 puis à la finale 0.0489 de sorte que la somme fasse 5%. Mais là, on ne sait pas clairement quel est le seul de l’analyse intermédiaire qui a servi au final d’analyse principal de cet article. Bref, plus de 1000 patients randomisés, (50% avec HTA, 30% avec diabète, 30% avec obésité). La guérison était plus rapide 11jours avec traitement versus 15 jours sous placebo avec un p < 0,001 (a priori, c'est assez faible pour que l’on considère que cela remplisse la condition décrite ci-dessus pour l’analyse intermédiaire), mais il n'y avait pas moins de mortalité. Au total, c’est un traitement qui semble efficace pour réduire la durée d’hospitalisation de 4 jours (c'est pas énorme non plus) sans effet démontré actuellement sur la mortalité, mais peut être que les résultats obtenus à la fin du suivi nous renseigneront davantage sur ce point. 

La HAS a publié un avis sur la place des tests sérologiques rapides. Concernant les tests diagnostiques  rapides (TDR) en laboratoire, les indications sont les mêmes que celles des sérologies classiques (cf ici). Concernant les TROD pouvant être effectués hors laboratoire, la HAS ne retrouve pas d'étude publiée sur le sujet. Bien qu'ils puissent être une option dans le cadre de rattrapage diagnostique chez des patients n'ayant pas accès à un laboratoire ou symptomatiques malgré une PCR négative ou n'ayant pas pu effectuer une PCR, la HAS recommande qu'un test de sérologie classique confirme systématiquement le résultat d'un TROD positif (et pareil pour un TROD négatif en fait, mais là c'est juste encouragé....)

Et du coup, combien de personnes ont été atteintes du COVID? Cette étude du JAMA effectuée à Los Angeles retrouve que sur 1700 personnes ayant accepté d'être dépistées à partir d'une base représentative de la population, 13 % avaient eu de la fièvre avec toux, 9% de la fièvre avec dyspnée et 6% une dysosmie ou dysgueusie. Ainsi, les auteurs concluent qu'environ 4,5% seulement de la population a été atteinte par le COVID !

Le JAMA encore, parle des troubles olfactifs dans le cadre du COVID. Il permet de découvrir plein de mots pour caractériser les troubles olfactifs: les troubles de l'olfaction orthonasale, rétronasale, les phantosmies, parosmies, paragueusies. Si les troubles sont brutaux en contexte viral, le COVID peut être évoqué. Si les troubles sont progressifs avec une composante d'obstruction nasale d'intensité fluctuante, c'est probablement une cause rhino-sinusienne. S'ils sont progressifs, non fluctuants, chez des sujets âgés avec troubles mnésiques, la cause est probablement neuro-dégénérative. Enfin, s'ils sont post-traumatiques, c'est brutal et souvent avec une anosmie sévère, et il y a un contexte traumatique. Concernant la prise en charge des troubles olfactifs liés au COVID, les auteurs proposent: 1/ mettre des détecteurs de fumée dans la maison et bien vérifier les dates de péremption des aliments avant de les consommer 2/ essayer la rééducation aux odeurs en reniflant du citron, de la rose, de l'eucalyptus etc, 20 seconde chacun, 2 fois par jour pendant au moins 3 mois 3/ on peut toujours essayer pour finir les oméga 3 orale et la vitamine A intra-nasale.


2/ Pneumologie

Le NICE a publié des recommandations concernant les maladies thrombo-emboliques veineuses. Pas grand chose de neuf par rapport aux références européennes et francophones dont j'avais parlé ici. Les auteurs recommandent l'utilisation des critères de PERC pour exclure une embolie pulmonaire en cas de risque faible, ainsi que l'utilisation du seuil de D-Dimères ajusté sur l'âge au delà de 50 ans. Les auteurs s'opposent à la recherche de cancer dans le bilan des évènements idiopathiques en l'absence d'autres symptômes évocateurs. Les traitements de première ligne recommandés reposent sur l'apixaban et le rivaroxaban, pour une durée de 3 mois en cas d'évènement avec facteur déclencheur et pour une durée indéterminée selon la balance bénéfice risque pour les évènement sans cause retrouvée. Pour des patients refusant une anticoagulation au long cours, les auteurs suggèrent de proposer de l'aspirine faible dose.



3/ Gastro-entérologie

Après la discussion sur le dépistage du CCR (ici), voici un article du BMJ discutant de la surveillance par coloscopie et de l'arrêt de la surveillance surtout. Ainsi, une coloscopie était indiquée et a retrouvé des polypes, quelle doit être la surveillance? 
- Pour 1 ou 2 polypes festonnés ou adénomes < 10mm, il est recommandé un retour au test de dépistage non invasif.
- A partir de 3 (les recommandations anglaises disent 5) polypes festonnés ou adénomes <10mm, une coloscopie à 3 ans est recommandée (s'il n'y a que des polypes festonnés, un retour au dépistage non invasifs peut être envisagé)
Le retour aux tests non invasifs est à reprendre 10 ans après la coloscopie! Il n'y a que les américains qui, dans ces 2 situations recommandent un suivi par coloscopie entre 3 et 10 ans selon la situation. C'est aussi ce que je vois faire le plus souvent, mais le retour aux tests non invasifs est motivé par le risque faible (<0,5%) de complications sévères lors des coloscopies qui peut devenir significatif compte tenu du nombre de coloscopies effectuées.
- Dans les autres situations (adénomes > 10mm ou avec dysplasie de haut grade ou polypes festonnés >10mm ou avec une dysplasie quel que soit le grade): une coloscopie à 3 ans est recommandée.


4/ Infectiologie

Dans le contexte de la PrEP, un nouveau traitement préventif de l'infection par le VIH est en cours de développement: le cabotegravir qui a une durée d'action de 8 semaines. Un essai contrôlé randomisé , chez des hommes (et femmes trans) ayant des rapport avec des hommes, a donc comparé le cabotegravir injectable au truvada oral actuellement recommandé en tant que PrEP. Après environ 4 ans, lors d'une analyse intermédiaire, 0,38% des patients sous cabotegravir ont eu une séroconversion contre 1,21% sous truvada. Il y avait 80% de patients avec des effets indésirables avec le traitement injectable contre 30% avec le traitement oral. Attendons la publication finale des résultats maintenant.


5/ Diabétologie

Peut être un biologiste pourra-t-il me dire quand sont centrifugés les tubes pour les tests HGPO pendant la grossesse. En attendant, cette étude retrouve que les taux de glucose sont plus élevés en cas de centrifugation précoce par rapport à une centrifugation tardive, ce qui conduirait (lors d'une centrifugation précoce) à augmenter le nombre de diagnostics de diabète gestationnel de 11,6% !

Un article du JAMA revient sur la place de l'insuline dans le diabète de type 2 non contrôlé. Les auteurs recommandent de ne pas retarder l'instauration de l'insuline lorsque l'HbA1C initiale est >9% (et non >10% comme disent les recos) car les traitements non-insuline ne baissent l'HbA1C que de 1,6% en moyenne, ce qui est insuffisant pour descendre sous les 8%, seuil semblant associé à une réduction de la mortalité et des complications du diabète (notons que les auteurs ne plaident pas pour un contrôle "strict" qui n'a pas montré de bénéfice)


Merci pour votre fidélité, on se retrouve la semaine prochaine pour le prochain Dragi Webdo!

@Dr_Agibus

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