dimanche 8 novembre 2020

Dragi Webdo n°288 : corticoïdes/COVID (HCSP/CNGE), suivi après coloscopie (recos US), rémission du diabète, ECG chez l'enfant, colchicine/coronaropathie, délai de PEC/cancer, conflits d'intérêt

Bonjour, débutons ce Dragi Webdo par l'article quali de la semaine qui concerne les conflits d'intérêt. En effet, une étude du BMJ s'est intéressée aux conflits d'intérêt lorsque sont menés des essais cliniques. Les auteurs ont interrogé 20 chercheurs, principalement des hommes, du monde entier, à travers des entretiens semi-dirigés téléphoniques. La méthodologie de l'étude est bien décrite et semble solide. La définition des conflits d'intérêt était variable entre les interrogés, et ils étaient volontiers dans la difficulté de cerner tous les conflits d'intérêt liés à la conduite d'essais cliniques. Les interrogés ont rappelé les conflits d'intérêt financiers ou politiques (nécessité de financement, arrêts prématurés des études lorsque les résultats ne vont pas dans le sens souhaité par le promoteur...). Certains participants évoquaient aussi les liens d'intérêt personnels des auteurs : l'envie de mieux traiter, en en privilégiant les bras intervention des études, ou encore leur choix de participer plutôt à des études pouvant améliorer leur carrière personnelle. Les interrogés ont bien décrit les différentes stratégies pour gérer leurs conflits d'intérêt dans l'article. Cette étude rappelle les limites des études publiées et questionne sur l'équilibre entre les moyens nécessaires pour pouvoir mener une étude, les raisons qui poussent les chercheurs à chercher et la façon dont sont conduites et publiées (ou non, et cela est une question en soi) les études, sur l'éthique de la recherche. Pensez à vous former à l'éthique dans la recherche si ce n'est pas fait (il existe des Mooc passionnants sur le sujet). Bonne lecture !


1/ COVID-19:

Le conseil scientifique du CNGE a émis un avis rappelant qu'il est nécessaire de prendre des décisions en accord avec les données de la science même en période de pandémie. Les auteurs rappellent que seuls les corticoïdes ont démontré une efficacité, uniquement chez les patients atteints de COVID sévères. Ils notent que l'anticoagulation préventive recommandée par le HCSP chez les patients avec mobilité réduite associée à des facteurs de risque n'est actuellement pas appuyée par des études. Bref, primum non nocere

Le HCSP a publié un avis sur l'utilisation des corticoïdes dans le COVID-19 chez les patients hospitalisés. Ils recommandent le traitement chez les patients de médecine ou de réanimation avec une SpO2 < 94% (< 90% si insuffisance respiratoire) âgés de moins de 70 ans (à discuter après). C'est bien la dexamétasone qui est recommandée, 6mg/j pendant 10 jours maximum ou à défaut de la méthylprednisolone (32 mg/j)   ou de la prednisone (40  mg/j) ou de l'hydrocortisone (160 mg/j) 

Une petite étude du JAMA super simple à réaliser a comparé la saturation en oxygène de patients âgés de 76 ans en moyenne avant, pendant et après le port d'un masque. Les variations étaient de moins de 0,5% et les intervalles de confiance éliminaient des variations de plus de 2%.


2/ Cardiovasculaire

La colchicine semblait efficace dans l'infarctus du myocarde d'après cet article de 2019. Le NEJM a publié un autre essai contrôlé randomisé évaluant la colchicine 0,5 mg/j vs placebo chez les patients avec coronaropathie stable. Plus de 5000 patients ont été suivis pendant 2 ans environ et les patients traités par colchicine avait un risque plus faible d'évènements cardiovasculaires sur le critère de jugement composite principal (NNT=91 patients.année). Quand on regarde les données de mortalité cardiovasculaire et globale, il n'y avait cependant pas de bénéfice retrouvé du traitement. Les patients sous colchicine avaient également moins de crises de goutte (pas très surprenant), mais d'avantage de myalgies (logique compte tenu de l’interaction statine+colchicine). Il est également inquiétant de voir une augmentation de la mortalité non-cardiovasculaire de proche de la significativité étant donné la nature exploratoire de cette analyse (OR=1,51[0.99-2.31], NNH d'environ 500 patients.année). Notons la bonne tolérance digestive, mais 15% des patients éligibles ont été exclus, souvent pour troubles digestifs, au cours d'une "run-in periode" (période durant laquelle on donne le médicament à tout le monde pour voir s'il est bien supporté... les patients ne le supportant pas ne sont pas randomisés et donc non analysé). Le risque d'hospitalisation pour pneumonie n'était pas augmenté mais les nombre de pneumonies non hospitalisées n'a pas été recueilli. Il aurait également été intéressant d'avoir des résultats concernant le sur-risque hémorragique chez les 12% de patients sous anticoagulants pour savoir dans quelle mesure la colchicine augmentait le risque de saignement. L'ensemble des données pourrait en faire une molécule intéressante, à voir si le bénéfice à long terme surpasse réellement les risques chez des patients moins sélectionnés.

Un article du JAMA Cardiology évalue la prévalence de l'HTA masquée nocturne dans une étude de cohorte de patients âgés d'environ 50 ans. Ainsi, cette étude retrouve qu'il y aurait environ 20% des patients atteints d'après les résultats de MAPA mais seulement environ 12% auraient une HTA masquée nocturne isolée (sans HTA diurne associée). Pour mémoire, l'HTA nocturne peut se manifester par céphalées, asthénie, nycturie... ou atteinte d'organe (protéinurie, hypertrophie cardiaque....) sans cause retrouvé (cf ici).

La HAS et l'ESC sont désormais d'accord sur le fait qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer des ECG systématiques chez l'adulte pour la pratique du sport (même si l'ESC les recommande quand même en cas de compétition). Chez l'enfant, on a moins d'éléments, mais la société américaine de pédiatrie recommande de ne pas faire d'ECG systématique en l'absence d'antécédent familiaux ou personnels de maladies cardiovasculaires (ils disent aussi de ne pas doser systématiquement la troponine pour les douleurs thoraciques de l'enfant).

3/ Oncologie

Un article du BMJ s'est intéressé au surrisque de mortalité lié au retard de prise en charge de cancers. Les auteurs retrouvent une augmentation de 8% de la mortalité pour le cancer du sein et de 6% pour le cancer du colon chez les patients ayant eu un accès à la prise en charge chirurgicale différée de 4 semaines. Ainsi, pour ces cancers à la mortalité estimée à 12%, pour 1000 femmes atteintes, un délai de 1 mois entrainerait une surmortalité de 10 patients... Avec le confinement et le renoncement aux soins qu'il y a eu, on devrait donc s'attendre à une triste augmentation de la mortalité de ces cancers. Les études incluses étaient des études rétrospectives pour la plupart, et les stades inclus variaient également: parfois que des faibles stades (comme pour le poumon et il n'y a pas de surmortalité lié au délai) et d'autres fois des stades 1 à 4 (comme pour le sein) mais on n'a pas la proportion de stades inclus (s'il y a beaucoup de 3-4 et peu de 1-2, le délai a certainement plus d'impact.

On avait abordé un article du BMJ concernant le suivi après coloscopie il y a  quelques mois et qui reprenait surtout les recos britanniques et européennes. Le JAMA publie désormais les recommandations américaines de 2020 concernant le suivi par coloscopie.

  • Pour 1 ou 2 adénomes de moins de 10mm: coloscopie dans 7 à 10 ans (retour au dépistage généralisé selon les recos européennes et britannique)
  • Pour 3 adénomes de moins de 10mm ou plus: coloscopie dans 3 ans (concordant avec les recos européennes et britanniques)
  • Dès 1 adénome de plus de 10mm: coloscopie à 3 ans (concordant)
  • Si 1 adénome ou polype sessile fait plus de 20mm: coloscopie à 6 mois (non abordé) 

4/ ORL

Un essai contrôlé randomisé a cherché a évaluer l'efficacité de la vitamine D versus placebo dans la récurrence  des vertiges paroxystiques bénins après traitement efficace par des manoeuvres. Les patients du groupe intervention avec une vitamine D < 20ng/mL étaient traités par "vitamine D 400UI+calcium 500mg" x2/jour pendant 1 an et avaient moins de récurrence de VPPB! En chiffre absolu, il y avait 0,27 épisode de vertiges en moins dans ce groupe traitement soit un NNT de 3,7 patients.


5/ Diabétologie

Des auteurs ont essayé de trouver la définition de la rémission du diabète. Cette revue systématique de Plos Medicine a mis en évidence 96 définitions différentes selon les études. Globalement, les critères reposaient sur 

  • l'absence de traitement antidiabétique 
  • un seuil glycémique en dessous d'un seuil, le plus souvent placé à 6% d'HbA1c. 
  • A ces 2 critères s'ajoutent un critère de temps (souvent oublié dans les études), qui est majoritairement fixé à 1 an avec les 2 critères remplis pour la rémission et à 5 ans pour la rémission prolongée. 

Il reste à savoir si un patient en rémission prolongée à toujours besoin du suivi cardiologique, ophtalmologique etc...ou si on peut arrêter.

Un essai contrôlé randomisé a évalué l'efficacité de la funerenone (un antialdostérone) chez les patients diabétiques avec maladie rénale chronique. Les patients traités ont eu une survenue moindre du critère de jugement composite d'évènements rénaux (NNT=68 patient.année), et du critère de jugement composite cardiovasculaire (NNT=124 patients.année) après 1 an de suivi.. Leur DFG se dégradait moins vite, mais il n'y avait pas moins d'insuffisances rénales terminales, ni d'infarctus, ni d'AVC ni de réduction de la mortalité globale ou cardiovasculaire. Cependant, il y avait, logiquement plus d'hyperkaliémies (NNH= 4!!) et d'hyperkaliémies sévères (NNH= 100 patients). Au final, pas sûr que la balance bénéfice risque soit vraiment favorable compte tenu de la fréquence de cet effet indésirable.

C'est terminé! Pensez toujours à vous abonner si c'est pas fait: Facebook, Twitter ou à la newsletter par mail (Il faut inscrire votre e-mail tout en haut à droite sur la page, sans oublier de confirmer l'inscription dans le mail, dont l'objet ressemble à un nom de spam, qui vous sera envoyé.). On vous dit bonne soirée et à la semaine prochaine !  

@Dr_Agibus

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