dimanche 15 novembre 2020

Dragi Webdo n°289 : COVID (recos HAS, O2, anticoagulation, fluvoxamine), fer/insuffisance cardiaque, statines et sujet âgé, dépistage cancer poumon, e-cigarette, reflux, soins palliatifs

 Bonjour ! Le billet de la semaine va être assez dense, alors bonne lecture !!


1/ COVID-19

La HAS en partenariat avec le CMG, la SPILF et le CNGE, a publié des recommandations concernant la prise en charge en 1er recours des patients COVID. On retiendra particulièrement:

  • Des consultations présentielles à privilégier, avec mesure de la saturation en oxygène
  • Chez le patient symptomatique: indication de PCR ou de test antigénique (entre J1 et J4 des symptômes si la PCR est indisponible sous 48h) chez les patients sans signe de gravité. S'il y a des difficultés pour le test nasopharyngé, faire une PCR salivaire
  • Chez le patient asymptomatique: indication de PCR immédiatement puis à 5-7 jours si contact étroit (même foyer) ou à J5-J7 après l'exposition si pas de contact étroit. S'il y a des difficultés pour le test nésopharyngé, faire PCR oro-pharyngée
  • La surveillance des patients COVID doit être renforcée entre J6 et J12, les corticoïdes ne sont pas indiqués chez les patients non graves, et l'anticoagulation n'est recommandée que si patient alité ou facteurs de risque de thrombose
  • Chez l'enfant de moins de 11 ans, un test est recommandé si fièvre sans cause après 6 ans ou si fièvre sans cause depuis 3 jours avant 6 ans.

La HAS a également publié des recommandations controversées sur la prescription de l'oxygénothérapie en ville en contexte de COVID. Elle serait indiquée de façon exceptionnelle chez des patients sortant d'hospitalisation et encore oxygénorequiérants ou chez des patients en ville d'emblée en l'absence de possibilité d'hospitalisation. Le patient doit avoir une SpO2< 92% mais > 90%, nécessiter 3L/min maximum et avoir un aidant présent 24h/24 pour effectuer la surveillance avec un objectif de SpO2 entre 92% et 96%. Dans ces conditions l'anticoagulation préventive et les corticoïdes sont également indiqués. Des sociétés savantes se sont insurgées contre cet avis car 1/il y a une indication formelle à hospitaliser ces patients, compte tenu de l'évolution parfois très rapide de la maladie 2/ il n'est pas concevable de laisser reposer la surveillance du patient sur la présence d'un tiers aidant. 

Dans le même temps la SPLF a publié un document allant dans le même sens, mais ne recommandant pas la présence d'un tiers en permanence et détaillant les modalités techniques et la façon de prescrire. La fiche oxygénothérapie COVID de coronaclic est très bien faite, mais le nombre de contre-indications entraine l'exclusion de 99% des patients.

Pour revenir sur l'anticoagulation préventive des patients COVID, une étude française a retrouvé que les patients COVID+ font 10 fois plus de thrombopénies induites à l'héparine, avec une incidence de 8% chez ces patients en réanimation contre 0,9% habituellement soit un NNH de 15! Donc, ça vaut probablement mieux de ne pas mettre tous les patients COVID sous anticoagulation préventive...

Le JAMA a publié un article randomisant 150 patients COVID+ non graves sans pathologie pulmonaire chronique dans un bras de traitement par fluvoxamine (un IRS) ou dans un bras placebo. Le critère de jugement était une aggravation clinique définie comme une saturation devenant < 92% associée à une dyspnée ou hospitalisation pour dyspnée ou pneumonie. Aucun patient du groupe traitement ne s'est aggravé contre 8.3% dans le groupe placebo (p< 0.01, NNT=13!). Il n'y avait pas de différence dans le nombre global d'effet indésirables. Avant de traiter tout le monde par antidépresseur, attendons d'autres études de plus grande envergure.


2/ Cardiovasculaire

L'USPSTF (équivalent américain de la HAS) retrouve qu'il n'y a pas de preuves suffisantes pour évaluer la balance bénéfice risque d'un dépistage de l'HTA chez l'enfant et l'adolescent. Pour mémoire, en France le dépistage est recommandé annuellement à partir de l'âge de 3 ans...

Un article du Lancet revient sur la supplémentation martiale en cas d'insuffisance cardiaque gauche (FEVG< 50%). Les auteurs rappellent que la carence martiale chez ces patients doit être recherchée (recos ESC) et qu'elle se définit par une ferritine < 100 ou < 300 si le coefficient de saturation est < 20%. Dans l'étude, les patients carencés ont reçu un placebo ou une injection de fer parentéral. Après 52 semaines, le traitement n'a pas réduit la survenue du critère de jugement principal composite (hospitalisations et décès à 52 semaines) de façon significative. Si les auteurs avaient fait un simple critère sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, le résultat était positif avec une réduction des hospitalisations de 25% (NNT=9 patients.année ce qui est plutôt très bien). Bref, tout ça pour rappeler qu'il est utile de dépister et de traiter les carences martiales chez les insuffisants cardiaques, mais l'injection ponctuelle annuelle n'est probablement pas à préférer par rapport à un traitement oral.

On parle régulièrement des statines chez le sujet âgé, et de leur efficacité contestée après 75 ans dans diverses études (ici et ). Cette étude du Lancet va à l'encontre des autres. En effet, cette revue systématique avec méta-analyse retrouve que baisser le LDL de 1mmol/L permet de réduire le risque relatif d'évènements cardiovasculaires (critère composite) de 26% chez les patients de plus de 75 ans, sans différence avec les moins de 75 ans ni entre ceux traités par statines ou traitement non-statine. Le principal problème c'est qu'ils ne séparent pas prévention primaire et secondaire: on savait déjà qu'en prévention secondaire, c'était plutôt utile de continuer quel que soit l'âge. J'apprends au passage l'existence d'une étude en cours randomisant l'atorvastatine versus placebo en prévention primaire chez des patients exclusivement de plus de 70 ans, à suivre!


3/ Pneumologie

Une revue systématique d'Annals of family medicine s'est intéressée à la mortalité spécifique, toute cause et au surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer du poumon en intégrant les données de 8 essais randomisés soit 90000 patients. S'il y a bien une réduction relative de la mortalité spécifique de 19% (NNT= 250), la réduction de mortalité globale reste non significative (RR=0.96 [0.92;1.01] et les auteurs tentent quand même de dire que son NNT serait de 295. Le taux de surdiagnostic est évalué à 20% ce qui est concordant avec les autres études.

Il y a 2 ans, une étude retrouvait un bénéfice à l'e-cigarette dans le sevrage tabagique. Une étude canadienne a randomisé des patients motivés pour arrêter de fumer pour qu'ils reçoivent, en plus d'un soutien motivationnel, soit une e-cigarette avec nicotine, soit une e-cigarette sans nicotine, soit pas d'e-cigarette. L'utilisation d'e-cigarette avec nicotine était plus efficace que l'absence d'e-cigarette à 12 semaines (NNT=8), mais pas à 24 semaines. Au contraire, l'e-cigarette sans nicotine n'était pas plus efficace que l'absence d'e-cigarette à 12 semaines, mais l'était à 24 semaines (NNT=10). C'est probablement intéressant pour réfléchir sur la place de l'addiction à la nicotine et à celle de l'addiction à la gestuelle, voire de tester une e-cigarette avec nicotine pendant 12 semaines suivie d'un arrêt de la nicotine.


4/ ORL

Un article du BMJ parle du reflux laryngo-pharyngé qui est une manifestation du reflux gastro-oesophagien. Il se manifeste par une sensation de boule dans la gorge plutôt médiane (penser au cancer si latéralisé) ressentie à la déglutition (et pas lors des prises de solides ou de liquides), un hémage (raclement de gorge), un enrouement vocal, un gout amer ou de la toux (souvent plusieurs symptômes). On peut s'aider d'un score (reflux symptom index), évocateur de reflux s'il est supérieur à 13. Le traitement est empirique avec des inhibiteurs de la pompe à proton. La persistance des symptômes plus de 4 semaines doit faire demander un avis spécialisé.


5/ Soins palliatifs

Une étude qualitative française a étudié les ressources des médecins généralistes pour les accompagner dans les soins palliatifs à domicile, quand environ un français sur quatre y décède. Les 21 entretiens semi-structurés ont été analysés de manière inductive et ont retrouvé des ressources internes ou externes. La gestion des soins palliatifs à domicile, peu aidée par la formation initiale théorique qui pose néanmoins le cadre légistatif, l'était en revanche par   l'expérientiel : stages de formation initiale, accompagnement des patients mais aussi lors d'expériences personnelles. Le statut particulier de généraliste dans le parcours de soins et dans la relation médecin-patient permettait aux médecins de s'engager et d'obtenir la confiance de la famille, permettant un épanouissement qui compensait la difficulté des situations. Loin d'être seuls, les médecins s'appuient sur les ressources locales: infirmier.es, principalement, ou encore l'hospitalisation à domicile. Fondamentale, la place des proches et des aidants est également évoquée dans le processus de décision et d'accompagnement de la fin de vie. 


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A la semaine prochaine 
@Dr_Agibus et @DrePetronille (pour la partie quali et la relecture)

2 commentaires:

  1. Alexandre Gérard15 novembre 2020 à 15:17

    "on savait déjà qu'en prévention primaire, c'était plutôt utile de continuer quel que soit l'âge"

    Plutôt en prévention SECONDAIRE, non ?

    Merci pour la revue de presse !

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