Bonjour ! Ce billet va être très long, mais il y a eu beaucoup d'articles très intéressant cette semaine. Bonne lecture !
1/ Pharmacovigilance :
Une étude américaine retrouve que 6 visites aux urgences pour 1000 habitants par an (12 chez les plus de 65 ans) sont liées à la iatrogénie médicamenteuse (et 38% conduisent à une hospitalisation). Les médicaments impliqués étaient des anticoagulants (15%), des opioïdes (11%), des benzodiazépines (11%), des antibiotiques (9%) et de l'insuline (8%).
2/ Covid-19 :
L'EMA a déclaré qu'il était possible de faire une 3ème dose de vaccin anti-covid chez les patients immunodéprimés 28 jours après la 2ème dose et qu'il était également possible de vacciner avec une dose booster les patients de plus de 18 ans non immunodéprimés à 6 mois de la 2ème injection (mais il n'y a pas de références pour cela).
Ainsi, la HAS a également émis un avis sur les doses booster. Elle recommande une 3ème dose chez les patients de plus de 65 ans, ou immunodéprimés ou avec facteurs de risque de forme grave, chez les professionnels de santé et professionnels prenant en charge ou accompagnant les personnes vulnérables et chez l'entourage des patients immuno-déprimés. Elle ne recommande pas de 3ème dose en l'absence de facteur de risque chez les moins de 65 ans. Le rationnel de cette dose booster repose sur une baisse des anticorps de 6% tous les 2 mois environ sur les formes symptomatiques et les données de tolérances sur une sous étude incluant des patients de 18 à 55 ans ayant reçu une dose booster.
Si on regarde cette étude publiée dans le Lancet, on peut voir que l'efficacité du vaccin diminue progressivement après la 2ème dose, jusqu'à atteindre une efficacité voisine de 50% sur les formes symptomatiques à 5 mois. Cependant, l'efficacité sur les formes sévères se maintient parfaitement au cours du temps (ce qui n'est pas en faveur d'une 3ème dose au final, car le but de la vaccination est surtout d'éviter les formes graves) Sur le graphique: A: cas symptomatiques; B: formes graves.
Dans une cohorte de 2 millions de patients de plus de 18 ans, l'incidence des myocardites était de 6 cas pour 1 million de dose chez les vaccinés et 2 pour 1 million en l'absence de vaccin, soit un risque multiplié par 3 après la 2eme dose (NNH environ 280 000 patients).
En Israël, près de 10 millions de patients ont été vaccinés. Le risque de myocardite était le plus élevé chez les 16-18 ans, avec un risque multiplié par 9 par rapport aux non vaccinés. Pour l'ensemble de la population, ce risque était multiplié par 2,3 par rapport aux non vaccinés et l'incidence correspondante était de 5,3 myocardites pour 100 000 vaccinés avec 2 doses. Cela donne un NNH d'environ 50 000 patients sur l'ensemble de la population et de 6600 patients chez les 16-19 ans. Ces fréquences sont bien plus élevées ici que dans les cohortes américaines ou européennes, notamment avec la comparaison avec l'incidence de myocardites dans les années précédentes. Peut-on suspecter une sous-déclaration des diagnostics de myocardites avant le covid ?
Le BJGP a publié des recommandations basées sur une méthode Delphi concernant les Covid long. La définition associe la positivité d'un test (ou des critères OMS) et des symptômes très larges (un essoufflement, une douleur thoracique, des palpitations, une tachycardie inappropriée, une respiration sifflante, un stridor, une urticaire, des douleurs abdominales, une diarrhée, une arthralgie, une névralgie, une dysphonie, une fatigue, des troubles cognitifs, une fièvre prolongée et une neuropathie) persistant après 4 semaines. Le généraliste est au coeur du diagnostic en recherchant une cause autre par un bilan (NFS, créatininémie, CRP, bilan hépatique, TSH, glycémie, vitamine D, magnésium, vitamine B12, acide folique, ferritine, bilan osseux +/- RXT, troponine, ECG, ETT...). La prise en charge peut ensuite nécessiter le recours aux spécialistes et doit s'accompagner d'un soutien psychologique.
3/ Cardiovasculaire:
Une étude a comparé l'utilisation du HAS-BLED et le score ORBIT pour évaluer le risque hémorragique des patients sous AOD pour fibrillation auriculaire. Les auteurs retrouvent que le HAS-BLED conduit à moins de mauvaises classifications des patients que le ORBIT.
4/ Psychiatrie:
Des patients coréens sevrés du tabac ont été suivis jusqu'à survenue d'un évènement cardiovasculaire. Les auteurs retrouvent qu'il y a un sur-risque cardiovasculaire chez les patients ayant cessé le tabac en utilisant un produit nicotinique sans combustion (e-cigarette ou tabac chauffé) par rapport à ceux ayant cessé le tabac sans produit nicotinique sans combustion (avec des substituts classique ou sans rien par exemple), avec un NNH d'environ 250 patients (OR d'environ 1.5)
Après la reco de la HAS sur la prévention du suicide, voici une étude concernant la survenue des tentatives de suicide des adolescent (âgée de 13 ans et demi en moyenne) au cours des dernières années à Paris (Hopital Robert Debré). En gris, on peut voir le début du confinement en mars 2020...
Cette revue narrative concerne la prise de macrolides au cours des pneumopathies de l’enfant. L’auteur, revient sur le fait que certaines recommandations favorisent les macrolides par rapport aux pénicillines selon l’âge de l’enfant (notamment après 3-5 ans) et selon la présentation clinique (« pneumopathie atypique »). Cependant, le fait que les infections à mycoplasma pneumoniae soient moins sévères que celles à pneumocoque et la hausse des résistances aux macrolides fait que la prescription initiale de macrolides devrait être évitée dans les pneumopathies de l’enfant.
Dans ces temps difficiles pour la vaccination, l’OMS recommande un vaccin très attendu : celui contre le paludisme pour les enfants. L’étude ayant permis cette recommandation a été publié dans le NEJM et retrouve que la vaccination d’enfants entre 5 et 17 mois est non inférieure à la prise d’une chimioprophylaxie et que la combinaison des 2 est plus efficace que chacune des mesures.
6/ Néphrologie
La HAS a publié une mise à jour des recommandations sur l’insuffisance rénale chronique. Un des premières modifications est la suppression de l’âge supérieur à 60 ans dans les facteurs de risque devant conduire à un dépistage. Les autres facteurs de risque décrits ici sont maintenu et le dépistage se fait par mesure de la créatininémie et du rapport albuminurie/créatininurie (RAC). Le déclin de DFG physiologique est de 2ml/min/an, il est modéré entre 2et 5ml/min/an et rapide au-delà de 5ml/min/an. Pour la 1ère fois le score KFRE est recommandé et un risque de déclin rapide > 3% doit conduire à adresser au spécialiste (on en avait parlé ici). Le suivi peut être assuré par le généraliste pour les DFG >45ml/min, stable et sans complication (ou jusqu’à 20ml/min chez le sujet âgé). Les auteurs recommandent l’utilisation de la formule CKD-EPI pour adapter les posologies des traitements. Sur le plan thérapeutique, les auteurs recommandent d’introduire un IEC ou un ARA2 pour obtenir une TA < 140/90 et même de viser < 120mmHg de PAS (sauf si diabète, âge >90 ans, protéinurie >1g, DFG<20ml/min ou PAD< 50mmHg). L’IEC et l’ARA2 sont également recommandé dès 120mmHg si RAC > 300mg/g ou >30mg/g si diabète. L’atorvastatine est la statine recommandée chez tous les patients de plus de 50 ans lorsque le LDL est > 1,9g/L. Enfin, voici le tableau de suivi :
7/ Diabétologie
La semaine dernière, le congrès européen de diabétologie a permis de sélectionner quelques articles. De nouvelles recommandations concernant le diabète de type 1 ont été publiées. Pour les généralistes, on retiendra pour le diagnostic que les anticorps anti GAD sont à faire en 1er lien devant une suspicion de diabète, puis, s'ils sont normaux les anti-corps anti IA2 et anti ZN8. Puis selon l'âge, il est recommandé de rechercher un diabète monogénique avant 35 ans, en s'aidant du dosage du peptide C ou de rechercher un diabète de type 2 après 35 ans, en s'aidant éventuellement du dosage du peptide C si le patient est insulino-requiérant 3 ans après le diagnostic de diabète. Le traitement repose ensuite sur une insulinothérapie, avec des objectifs basés sur le pourcentage de temps dans la cible à l'aide d'une mesure continue du glucose (on en avait parlé ici, les objectifs sont inchangés). Les antidiabétiques non insuliniques ne sont généralement pas recommandés dans le diabète de type 1.
Une revue systématique actualise les bénéfices des différents antidiabétiques en les comparant entre eux dans la prise en charge du DT2. Le schéma se suffit à lui même, une fois encore, mais pour faire simples: les iDDP4 sont aussi efficaces que des placebo, les aGLP1 et iSGLT2 réduisent les évènements et la mortalité cardiovasculaire, avec un léger avantage aux iSGLT2 qui sont plus efficaces sur la néphropathie et l'insuffisance cardiaque.
Dans les essais randomisés, le fenofibrate chez les patients diabétiques n’a jamais réussi a démontrer un bénéfice clinique significatif sur le critère de jugement principal malgré des bénéfices possibles sur les critères secondaires. Ainsi, des auteurs coréens ont comparés des 5000 patients traités par fenofibrates pendant 6 ans en les appariant grâce à un score de propension à 5000 patients n’en prenant pas. Les auteurs retrouvent une réduction de la survenue d’évènements cardiovasculaires (NNT d’environ 480 patients par an) mais aussi de la mortalité globale (NNT d’environ patients 130 par an). L’effet cardiovasculaire est donc moins important que celui des statines et ce n’est pas un essai randomisé, mais il pourrait faire discuter le fénofibrate quand les statines ne sont pas tolérées du tout si d’autres études venaient rejoindre celle-ci.
Une étude rétrospective retrouve que les traitements par statines chez les diabétiques sont associés à une progression du diabète proportionnelle à l’intensité de la statine utilisée. Les auteurs disent donc de réfléchir à la balance bénéfice risque de la statine pour chaque patient. Cependant, le bénéfice des statines est lié au haut risque cardiovasculaire des patients diabétiques en début de leur risque hyperglycémiant connu. Cette étude est une fois encore en faveur de la nécessité de changer de paradigme dans le diabète et de prendre en compte le risque cardiovasculaire global et non des marqueurs glycémiques comme critères de contrôle ou de suivi.
L'efpeglenatide est un nouvel analogue du GLP-1 qui a été comparé au placebo chez des patients à 90% en préventions secondaire. Ce traitement réduisait significativement la survenue du critère composite cardiovasculaire de 27% (NNT=72 personnes.années), mais sans efficacité sur les avc, infarctus, la mortalité cardiovasculaire ou la mortalité globale pris séparément. Bref, il y a de meilleurs analogues du GLP1 en prévention secondaire, notamment le liraglutide qui diminue la mortalité globale.
Enfin, de nouvelles molécules ont été présentées. Le tirzepatide, un double agoniste du GLP-1 et du GIP comparé au semaglutide dans SURPASS-2. Les auteurs retrouvent que le tirzepatide abaisse plus l'HbA1c que le semaglutide. Cependant, il y avait 0.9% de décès avec le tirzepatide contre 0.2% avec semaglutide. Les auteurs n'ont attribué aucun décès aux traitements. Attendons d'avoir plus d'infos sur ce nouveau traitement, notamment sur des critères cliniques.
C'est terminé! N'hésitez pas à vous abonnez sur Facebook, Twitter et à la newsletter (mail) pour ne rater aucun billet. Pour cela, inscrivez votre adresse mail e-mail tout en haut à droite sur la page (sans oublier de confirmer l'inscription dans le mail intitulé "FeedBurner Email Subscriptions", qui vous sera envoyé et qui peut arriver dans vos spams)
A la semaine prochaine,
@Dr_Agibus (et @DrePetronille pour la relecture)
Merci pour tout ça.
RépondreSupprimerCe billet est d'une telle richesse que je me demande comment il est possible de tout ingurgiter.
Mais faut-il tout ingurgiter ?
Ne plus exercer semble me faciliter la vie.
Toujours un bémol, mais cela demande encore plus de temps : peu de critiques sur la qualité des études qui sont présentées avec brio de façon neutre (pas toujours).
Il ne faut donc pas les prendre, toutes, pour argent comptant.
Bonjour, je pense qu'il ne faut pas tout ingurgiter, certains éléments sont simplement intéressant pour forcer à la réflexion. Et en effet, il faut toujours se faire son propre avis, c'est bien pour ça que le mien transparaît (avec des références à l'appui en général ;) )
Supprimer