dimanche 26 mars 2023

Dragi Webdo n°392 : Exercice médical/prescriptions inappropriées, laits pour APLV, DIU/post-partum, antalgiques, rhinite, Ménière, hydratation, évolution santé mentale

Bonjour, comme chaque année, vous pourrez retrouver un grand nombre de commentaires concernant les présentations du CMGF sur Twitter : #CMGF2023 ! Et voici sans plus attendre les actualités de la semaine ! 


1/ Exercice médical

On va parler d'un article du JAMA health forum qui a étudié les prescriptions inappropriées en soins primaire selon... la durée de consultation! Ainsi, parmi les 4 millions de consultations étudiées, les consultations courtes étaient associées à plus d'antibiotiques inappropriés, plus d'opioïdes et plus de benzo!

Une publication britannique comparait les généralistes selon les pays. On voit en 1er lieux que les MG français sont les plus insatisfaits d'Europe, tout juste devancés depuis 2022 par les Britanniques, et que cette insatisfaction n'est pas liée au revenus mais à la charge de travail notamment administrative. Nous voyons en moyenne 114 patients en 45h (15min/patient), en nombre de patients c'est dans le top 3, (les allemands font 250 patients avec des cs de 10min!!) mais nous ne sommes pas "trop" en burn out par rapport aux autres (quand même 1/3 des médecins avec des symptômes...). Nous sommes ceux qui offrons le plus souvent des consultations après 18h et qui travaillons au moins 1 fois par mois le week end. Il est aussi plaisant de voir qu'on fait près de 90% de consultations présentielles (contre 40% au Royaume Uni!). Par contre, nous sommes les moins informés quand nos patients sont hospitalisés ou passent aux urgences. Nous demandons plus que les autres s'ils ont besoin d'un "bon de transport", mais sommes mauvais pour dépister ou prendre en charge l'insécurité alimentaire, les démences et l'addictologie.


2/ Gynécologie

Une étude a comparé la pose d'un DIU "précoce" entre 2 et 4 semaines après un accouchement, versus "normal" entre  6 et 8 semaines étant donné qu'à 6 semaines 50% des patientes ont déjà repris un cycle. Les auteurs montrent ainsi que poser le DIU de façon précoce est non inférieur au délai standard sur le risque d'expulsion complètes à 6 mois, chez des femmes d'environ 29 ans et à 65% multipares. Dans cet essai de non infériorité, la différence était de 2% pour une marge de non infériorité placée à 6% (6% de risque d'expulsion en plus, ça nous semble énorme!). Notons que sur les critères d'expulsions partielles (endo-cervical) et "tout type d'expulsion",  la pose "précoce" n'était pas non inférieure à la pose "normale", sans qu'il n'y ait non plus significativement plus de retrait du DIU. Vu les marges, ça ne semble pas très convaincant. Notons que la pose de DIU dans les 48h après accouchement n'est pas abordée.

 

3/ Psychiatrie

Cette étude du réseau Sentinelles a évalué les actes suicidaires et décès par suicide déclarés par les médecins du réseau sentinelle entre mars 2010 et mars 2022. Leur taux était stable pendant la pandémie Covid mais les actes concernaient des personnes plus jeunes et plus âgées (notamment étudiants et retraités). 

Abordons l'anxiété en Belgique chez les patients suivis en médecine générale. Entre 2000 et 2021, l'incidence de l'anxiété des patients est passée de 1/1000 patient année à 10/1000 patient année, avec une proportion de patients anxieux traités médicalement passant de 25% à  40% (anxiolytiques et IRS)! Durant cette période, le nombre de maladies chroniques des patients est passée de 1,5 à 2,3. Les principales comorbidités associées à l'anxiété étaient, bien sur les cancers, mais aussi, l'HTA (car fréquent), et l'intestin irritable (lié à l'état psychologique).


4/ Rhumatologie

Régulièrement il y a une grosse revue systématique avec méta-analyse sur les antalgiques dans les douleurs (ici et ). Voici celle dans la lombalgie aiguë publiée dans le BMJ. Ce qui est le plus efficace sur le critère "douleur", dans cette revue,  c'était des myorelaxants ! La tolperisone et le thioccolchicoside réduisaient de 20 points /100 l'intensité de la douleur. La prégabaline était également dans le top des médicaments, suivi de peu par le kétoprofène. L'étoricoxib, l'aceclofenac, le piroxicam étaient également efficaces. Le tramadol, le paracétamol, le diclofenac, l'ibuprofène, le célécoxib et les corticoïdes n'étaient pas plus efficaces que le placebo. Malheureusement, le naproxène n'apparait pas, il était pris en référence pour certaines études mais n'a pu être intégré à cause du manque de comparaison versus placebo. Concernant la tolérance, seuls le tramadol et le baclofène faisaient plus d'effets indésirable que le placebo. Dans les analyses par classes médicamenteuses: les anticonvulsivants étaient les plus efficaces (mais avaient le plus d'effets indésirables avec les opioïdes faibles),  suivis des myorelaxants, des coxibs et des AINS. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que ces résultats sont de faible à très faible niveau de preuve à cause des biais des études, sauf pour celles concernant la tolérance où le niveau de preuve est modéré.

Rapidement, des recommandations alimentaires ont été faites chez les patients avec rhumatisme inflammatoire. Il est recommandé d'accompagner le patient vers une perte de poids, le régime méditerranéen est recommandé et les oméga-3 peuvent être proposés à visée symptomatique. Le régime sans gluten, le jeûne, le régime végétalien,  l'éviction de produits laitiers, la supplémentation vitaminique ou en oligo-éléments et les probiotiques ne sont pas recommandés.


5/ ORL

La Cochrane a publié plusieurs revues concernant la maladie de Ménière. Concernant les traitements oraux, il est impossible de tirer la moindre conclusion de l'efficacité de la beta-histine, des diurétiques ou des corticoïdes (1 ou 2 études à chaque fois, sans efficacité retrouvé sauf peut être celle évaluant les diurétiques). Les injections de corticoïdes intratympaniques et la pression positive ne fonctionnent pas. Les injections intratympaniques de gentamycine, les aérateurs transtympaniques et le fait de boire abondamment réduisait la survenue de crise de vertiges dans 1 étude pour chaque intervention, soit un faible niveau de preuve également (mais bon, ça permet de découvrir des interventions insoupçonnées!)

Parlons de la rhinite, avec une revue systématique qui a évalué les anticholinergiques nasaux (type ipratropium) dans les essais randomisés. Les auteurs montrent une diminution de la sévérité de la rhinorrhée et de la durée des symptômes sous traitement par rapport au placebo, aussi bien dans la rhinite allergique que non allergique. Il y avait significativement plus d'épistaxis mais les autres effets indésirables n'étaient pas significativement augmentés (céphalées, irritations, pharyngite). 


6/ Pédiatrie

Cette étude française sur le rapport coût-efficacité des substituts indiqués dans l'allergie aux protéine de lait de vache est en faveur des laits à base de caséine + probiotiques (par exemple Nutramigen* en France) avec une réduction des coûts de 674 euros par enfant par rapport aux formules aux formules à base de protéines de riz, et 1248 euros par rapport à celles à base d'acides aminés,  ou aux hydrolysats des protéines solubles du lactosérum sans probiotiques (exemple Peptijunior*). Cette estimation du coût est faite à partir d'une étude anglaise prospective non randomisée permettant d'évaluer l'intensité des symptômes, le recours aux soins pour asthme/rhinite allergique/eczéma/urticaire et la tolérance du lait de vache. Les enfants sous caséine+probiotiques semblaient tolérer plus rapidement le lait de vache permettant donc un arrêt plus précoce des formules avec un niveau de preuve pas très élevé. Cependant, quand on pense aux coûts importants de ces laits dans le quotidien des enfants allergiques, c'est une modélisation intéressante.

 

7/ Gériatrie

Enfin, abordons l'hydratation parentérale des patients lors des derniers jours de vie. Donc, la sous-cut' de NaCl, est ce que ça sert à quelque chose en fin de vie ? Les bénéfices potentiels seraient d'améliorer le confort en limitant la sécheresse buccale et en évitant la dégradation rénale qui serait responsable d'accumulation de toxines et de médicaments favorisant alors les délires. Cependant, cela peut engendrer une congestion (oedèmes, insuffisance cardiaque...), augmenter les complications liées à la perfusion, favoriser les sécrétions respiratoires et les vomissements et la production de cétones lié à l'absence d'apport aurait des effets des effets sédatifs et antalgiques. Les revues systématiques d'essais randomisés de bonne qualité sont rares et contradictoires : un montre un bénéfice sur la sédation et les myoclonies à 48h, et l'autre ne retrouve pas de différence de qualité de vie, de symptômes ou de survie à 7 jours. En gros, pas de réponse simple, à faire selon les patients, leurs préférences, l'état aigu/chronique et en surveillant régulièrement.


C'est terminé pour cette semaine ! Vous pouvez toujours vous abonnez sur FacebookTwitter et à la newsletter (mail) pour ne rater aucun billet. Pour cela, inscrivez votre adresse mail tout en haut à droite sur la page (sans oublier de confirmer l'inscription dans le mail provenant de "hi@follow.it" et intitulé "Veuillez confirmer votre abonnement à Médicalement Geek", qui vous sera envoyé et qui peut arriver dans vos spams)

A la semaine prochaine !

@Dr_Agibus et @DrePetronille

3 commentaires:

  1. Je lis régulièrement vos billets. Je me permets de commenter ici en tant que non soignant non chercheur. Pour avoir discuté dans le passé des études cliniques et des financements dédiés avec des personnes décisionnaires dans ce domaine, je trouve peu valable la conclusion sur la non recommandation de supprimer gluten et laits. je me base sur le résumé fait ici, je n'ai pas accès à la totalité de l'article cité.
    Il n'y a en effet aucune étude clinique bien conduite qui valide ce positionnement mais il reste une quantité importante de témoignages récurrents, durables dans le temps, qui vont dans ce sens. Et hélas, à ma connaissance, pas de recherche spécifique en ce sens, malgré les témoignages. J'espère qu'un budget dédié et que des équipes à l'aise avec la recherche clinique en alimentation, moins facile qu'avec une molécule, se mettent à l'ouvrage.

    Pour les omégas 3, l'article précise-t-il svp le type d'omégas 3 préconisés ? Si j'ai bien suivi les actualités, les omégas 3 estérifiés pourraient être liés à un accroissement de la fibrillation auriculaire. Cela semble moins ou pas du tout le cas sur des omégas 3 "naturels", c à d les formes d'ALA, EPA ou DHA qui n'ont pas subi ce processus.

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  2. Le commentaire de 15h35 du 27 mars est le mien, je préfère signer pour retrouver mes contributions ensuite.

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    1. Bonsoir, je réponds ici alors. Concernant les études sur l'alimentation, les études sont en effet rares, de très faible niveau de preuve et peu concluantes. La recommandation est donc "non recommandé", ce qui est différent de "recommandé de ne pas donner". Certains peuvent y trouver un bénéfice, tout comme le fait de prescrire un placebo en disant "tenez, ceci est un placebo totalement inactif" permet d'améliorer les symptômes des patients, mais il n'est pas recommandé de donner des placebo aux patients. C'est pour cela qu'il ne faut pas se baser sur des témoignages pour conclure à une quelconque efficacité pour donner lieu à des recommandations. (recommander 1 carré de chocolat par jour, devrait être aussi efficace). Pour les oméga 3, ils disent "EPA+DHA>2g/j". Mais l'EPA est aussi associé à un surrisque de fibrillation, notamment dans reduce-it. Globalement, la plupart de ces compléments, même s'ils soulagent modérément peuvent avoir des effets secondaires parfois disproportionnés compte tenu de la taille d'effet modérée (les vasoconstricteurs nasaux fonctionnent dans le rhume, mais risquer un AVC pour ça, ça ne vaut pas le coup). Merci du commentaire!

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