Hypertension artérielle
1/ Recommandations
2024: Commençons avec les recommandations ESC concernant l'HTA (les précédentes datant de 2018).
On va passer vite sur les choses qui ne changent pas, mais globalement
il y a encore une mouvance vers un traitement plus précoce et plus
intensif chez la majorité des patients (assez critiquable quand on
compare à d'autres recos. Une méthode GRADE basée sur des revues
systématiques n'aurait probablement pas les mêmes conclusions)
- Le diagnostic nécessite idéalement des mesures ambulatoires > 135/85mmHg. Le dépistage est recommandé tous les 3 ans ou tous les ans après 40 ans, et doit être effectué aux 2 bras, une différence > 10mmHg de PAS étant associé à un sur-risque CV et peut faire suspecter une sténose (toute mesure ultérieure doit être faite au bras avec la PAS la plus élevée).
- Cette PA est à utiliser pour calculer le risque CV des patients avec le SCORE-2, SCORE-2 OP et SCORE-2 diabète. Les auteurs rajoutent que: pré-éclampsie, HTA gravidique, diabète gestationnel, accouchement prématuré, enfant mort né, fausses couches récurrentes, ATCD familiaux CV précoces, faible niveau socio-économique, maladies mentales, VIH et maladies auto-immunes, sont des facteurs modifiant le risque en "l'augmentant d'une catégorie" (faisant ainsi passer des patients intermédiaires à élevés, grade IIa). En grade IIb (avis d'expert sur études observationnelles), le score calcique, troponine ultrasensible, écho des TSA peuvent être des facteurs modifiant également. Et on arrive à une première nouveauté: pour les patients considérés à haut risque cardiovasculaire (prévention secondaire ou >10% ou intermédiaire + facteurs modificateurs), il y a une indication de traitement si PAS > 130/80 mmHg!
-
Le bilan initial standard comporte: NFS, Na, K, calcémie, TSH, EAL,
GAJ, créatininémie, rapport albuminurie/créatininurie (RAC) et ECG. Un
bilan d'HTA secondaire chez un spécialiste est indiqué si HTA < 40
ans ou HTA résistante (à noter que avant 40 ans, en cas d'obésité, il
faut commencer par une recherche de SAOS avant le bilan d'HTA
résistante)
- La cible tensionnelle est < 130mmHg pour tout le monde, sauf espérance de vie limitée ou âge > 85 ans pour laquelle la cible est < 140mmHg (on a déjà parlé de nombreuses fois de ces cibles avec un bénéfice peu éprouvé pour tout ce qui est plus strict que 140/90, cf ici, là et ici)
- Concernant la prise en charge, rien de neuf dans les RHD (activité physique, sevrage tabac, OH limité, selon les recos OMS), sauf concernant HTA et insuffisance rénale où ils recommandent avec un grade IIa d'augmenter de 0,5-1g/j les apports potassiques, notamment avec les fruits et légumes.
-
Sur le plan pharmacologique, une monothérapie est recommandée si TA
< 140/90mmHg, fragilité, hypotension orthostatique ou >85 ans.
Sinon, une bithérapie faible dose est recommandée parmi les 3 classes
possibles (IEC/ARAII, diurétiques, calciques). En cas d'HTA résistante
(à une trithérapie maximale), la spironolactone est recommandée (si
inefficace: éplérénone, puis les bêtabloquants puis les centraux ou
alphabloquants).
- En cas de grossesse, la nifédipine LP, le labétalol et le methyldopa sont les traitements recommandés, avec une cible < 140/90mmHg. En cas d'insuffisance rénale et HTA, les ISGLT2 sont indiqués tant que le DFG est supérieur à 20mg/mL. Chez les patients d'origine africaine sub-saharienne, une bithérapie avec calciques + thiazidique ou iec/araII est recommandée.
En bref, pas de revue systématique, des grades ne correspondant pas vraiment au niveau de preuve, pas d'analyse plus fine des classes à privilégier selon les patients. On est dans la continuité des recos de la société européenne d'HTA (recos 2023) et des recos américaines, les recos de la société internationale d'HTA de 2020 étaient plus précises, plus utiles et un peu mieux sourcées.
2023: Les dernières recommandations au sujet de l'hypertension artérielle dataient de 2020, voici les nouvelles publiées par la société européenne d'HTA. Alors, l'HTA est définie par une PA > 140/90mmHg (contrairement au 130/80 américain). La mesure au cabinet est recommandée car c'est là dessus que reposent les seuils d'efficacité démontrés des traitements (à faire aux 2 bras, si différence > 15-20mmHg: sur-risque CV). Sinon, il faut des mesures ambulatoires au diagnostic en privilégiant l'AMT pour le suivi des patients et améliorer l'observance (à faire sur 3 à 7 jours matin et soir, et SANS compter la 1ère journée de mesure), et les MAPA si on cherche une HTA masqué/nocturne. Un suivi tous les 3 mois la 1ère année est recommandé (car associé à moins d'évènement CV) puis tous les 6 mois.
Il y est défini 3 grades:
- Grade 1: <160/100 mmHg
- Grade 2 : <180/110 mmHg
- Grade 3: >180/110 mmHg
- Stade 1: non compliquée
- Stade 2: atteinte d'organe ou diabète
- Stade 3: maladie cardiovasculaire établie ou DFG < 30 mL/min.
Le bilan initial est classique.
- Au laboratoire : NFS-plaquettes, EAL, glycémie à jeun, Na, K, créatininémie, BU et calcémie et acide urique.
- On y ajoute un ECG systématiquement et tout un tas d'examens non hiérarchisée "basiques" pour rechercher les atteintes d'organes cibles et évaluer le risque CV (dans une partie non évaluée par le système "GRADE" qui serait de grade très faible): ETT, score calcique, écho de TSA, Doppler Aorte, IPS, écho rénale et Doppler artères rénales, fond d'oeil, MMSE, IRM cérébrale, lp(a) et nt-pro-BNP.
- Le bilan d'HTA secondaire :
- Indications: HTA stade 2 avant 40 ans, toute suspicion d'HTA secondaire, HTA résistante, HTA s'aggravant brutalement, HTA grade 3, anomalies au bilan initial.
- Contenu: entre 19 et 65 ans : Doppler des artères rénales (donc DAR plutôt que le TDM), rapport aldo/rénine, métanéphrines urinaires, test de freinage à la DXM pour mesure du cortisol et cortisol libre urinaire sur 24h. Le TDM surrénalien n'est pas un examen de 1ère attention. Après 65 ans, les causes étant l'athérosclérose réno-vasculaire et les maladies du parenchyme rénal, les bilans hormonaux ne semblent pas recommandés (donc juste DAR).
Concernant
le traitement, il y a bien sur les RHD sur lesquelles on ne reviendra
pas. Avant 80 ans, le seuil d'initiation thérapeutique est 140/90mmHg
(mais on peut commencer à 130/80 si prévention secondaire). Après 80
ans, le seuil d'initiation thérapeutique est 160mmHg de PAS (mais on
peut commencer a 140 si on veut). La cible de PA à atteindre se mesure
au cabinet (en AMT c'est pas étudié) et est de 130/80 entre 18 et 64 ans
(pas merci à SPRINT qui ne correspond pas à des mesures au cabinet en
vrai), de 140/90 entre 64 et 79 ans, et de 140-150 après 80 ans (mais
<140 si bien toléré, ça va aussi). Enfin, ne JAMAIS viser une
systolique < 120mmHg. Une bithérapie initiale est recommandée avec
IEC (ou ARAII) + calcique/diurétique. La monothérapie s'envisage si
grade 1 et faible risque, ou patient âgés/fragiles. En cas d'échec de
bithérapie, la trithérapie est recommandée. Les BB- sont à mettre si une
autre indication que l'HTA existe. En cas d'HTA résistante et après
exclusion d'une HTA secondaire, la spironolactone est à ajouter, puis
BB- ou alpha-bloquant, puis anti-HTA central. En cas de DFG <
30ml/min, la spironolactone est CI et ils recommandent un diurétique de
l'anse en plus du thiazidique (mouais, vu que le thizidique est aussi CI
si DFG < 30 normalement... on peut utiliser la chlorthalidone si DFG
< 30 mais non dispo en France), et penser à ajouter l'inhibiteur de
SGLT2 (voire la finerenone si diabète).
Enfin, voici quelques cas particuliers:
- Sujets noirs: préférer calcique si monothérapie ou calcique + IEC et calcique + thiazidique si bithérapie.
- Grossesse: seuil et cible 140/90mmHg, avec labetalol ou alpha-methyl-dopa (2eme intention: nifedipine LP) + aspirine 100mg/j si risque de prééclampsie.
- HTA maligne: labetalol ou nicardipine (2ème intention: urapidil) (le nejm disait pas tout à fait ça).
- Coronaropathie: iec+BB- avec cible < 80bpm et si TA insuffisamment contrôlée, ajouter calcique dihydropiridine (=DHP, car on associe pas un BB- et un calcique bradycardisant) si angor et calcique DHP ou thiazidique en l'absence d'angor (faudra revoir car les BB- sont pas systématique en l'absence d'IC dans les recos ESC).
- FA: les BB- sont une classe de choix avec un objectif < 110 bpm voire < 80 ppm si symptomatique. Eviter diltiazem et verapamil qui interfèrent avec les AOD.
- BPCO/Asthme: les BB- cardiosélectifs réduisent la mortalité en cas de coronaropathie, et ne sont donc pas contre indiqués.
2023: L'Académie américaine des médecins de famille a publié des recommandations concernant les cibles tensionnelles. Les auteurs recommandent une cible inférieure à 140/90 qui est l'objectif ayant démontré une réduction de mortalité. Ils proposent néanmoins d'avoir une cible inférieure à 135/85 dans le but d'obtenir une réduction des infarctus du myocarde, mais sans bénéfice sur les AVC ou la mortalité.
2021: De son coté, la société européenne d'HTA a émis des recommandations concernant la mesure de la pression artérielle. Il n'y a rien de très neuf. Les mesures au cabinet doivent être confirmées par des mesures ambulatoires. Les indications de la MAPA sont : détecter l'HTA masquée et l'HTA blouse blanche, diagnostiquer l'HTA nocturne, confirmer des hypotensions liées à un surtraitement, et en cas de discordance entre les mesures au cabinet et les automesures tensionnelles. La MAPA est considérée comme étant la méthode préférentielle pour le diagnostic d'HTA, les AMT étant celles de choix pour le suivi (on ne va pas pouvoir faire des MAPA à tout le monde...)
Le bilan initial comporte: une kaliémie, une créatininémie (DFG par formule de Schwartz), une recherche d'hématurie et un rapport protéinurie/créatininurie (normale <50 mg/mmol avant 2 ans et <20 mg/mmol après 2 ans). On y ajoute si obésité ou antécédent familial de dyslipidémie: une glycémie à jeun, un bilan lipidique et un dosage des ASAT et ALAT.
Après le bilan, il est recommandé d'adresser car la suite relève d'un suivi spécialisé à cet âge. Les traitements seront en premier lieu des inhibiteurs calciques ou des IEC/ARAII. Les auteurs rappellent les contre indications à la contraception oestro-progestative en cas d'HTA.- En "essential": une baisse de 20/10mmHg, idéalement pour atteindre 140/90.
- En "optimal": Avant 65 ans: 130/80 (mais >120/70), et après 65 ans: 140/90 mais on peut faire plus bas si les traitements sont tolérés (donc on revient à des cibles moins élevées après 65 ans et non 80 ans). La bithérapie est recommandée d'emblée avec une association en 1 comprimé sauf TA < 160/100 ET absence d'autre facteur de risque (âge>65 ans, FC>80/min, IMC>25, diabète, dyslipidémie, antécédent familial cardiovasculaire, ménopause précoce, tabagisme, contexte psychosocial défavorable)
- 1ère ligne: IEC (ou ARA2) +inhibiteur calcique faible dose puis pleine dose si besoin.
- Puis trithérapie en ajoutant un thiazidique like plutôt qu'un thiazidique (c'est cohérent avec la littérature)
- Si non contrôle, c'est une HTA résistante: ajout spironolactone (si K<4,5 et DFG>45)
- Et si besoin, on peut utiliser: amiloride, doxazozine, eplerenone, clonidine ou les bêta bloquants (qui sont indiqués avant s'il y a une indication type coronaropathie, fibrillation auriculaire ou insuffisance cardiaque, grossesse...)
- les antiaggrégants plaquettaire ne sont recommandés qu'en prévention secondaire quelque soient les autres co-morbidités
- les objectifs de LDL: < 0.55g/L ou < 0,7g/L si coronaropathie (selon le paragraphe...), <0,7g/L si post AVC, diabète ou haut risque, < 1,15g/L si risque cardiovasculaire modéré
- pas de traitement de l'hyperuricémie en l'absence de symptômes.
2019 : Le BMJ revient sur l'hypertension artérielle en parlant des nouvelles recommandations britanniques du NICE (qui ne suivent pas vraiment les recos européennes de 2018). L'HTA est toujours définie comme une tension supérieure à 140/90, qui doit être confirmée en ambulatoire préférentiellement par une MAPA par rapport à des AMT (norme < 135/85). Une recherche d'hypotension orthostatique est recommandée si diabète, âge >80 ans ou symptômes d'hypotension orthostatique La nouveauté consiste dans l'évaluation du risque cardiovasculaire par le QRisk et le bilan des complications: bandelette urinaire, ionogramme, créatininémie, EAL, ECG et examen du fond d'oeil. Un traitement médicamenteux d'emblée est recommandé à partir du stade 2 (TA en ambulatoire > 150/95) ou à partir du stade 1 si atteinte d'organe et/ou risque cardiovasculaire >10% selon le Qrisk.
- Avant 65 ans: < 130mmHg (mais > 120)
- Entre 65 et 80 ans: <140mmHg (mais > 120)
- Après 80 ans: < 140mmHg (mais > 130) (alors que les anciennes recos disaient <150 sans hypotension)
- Et pour les diastoliques: entre 70 et 80mmHg
- commencer par IEC/ARAII+thiazidique ou IEC/ARAII+inhibiteur calcique.
- les bêta bloquants peuvent être utilisés dans l'association initiale s'ils sont indiqué pour une autre raison (ACFA, post-infarctus...)
- si la tension n'est pas contrôlée: IEC/ARAI+inhibiteur calcique+thiazidique (de préférence en 1 comprimé, mais ça n'existe pas en France de façon remboursée, donc faudrait que la sécu se mette à jour).
- si la TA n'est pas contrôlée, c'est une HTA résistante, et on pourra ajouter: spironolactone (ou a défaut un autre diurétique épargneur potassique, ou un thiazidique forte dose ou un bêta bloquant (bisoprolol et nébivolol semblent les mieux éprouvés) ou un alphabloquant (la doxazosine est la seule citée, hors AMM)
- le choix IEC ou ARAII: pas de différence d'efficacité d'après les recos (et pas de molécule recommandée), un peu plus d'arrêt de traitements sous IEC, et éviter les IEC chez les sujets noirs qui seraient plus sujets à l'angio-oedeme et donc préférer un ARAII d'emblée si on doit en mettre un. Mais bon, même si en comparaison directe il n'y a pas de différence d'efficacité, les IEC sont les seuls à avoir montré un gain de mortalité globale versus placebo...
- Pour les inhibiteurs calcique, c'est l'amlodipine qui est principalement recommandée car c'est le seul avec une efficacité bien prouvée. (éventuellement verapamil et diltiazem)
- Pour les diurétiques, les thiazidiques-like (indapamide) seraient un peu plus efficace que l'hydrochlorothiazide mais il y a peu de comparaisons directes.
- en post ménopause avec risque de fracture: thiazidiques a préférer (et chez les autres aussi en fait, mais la SFHTA met enfin des noms de molécule!)
- en cas de migraines: bêta bloquants en 1ère intention, mais candesartan en 2ème (première fois que le candesartan apparait pour les migraines dans une reco française)
- si SOPK: spironolactone
- Tant que la TA n'est pas contrôlée: pas de compétition,
- Le temps que la TA soit contrôlée, on fait le bilan pour rechercher une atteinte d'organe cible et le retentissement (echo coeur, épreuve d'effort).
- Si tout est normal: compétition pour tous les sports
- Si atteinte d'organe cible (TOD sur la figure) ou comorbidité cardiologique (ACC sur la figure = coronaropathie, AOMI, AVC, insuffisance cardiaque, ACFA, rétinopathie sévère, insuffisance rénale): ok sports SAUF les sports de force (athlétisme, ski/snowboard/bobsleigh, sport de combat)
- NFS-plaquettes, EAL, glycémie à jeun, Na, K, calcémie, créatininémie, TSH, BU et ECG systématiquement,
- albuminémie/créatininurie , acide urique, échocardiographie de façon optionnelle
- pour des patients à risque cardiovasculaire élevé (score AHA >10%, ce qui correspondait à un SCORE européen > 5%) ou en prévention secondaire: traiter à partir de 130/80
- pour les patients à risque non élevé (AHA < 10%, donc SCORE < 5%): traiter à partir de 140/90.
2017: Ainsi, l'académie de médecine américaine a donné ses recommandations sur la prise en charge de l'HTA du patient de plus de 60 ans: objectif 150/90, sauf si le patient présente un haut risque cardiovasculaire ou s'il est en prévention secondaire (antécédent d'infarctus, d'AVC ou d'AIT) auquel cas il faut cibler 140/90. (Bien évidemment ces objectifs sont à discuter avec le patient selon le principe de la décision partagée)
- HTA sévère (>180/110)
- HTA résistante (sous trithérapie comprenant un thiazique: indapamide quelque soit la dose ou hydrochlorothiazide à 25mg)
- une hypokaliémie spontanée OU ASSOCIÉE à la prise d'un diurétique
- une HTA avec un incidentalome surrénalien
- une HTA avec un retentissement organique disproportionné par rapport au niveau d'HTA.
2014: Le congrès a également fait un point sur le recommandations actuelles de l'internatinal society of hypertension qui sont les recommandations internationales actuelles. J'avoue que je suis déçu des objectifs tensionels car ceux du JNC8 (recommandations américaines) me semblent plus adaptés aux données de la littérature en terme de pertinence clinique.
2/ Cibles tensionnelles
La pression artérielle est particulièrement variable selon les circonstances de mesures. Cette publication s'intéressant notamment à la taille du brassard, montre aussi les variations de PA liés aux autres circonstances de mesure :
On parle régulièrement des écarts aux bonnes façons de mesurer la pression artérielle. Ce nouvel article compare les différences de PAS entre la manière recommandée (bras posé sur une table) et les bras posés sur les genoux ou bras ballants. Ainsi, avoir les bras posés sur les genoux surestime de 4mmHg la PAS et la PAD, et avoir les bras ballants surestime la PAS de 6,5mmHg et la PAD de 4,5mmHg !
Quand traiter l’HTA? La revue prescrire avait déjà à de nombreuse reprise pris comme seul d’intervention médicamenteuse, une PAS supérieure à 160mmHg ou une PAD supérieure à 90-100mmHg (Seuil d'intervention médicamenteuse dans l'hypertension artérielle, Rev Prescrire 2014 ; 34 (366) : 278). Une méta analyse Cochrane va dans ce sens, ne retrouvant pas de différence entre traitement médicamenteux et pas de traitement pour ce qui est des infarctus, des AVC et de la mortalité toute cause à 5 ans. Les règles hygiéno-diététiques sont souvent un bon traitement initial.
Quand débuter un traitement de l'HTA? Selon La Revue Prescrire, la balance bénéfice risque du traitement médicamenteux était défavorable pour l'HTA de grade 1. Une méta analyse a étudié l'effet d'un traitement pour ce type d'hypertension chez des patients sans maladie cardio-vasculaire. L'étude retrouve une diminution de 25% de la mortalité cardio-vasculaire et de 22% de la mortalité totale (sans baisse significative des éléments suivants pris séparément: infarctus, insuffisance cardiaque et évènements cardio-vasculaires). Intéressant, mais, la majorité des patients de ces études étaient diabétique, ce qui diminue fortement son applicabilité aux patients qui n'ont pas de facteur de risque supplémentaire.
Le traitement de l'HTA chez le sujet de plus de 80 est peu étudié. Cette étude a surtout réanalysé les données de l'étude HYVET car c'est la seule étude contrôlée randomisée. Les auteurs disent qu'un bénéfice sur la mortalité et les évènements cardio vasculaire est présent, mais le critère principal de l'étude n'étant pas atteint (les AVC avec p= 0,06), il aurait fallu une étude dédiée portant sur la mortalité. Je crains qu'on doivent se contenter de ces résultats. D'autres avantages avaient été retrouvés sur la cognition notamment. En gros, il faut surtout adapter le traitement de façon individuelle en fonction du bénéfice attendu et des effets secondaire possibles selon chaque patient...
L'étude TRIUMPH a étudié un traitement conventionnel versus une trithérapie antihypertensive d'emblée à faible dose (telmisartan, on aurait pu trouver mieux.../amlodipine/chlorthalidone). Les auteurs montrent qu'à 6 mois, les patients sont mieux contrôles avec la trithérapie d'emblée et qu'il y a moins d'effets secondaires n'étaient pas majorés. Cependant, en seulement 6 mois, il n'est pas étonnant qu'une approche par pallier n'ai pas contrôlé la tension autant qu'une trithérapie d'emblée. D'autre part, les risques de l'HTA se développant après des années, il est peu probable qu'un contrôle obtenu à 6 mois ou à 9-12 mois soit bénéfique en terme d'évènement cardiovasculaire. Un design à 6 mois n'est pas pertinent pour évaluer des effets indésirables, dose dépendant certes, mais un traitement dans la durée pourrait faire apparaitre d'avantage d'effets indésirables, plus rares, mais lié au nombre de médicaments. Enfin, il n'est pas démontré que surtraiter les patients (parce que dans le lot des "trithérapies d'emblée", certains n'auraient probablement nécessité plus qu'une monothérapie) n'aient pas des effets indésirables évitables, ou que payer d'avantage de traitements chez "tous" les patients soit économiquement rentable par rapport au coût d'un évènement cardiovasculaire. A ce jour, je pense que cette stratégie peut être intéressante chez des patients dont on arrive à prédire une mauvaise observance ou pour des HTA sévères d'emblée, quitte à déprescrire au besoin si la tension est trop contrôlée.
Un article de Circulation a étudié l’évolution de la tension artérielle des patients de plus de 80 ans en fonction de la survenue du décès. Les auteurs retrouvent une baisse de la tension artérielle au cours des 2 dernières années de vie sans qu’une intensification de traitement anti-hypertenseur ait été remarquée. Cette étude ne permet pas de dire que « moins traiter » les patients avec une amélioration des mesures tensionnelles améliore la survie, mais au moins ça pourrait diminuer le fardeau des traitements, la cible tensionnelle après 80 ans étant de 150mmHg.
Je voudrais commencer par commenter l'étude FLAHS 2017, étude évaluant des patients hypertendus volontaires. Selon l'auteur de l'étude, il y aurait un recul désespérant car seulement 57% des patients hypertendus seraient contrôlés, que ce chiffre stagne depuis 2010, que la prescription de monothérapies augmente au dépend des bithérapies et des ARAII ("les courriers de l'Assurance Maladie destinés aux MG n'y sont probablement pas non plus étrangers" et donc à cause des MG) mais heureusement, les diurétiques diminuent. Reprenons: le chiffre de contrôle tensionnel stagne avec une baisse des bithérapie, c'est donc que des traitements étaient inutiles, si les monothérapies suffisent à avoir le même chiffre: moins de traitement, moins d'effets indésirables. Les ARA II n'ont pas démontré de bénéfice en terme de mortalité, contrairement aux IEC. Or la "ROSP", pour le coup, encourage la prescription préférentielle d'IEC par rapport aux ARAII, c'est donc plutôt une bonne chose pour les patients et pour la santé publique. Les diurétiques diminuent, c'est dommage je dirais... un traitement peu cher avec des preuves d'efficacité importantes, notamment en première intention; en tous cas, bien plus importantes que les bêta-bloquants qui restent recommandés (en France, parce qu'outre atlantique, ils les ont retiré) . Quand on regarde les chiffres en pourcentage de patients traités: 37% ont des ARAII et 35% ont un bêta-bloquant (ouille!!!), puis viennent les classes plus efficaces: IEC à 27%, diurétiques à 23% et inhibiteurs calciques à 30%. Enfin bon, je changerai peut être mon point de vue quand Bayer me payera 11 000€ d'hospitalité! Il est peut être regrettable que l'on n'a pas d'association recherchée entre la survenue d'évènements cardiovasculaires et les traitements/le contrôle et que l'on compare entre les années. Mais sinon, je suis quand même d'accord avec lui, on peut mieux faire sur le taux de patients bien contrôlé!
Le BMJ a publié un article sur l'hypotension orthostatique. Bien que les définitions varient un peu, globalement elle se définit comme une baisse de 20mmHg de PAS ou de 10mmHg de PAD dans les 3 minutes après s'être levé. (On en avait parlé ici, c'est à 1 min que c'est le plus important). Une dysautonomie (absence d'augmentation de la fréquence cardiaque d'au moins 15/min au à l'orthostatisme) est évocatrice d'une cause neurologique. Il faut penser à la rechercher devant tout malaise, ou symptôme survenant aux changements de position. On peut également la rechercher chez tout patient avec maladie de Parkinson ou diabète ou hypertendu de plus de 80 ans. Le bilan initial passe par la recherche d'une cause iatrogène avant tout. Ensuite, on peut compléter le bilan par une NFS, recherche de diabète, dosage de vitamine B12, et éventuellement ECG ou ETT si on suspecte un trouble du rythme ou une cardiopathie. Le traitement repose sur les règles hygiéno-diététiques (se lever doucement, boire abondamment, utiliser un moyen de compression veineuse, faire de l'exercice physique, éviter l'alcool et les bains chauds...). Chez les patients hypertendus, c'est plus à cause du nombre de médicaments plutôt que de la cible tensionnelle en elle même. (Enfin notons qu'il existe une HTA orthostatique, majoration de 20mmHg en se levant, qui est associée à un sur-risque cardiovasculaire, mais on ne sais pas ce qu'il faut en faire)
Les recommandations sur l’hypotension orthostatique proposent un dépistage à 3 minutes après s’être levé pour mettre en évidence la différence « diagnostique » de 20mmHg de systolique et 10mmHg de diastolique. Cependant, une étude du JAMA internal medicine retrouve que seule la mesure à 1 minute retrouvant l’hypotension est associé à une augmentation du risque de mortalité, de syncope, de fracture et de chutes. Mesurons donc à 1 minute et 3 minutes. Pour ceux qui ne sauraient pas (comme moi il y a quelques jours), il existe une alternative à la mesure couché/debout, qui est la mesure assis/debout pour laquelle, on considère qu’il y a une hypotension orthostatique pour une baisse de 15mmHg de systolique ou 7mmHg de diastolique.
L'hypotension orthostatique a été étudié pendant 15 ans en moyenne dans une étude de cohorte publiée dans PLOS Medicine. Les auteurs retrouvent une augmentation du risque de démence de l'ordre de 10-15% chez les patients présentant une hypotension orthostatique, notamment en cas de dysautonomie associée. L'hypothèse avancée est que la démence serait favorisée par les épisodes d'hypoperfusion cérébrale répétés. Il serait intéressant de voir si la stimulation cognitive chez les patients avec une hypotension orthostatique permet de réduire le risque de démence!
3/ Comparaison de traitements
- que les thiazidiques réduisent davantage les évènements cardiovasculaires et la mortalité que les IEC, ce qui tranche un peu avec la Cochrane qui disaient que c'étaient les 2 classes les plus efficaces de façon similaire (mais pas de différence entre thiazidiques et les sartans, étrange)
- les thiazidiques réduisent davantage la mortalité globale que les inhibiteurs calciques (qu'à donc fait le NICE, eux qui recommandaient bien les thiazidiques en 1ère intention auparavant!)
- que les inhibiteurs calciques bradycardisant sont moins efficaces que toutes les autres classes
- qu'il n'y a pas de différence significative pour les autres comparaisons de molécules.
L'article qui m'a le plus intéressé cette semaine concerne les IEC dans l'hypertension. Ceux qui me semblaient avoir le plus haut niveau de preuve me semblaient être l'enalapril et le ramipril, sans que je sache lequel préférer. Quand cette étude comparant la mortalité sous les différents IEC est intervenue! Le ramipril étant la référence, soit les IEC augmentent la mortalité (captopril, enalapril, fosinopril) , soit il n'y a pas de différence avec le ramipril (les autres). Mon choix est donc fait, mais j'y reviendrais certainement dans un billet futur.
La Cochrane a comparé les antihypertenseurs en prenant en référence les inhibiteurs calciques: les thiazidiques réduisent davantage les évènements cardiovasculaires et l'insuffisance cardiaque que les inhibiteurs calciques; les inhibiteurs calciques réduisent plus les évènements cardiovasculaires que les bêta-bloquants, plus les AVC que les IEC et plus les infarctus que les ARA2 mais augmentent le risque d'insuffisance cardiaque par rapport aux IEC et aux ARA2.
Une méta-analyse l'HTA et les évènements cardiovasculaires a été publiée dans le Lancet. On y retrouve, les diminutions significatives des AVC, infarctus, insuffisances cardiaques ainsi qu'une diminution de la mortalité de 13% pour chaque baisse de 10mmHg. Au niveau des traitements, les bêta-bloquants sont moins efficaces que les autres sur le risque d'AVC, d'infarctus et d'insuffisance rénale. Les diurétiques étaient supérieur sur l'insuffisance cardiaque et les inhibiteurs calciques inférieurs. La principale limite de cette méta-analyse réside dans l'hétérogénéité des populations qui était entre 30 et 40%.
Des auteurs ont réanalysé l'étude Ontarget, essai randomisant 15 000 patients évaluant telmisartan vs ramipril. Bien qu'il n'y ait pas de différence d'efficacité retrouvée sur le critère cardiovasculaire dans l'ensemble de l'étude, les auteurs ont fait une analyse par sous groupe ethnique. Les sujets noirs auraient un surrisque de mortalité cardiovasculaire avec ARAII par rapport aux IEC (NNH=93) et les sujets blancs un moindre risque cardiovasculaire avec les ARAII (NNT=115). On est sur une comparaison ramipril vs telmisartan dans 1 seule étude, cela demanderait à être confirmé d'autant que versus placebo, le telmisartan ne réduisait pas les évènements cardiovasculaires dans Transcend.
Au niveau des antihypertenseurs, une étude a étudié le risque de fracture de hanche sous différents traitements dans une étude de cohorte. Les diurtétiques thiazidique, hypocalciuriant et hypercalcémiant, sont associés à un risque de fracture diminué d'environ 20% par rapport à l'ensemble des autres traitements (amlodipine et lisinopril), notamment lors de la comparaison thiazidique vs lisinopril (ce n'est pas significative pour thiazidique vs amlodipine). Est ce que cela va changer beaucoup de chose à la pratique? Je ne sais pas encore...
Le diurétique thiazidique de référence est la chlorthalidone, mais elle peu disponible et peu utilisée dans la majeure partie des pays. C'est donc souvent de l'hydrochlorthiazide que les patients reçoivent. Cette étude randomisée a comparé l'efficacité de ces 2 molécules (HCTZ 25-50mg et CTLD 12.5-25mg). Après environ 2 ans et demi de suivi, les auteurs ne mettent pas en évidence de différence de contrôle tensionnel, ni de survenue d'évènements cardiovasculaires. Seules les hypokaliémies étaient plus fréquentes dans le groupe CTLD. Dans le sous groupe avec coronaropathie, la CTLD était plus efficace que l'HCTZ sur le contrôle tensionnel, à confirmer au cours d'une étude dédiée.
Les diurétiques thiazidiques sont les traitements de première intention dans l'HTA. Cependant, faut il préférer un thiazidique-like (type indapamide) ou l'hydrochlorothiazide. Une méta analyse (plus de 480 000 patients) publiée dans Hypertension retrouve une diminution significative des évènements cardio-vaculaires de 12% sous thiazidique-like et des insuffisance cardiaques de 21% par rapport aux thiazidiques et ce, sans augmentation significative des effets indésirables. J'avais en tête qu'il y avait plus d'hypokaliémies sous thiazidique-like, mais s'ils sont plus efficaces sans plus d'effets secondaires...
La principale étude a mon sens concerne la spironolactone dans l'HTA qui controlerait 60% des HTA résistantes. L'auteur conclu qu'il ne faudrait donc considérer les patients comme "résistants" qu'après l'échec de la spironolactone. Cependant, cela ne devrait pas dispenser du bilan d'HTA secondaire devant une HTA résistant a une trithérapie avec un diurétique thiazidique. Le protocole déterminait que les patients sous trithérapie reçoivent 25mg de spironolactone, abaissé a 12.5mg en cas de réponse ou augmenté à 50mg en cas d'échec. La tolérance était plutôt bonne, mais la Kaliémie est tout de même a surveiller ( ici.)
Un cardiologue, un généraliste et un endocrinologue ont publié une revue narrative sur les traitements de l'HTA dans le JAMA. Certaines interventions permettent une possible réduction des chiffres de PAS:
- Perte de 5 kg de poids (5mmHg)
- Réduction de 1g/j des apports en sel (3 mmHg)
- Augmentation des apports en potassium
- Régime méditerranéen (7mmHg)
- Activité physique (5mmHg)
- Arrêt de la consommation de 2 unités d'alcool par jour (5 mmHg)
4/ HTA secondaire ou sévère
- La prévalence est estimée entre 2% et 13% des patients hypertendus dans les études réalisées en soins de premiers recours. Il y aurait néanmoins un sous diagnostic important puisque la prévalence observée en milieu réel est inférieure à 0,5% des patients hypertendus.
- Les patients avec hyperaldo ont un sur-risque cardiovasculaire par rapport aux patients hypertendus sans hyperaldo. Il s'agit souvent de causes curables, et des études ont retrouvé que le risque d'évènements cardiovasculaires est plus faible chez les patients avec hyperaldo avec traitement chirurgical que chez les patients avec HTA essentielle.
- Il faut donc dépister les patients avec HTA (PAS>140 mmHg), HTA résistante (non contrôlée malgré 3 antiHTA dont un diurétique), incidentalome surrénalien, et HTA avec hypokaliémie (spontanée ou sous traitement).
- Les auteurs recommandent d'effectuer un calcul du rapport aldostérone/rénine.
- Là on ne va pas être d'accord: on ne peut doser le rapport aldostérone/rénine à tous les patients hypertendus dans la vraie vie. On mesure la kaliémie dans tous les bilans d'HTA, cependant il semblerait que peu de patients avec hyperaldo aient une hypokaliémie au final).
- Pour le test: Les diurétiques sont à arrêter pour 4 semaines (y compris les anti-aldostérone, apparemment ce n'est pas utile de faire un arrêt de 6 semaines s'il y en avait), et les ARAII, IEC, BB- ET inhibiteurs calciques dihydropyridine (non bradycardisants) sont à arrêter 2 semaines. Il reste donc des inhibiteurs calciques bradycardisants, les centraux (moxonidine, rilmenidine, methyldopa) et les alphabloquants (prazosine, doxasozine).
- Si le rapport est élevé, il est alors nécessaire d'adresser en centre spécialisé (avec un TDM surrénalien) pour discuter d'une prise en charge, généralement chirurgicale, mais fois par diurétique épargneur de potassium si adénome bilatéral, risque chirurgical important ou préférence d'un traitement médical.
Une étude s'est intéressée aux dyskaliémie chez les patients sous antihypertenseurs notamment avec des calciques, des ARAII et de l'hydrochlorothiazide. Ils retrouvent que le losartan est plus hyperkaliémiant que le valsartan, et que le risque d'hyperkaliémie des ARAII peut être compensé par l'HCTZ 12.5mg. Cependant, associer un ARAII avec 25mg d'HCTZ, est à risque d'hypokaliémie.
Ainsi, une étude du BMJ a mis en évidence à partir de SPRINT l'effet de l'ajout d'une nouvelle molécule à un traitement anti-hypertenseur améliorerait le bénéfice cardiovasculaire, avec une amélioration de 0,6% du risque absolue par classe d'antihypertenseur introduite, et ce sans augmentation significative des effets indésirables (même lors des quadrithérapies!) Le modèle utilisé est complexe, et prend en compte les particularités des patients. Ainsi un patient sous bithérapie avec une tension à 120mmHg n'a pas le même poids que celui sous pentathérapie à 135mmHg. Donc je pense que l'idée, n'est pas forcément de mettre une quadrithérapie à tout le monde, mais plutôt de ne pas rechigner de trop à aller vers la quadrithérapie si la tension n'est pas contrôlée.
5/ Autres articles
Un essai randomisé s'est intéressé à l'autosurveillance et à l'auto-titration des antihypertenseurs par les patients. Environ 300 patients ont été randomisés en "auto-titration" vs soins courants. A 2 ans, les patients du groupe auto-titration avec une tension significativement inférieure de -3,4mmHg de PAS et -2,5mmHg de PAD, sans augmentation des effets indésirables ou dégradation de qualité de vie.
D'après cet article du BJGP, les automesures (AMT) sont une bonne alternative à la MAPA en médecine générale. Ses principaux inconvénients sont le coût personnel de l'appareil, les mesures qui doivent correctement être rapportées par le patient, l'adhésion du patient, une précision un peu moindre que la MAPA, na nécessité de recalibrer l'appareil (notamment tous les 5 ans). L'objectif est de 135/85mmHg (145/85 est acceptable chez les plus de 80 ans). Au-delà de 170/115mmHg, un contact médical rapide est souhaitable. Enfin, si le médecin ne peut demander de les avoir qu'une fois par an, il est conseillé au patient de les réaliser un peu plus fréquemment (à adapter au patient.)
Cet article du BJGP refait le point sur les mesures de pression artérielle en médecine générale. Pas de grandes nouveautés, mais quelques points intéressants. Le fait de prendre la PAS à un seul bras et non aux deux en choisissant la mesure la plus élevée peut conduire à un sous diagnostic de 12% des patients hypertendus. En cas d'obésité utiliser un brassard trop petit pour le bras du patient surestime la pression artérielle. Si besoin d'un brassard extra-large (bras >45cm), le large (bras 35-44cm) augmente la PAS de 10 mmHg et le standard (27-34cm) de 20mmHg environ) et un brassard trop grand la sous estime. En cas de FA, il est recommandé de préférer une mesure manuelle qu'électronique.
Le BMJ revient sur l'HTA juvénile, définie comme une HTA découverte avant 40 ans. Les recommandations sont notamment de dépister une HTA secondaire. Les auteurs de cet article recommandent le bilan classique de découverte d'HTA ainsi qu'une TSH et une recherche des pouls radiaux et fémoraux pour vérifier l'absence de coarctation de l'aorte. Une échographie rénale et un doppler des artères rénales sont indiqués car les anomalies du parenchyme rénal et les dysplasies fibromusculaires font partie des principales causes d'HTA à cet âge. Parmi les autres examens complémentaires requis dans la recherche d'HTA secondaires, il semblerait que la mesure des catécholamines urinaires sur 24h ne soit pas pertinente en l'absence de symptômes évocateurs de phéochromocytome ou antécédents familiaux. De même, une mesure isolée du cortisol n'est pas informative, une mesure salivaire à minuit ou un freinage minute est à préférer.Il y a cette étude dont parle le JAMA qui retrouve que les étudiants en médecins ne savent pas bien prendre la tension artérielle. Dans cette étude, seule 1 étudiant sur 159 a effectué correctement les 11 items recherché. La moitié des étudiants savaient néanmoins, bien: prendre un brassard adapté, le placer correctement, soutenir le bras, demander de ne pas parler, et décroiser les jambes du patient. Les autres critères, pour info: faire patiente au repos le patient pendant 5 minutes, vérifier que les pieds du patients soient à plat au sol, demander au patient de ne pas utiliser son téléphone portable ou de ne pas lire, vérifier au 2 bras, noter le bras avec la tension la plus élever et expliquer à quel bras la tension devrait être mesurée ultérieurement. C'est intéressant, mais considérant l'intérêt des mesures en cabinet, il faudrait mieux voir si les étudiants savent expliquer les automesures. Mais d'une part, cela prend du temps de consultation d'expliquer les 11 points au patient; et d'autre part (et surtout), un patient retenant moins de 50% des informations données en consultation (ou quelque chose comme ça), ne faudrait-il pas se concentrer sur 3-4 consignes importantes plutôt qu'une liste aussi longue...
Une étude intéressante est proposée par Plos medicine. C'est une méta-analyse sur données individuelles évaluant les automesures tensionnelles (versus pas d'automesures), retrouvant (assez logiquement) que faire des automesures ne suffit pas a avoir une meilleure pression artérielle au cabinet. Cependant, lorsque les automesures étaient associées à un support médical, des conseils, un accompagnement à la mise en place de règles hygiéno-diététiques la tension était améliorée dans le groupe effectuant des automesures. Les automesures semblent être un plus dans la prise en charge mais doivent être utilisées comme un outil d'éducation thérapeutique du patient parmi l'ensemble des choses nécessaires pour se révéler efficaces.
J'avais déjà parlé des conditions de mesures de tension artérielle. Une nouvelle étude a comparé MAPA (hoter tensionnel sur 24 h) et mesures de tension au cabinet. En prenant comme référence des MAPA avec une valeur seuil de 130/80 sur 24h ( par ailleurs, on considère comme TA limite: 135/85 sur la période diurne et 120/70 sur la période nocturne ) et 140/90 en mesure au cabinet, les auteurs retrouvent que les mesure au cabinet ont une sensibilité de 82% et une spécificité de 41%. Cela signifie que 80% des patients hypertendus auront une TA élevé au cabinet, mais aussi que près de 60% des patients non hypertendus auront une tension élevée au cabinet!
Le BJGP revient sur la question des auto-mesures tensionnelles par MAPA qui seraient plus pertinentes que les AMT. Dans cette étude de cohorte ambulatoire, 10% des patients étaient "reverse deeper", c'est à dire avec une PA nocturne supérieure à la PA diurne. Les auteurs déclarent donc qu'il y a un risque d'HTA masquée qui ne serait pas diagnostiquée en l'absence de MAPA. Mais si on regarde les graphiques moyens, même chez les non-deeper et reverse deeper, les moyennes sur 24h étaient normales. Il est probablement judicieux de ne chercher les HTA masquées que lorsqu'on les suspecte, comme le recommande la SF de cardio (AMT et si suspicion MAPA, alors que l'ESC dit MAPA ou à défaut AMT)
L'hypothèse la plus répandue est que les tensions systoliques en cabinet sont plus élevées qu'en ambulatoire. Une étude de Circulation a retrouvé le contraire! En effet, chez des patients non hypertendus et sans pathologie cardiovasculaire, les auteurs ont retrouvé des moyennes tensionnels en cabinet de 116/75 contre 123/77 en ambulatoire. Cependant, chez les plus de 65 ans ou en cas d'IMC >32,5, les tensions au cabinet étaient supérieures aux tensions ambulatoires. Les auteurs ont donc retrouvé 15% d'HTA masquée. Le gros, très gros biais de cette étude, c'est que les tensions au cabinet étaient mesurée de façon manuelle, alors que les mesures ambulatoires étaient faites de façon automatisées. Or, le technicien a tendance à sous évaluer la tension artérielle (ou comment une fois de plus faire dire tout et n'importe quoi à une étude). Conclusion de toutes façons (et ce n'est pas neuf), pour ne pas sous estimer l'HTA masquée ni l'HTA blouse blanche: faire des mesures ambulatoires!
Le BJGP a publié un article sur la différence de pression artérielle entre les deux bras (inter-arm difference, ou IAD). Les patients d'une étude de cohorte avec une IAD systolique de plus de 5mmHg avaient un risque de mortalité cardiovasculaire augmenté de 91% et de mortalité globale augmenté de 44% après 8 ans de suivi en moyenne. De plus, ce risque était presque doublé si les patients étaient en plus hypertendus. Étrangement, une IAD de plus de 15mmHg n'était associée à rien, probablement par manque de puissance. Avant de se lancer dans une mesure massive de la pression artérielle aux deux bras des patients, il faut quand même noter que 60% des patients de l'étude avaient une IAD de plus de 5mmHg.
A l'heure du 2.0, toutes les nouveautés ne sont pas bonnes à prendre. Une étude du JAMA Internal Medicine retrouve que la tension artérielle mesurée par un' application sur smartphone était imprécise et pouvait conduire à une sous-estimation des valeurs réelles, avec des écarts supérieurs à 10mmHg en moyenne pour la PAS et la PAD. Donc, à ce jour, pour mesurer la tension, les tensiomètres automatiques classiques restent les plus fiables pour les patients.
Que se passe-t-il quand un traitement anti-hypertenseur est intensifié au cours d'une hospitalisation pour motif non cardiologique ? D'après les 4000 patients de plus de 65 ans de cette étude rétrospective, ceux ayant eu une intensification n'avait pas moins d'évènements cardiovasculaires à 1 an, par contre ils avaient plus fréquemment des effets secondaires graves (NNH= 63) et étaient plus fréquemment ré-hospitalisés dans les 30 jours (NNH=27). La réévaluation rapide au retour d'hospitalisation semble indispensable (on en avait parlé ici).
On
avait parlé des risques de l'HTA blouse blanche pouvant être de réelles
HTA avec atteinte d'organe et nécessitant un traitement (ici). Dans cette étude ayant
suivi un échantillon représentatif de la population italienne pendant
près de 30 ans, 1400 patients ont été suivis. Que ce soit en présence ou
en absence d'atteinte d'organe, les patients avec HTA blouse blanche
avaient un risque d'évènements cardiovasculaires mortels ou de mortalité
globale plus faible que les patients avec HTA, mais plus élevé que ceux
sans HTA. Actuellement, les recos sont pour traiter les patients avec
HTA blouse blanche et atteinte d'organe cible mais on ne sait pas s'il y
aurait un bénéfice à traiter les patients sans atteinte d'organe. (WHC:
hypertension blouse blanche, NT: normotendu, SH: sujet hypertendu)
Au chapitre cardiovasculaire, la diminution de la consommation de sel diminue l'HTA et les évènements cardio-vasculaires! Dans cette étude, les auteurs disent que la consommation moyenne de sel par les américains est de 3,4g par jour.... Ça me semble vraiment peu sachant qu'en France elle est de 6,5g/jour pour les femmes et 8g/jour pour les femmes... Alors, à moins de compter les grammes de sel différemment je ne vois pas trop comment ils arrivent à leur compte, sauf s'ils comptent en fait uniquement le sel ajouté dans l'assiette et pas le sel déjà compte tenu dans les aliments comme le pain, la charcuterie et...) Bref, je suis cependant tout à fait d'accord avec la conclusion.
Au niveau cardio-vasculaire, les probiotiques sont une nouvelle fois sous le feu des projecteurs! Et là, c'est dans l'hypertension artérielle. Ils pourraient baisser significativement la tension artérielle, de 3,5mmHg en moyenne. Il reste à déterminer si cette différence est cliniquement pertinente et permet de diminuer la morb-mortalité... Cet article ne le dit pas. Toujours dans le même domaine, un autre article: l'HTA pourrait être baissée grâce à la consommation de thé, significativement, mais de moins de 2mmHg...
Toujours plébiscitée dans les dernières recos, voici une revue systématique sur la dénervation rénale. Les auteurs retrouvent une efficacité sur les mesures sur 24h de -4.4mmHg de PAS et -2.5 mmHg de PAD (si on regarde les mesures au cabinet : -6.6mmHg de PAS et -3.5mmHg de PAD). Ils ne retrouvent pas de signaux d'un risque lié au traitement. Cependant, on voit quand même qu'il n'y a pas de modification du risque de mortalité, du risque d'AVC ou de crise hypertensive avec ou sans traitement.... Donc pas certain de la pertinence du bénéfice clinique de ces -4.4mmHg vu les risques potentiels procéduraux.
Après la désillusion de la dénervation rénale dans l'HTA résistante, les spécialistes tentent de traiter l'HTA en créant une anastomose artério-veineuse iliaque. D'après l'étude, ça fait magnifiquement baisser la tension à 6 mois, mais ça entraine également 29% de sténose veineuse ipsilatérale. Balance bénéfice-risque, vous disiez?
Fini les conseils médicaux chez le médecin! Le coiffeur (dont le prix de la coupe de cheveux est supérieur au prix d'une consultation) semble être un bien meilleur endroit pour dispenser des conseils médicaux d'après une étude du NEJM. En effet, une information des patients sur l'HTA chez le coiffeur par des professionnels de santé a permis un meilleur contrôle tensionnel des patients! Si un thésard veut s'emparer du sujet en France, on peut faire la même étude au MacDo ou voir si une info santé modifie les menus pris par les clients (vu qu'ils ont un stand au CMGF, ça pourrait les intéresser!)
Cette étude qualitative britannique a interrogé les médecins généralistes sur leur prise dans décision dans la prescription d'antihypertenseurs chez les personnes de plus de 80 ans multimorbides. L’absence de recommandation claire chez cette population est un vrai obstacle à la déprescription favorisant une attitude d’attente d’un évènement déclencheur, comme une chute ou une interaction médicamenteuse, pour intervenir. Les médecins pouvaient se sentir en difficulté face à la prescription du spécialiste ou les prescriptions « à vie », arguments d’autorité pour certains patients, ou encore face à des objectifs tensionnels pas toujours atteints. L’expérience des médecins permettait de s’éloigner des recommandations et d’avoir la relation de confiance nécessaire à la discussion.
Une étude qualitative a interrogé des médecins généralistes sur leur vision des mesures tensionnelles et du risque cardiovasculaire global. Bien qu'ils aient peu confiance dans les mesures au cabinet, ils considéraient qu'elles étaient importantes pour évaluer le risque cardiovasculaire des patients. Cependant, ils considéraient que c'était le principal déterminant du risque cardiovasculaire, et la prise en compte des autres facteurs de risque dans l'évaluation du risque global était limitée. Ils déclaraient, à juste titre probablement, que l'introduction d'un traitement pour la tension et le cholestérol était à prendre en compte selon une approche centrée-patient, bien que chaque facteur de risque semble être pris indépendamment. Il semble donc important d'essayer de développer cette notion de risque global à introduire dans la discussion avec le patient plutôt qu'une approche par facteur de risque.
Dyslipidémie
Aller directement à : 1/ Recommandations, 2/ Dépistage et suivi, 3/ Objectifs thérapeutiques, 4/ Statines, 5/ Anti-PCSK-9, 6/ Autres traitements,
1/ Recommandations
2023: Alors que nous sommes toujours dans l'attente des recos HAS concernant les dyslipidémies, des recos canadiennes a destination des généralistes ont été publiées (merci Rémy), et repose sur une méthode GRADE (et sur cette revue systématique). On peut donc y lire :
- le bilan est recommandé à 40 ans chez les hommes et 50 chez les femmes, tous le 5 à 10 ans, et il n'est pas recommandé de le compléter par un score calcique ou un dosage de LpA ou ApoB (contrairement aux préconisations des recos de cardio)
- En se basant sur le risque Framingham à 10 ans,
une statine d'intensité élevée est indiquée si > 20% ou prévention
secondaire, une statine d'intensité modérée est indiquée si risque >
10%, et aucun autre traitement que des statines n'est recommandé en
prévention primaire
- Les auteurs ne recommandent pas de cibles thérapeutiques de LDL.
- A 75 ans, il n'est pas généralement pas recommandé d'initier un traitement, mais un traitement peut être poursuivi et il n'est pas recommandé d'arrêter un traitement "juste" à cause de l'âge.
En prévention primaire, ils recommandent d'utiliser une statine à dose modérée en l'absence de preuve d'intérêt d'une statine forte dose, si le risque est > 12% ou LDL >1,9g/L (et à discuter avec le patient à partir de 6%).
En
prévention secondaire, ils recommandent l'utilisation de statines à
dose modérée et de proposer une statine forte dose selon la tolérance et
les préférences du patient. L'ezetimibe peut également être ajouté pour
diminuer les évènements cardiovasculaires et non la mortalité, après
discussion avec le patient. Les anti-PCSK9 peuvent de la même façon être
proposé en plus de la statine et de l'ezetimibe.
En cas de mauvaise tolérance des statines, on peut changer de statine ou proposer une posologie non quotidienne (1 jour sur 2 par exemple). Les auteurs sont contre l'utilisation de niacine, fibrates, oméga 3 en complément des statines, mais pour l'activité physique et le régime méditerranéen.
- risque faible : LDL < 1,16g/L : il faut donc traiter quasiment tout le monde (puisque même les moins de 50 ans ont rarement un LDL à ce niveau. Notons que le traitement d'emblée n'est recommandé que si le LDL initial est > 1,9g/L , sinon, on peut tenter les RHD qui ne suffiront pas.
- risque modéré : LDL< 1g/L : là, on est bon pour traiter tous les hommes de plus de 50 ans
- risque élevé : LDL < 0,7g/L : ça implique une statine forte dose (seul l’atorva a une efficacité démontrée en prévention primaire) et probablement l’ajout d’ezetimibe dont le bénéfice n’est pas démontré pour cette indication.
- risque très élevé : LDL < 0,55g/L : c’est la prévention secondaire : statine forte dose + ezetimibe d’emblée et même avec ça, c’est inaccessible car ce sont les résultats sous anti PCSK-9 (dont j'avais parlé ici) qui ne sont pas disponibles en France. Et s'il y a une récidive sous traitement l'objectif est abaissé à 0,40g/L!!!!!!
- Les américains considèrent désormais les antécédents cardiovasculaires non à très haut risque et ceux à très haut risque (c'est à dire avec 2 évènements majeurs ou 1 évènements majeur et 2 conditions associées, cf tableau): l'intérêt est de dire que si le LDL n'est pas inférieur à 0,7g/L chez ceux à très haut risque, il y a une indication aux anti-PCSK-9. Sinon, il est recommandé un traitement maximal toléré par statine de forte dose, avec ajout éventuel d'ezetimibe chez les moins de 75 ans (au delà de 75 ans: pas de cible).
- Si le LDL est > 1,90g/L, il y a une indication de traitement, par statine forte dose dans l'idée d'une hypercholestérolémie familiale. Le Score de Dutch n'est pas calculé, mais peut l'être avant 40 ans pour discuter d'un traitement en cas d'antécédent familiaux d'accident cardiovasculaire précoces.
- Sinon, la grande nouveauté est cette phase de "Risk discussion with the 10-year risk score". En gros, il est vraiment dit qu'il faut voir avec le patient s'il souhaite un traitement qui peut être proposé à partir d'un risque >7,5%, avec une statine modérée ou une statine forte en cas de risque > 20%.
- La 2ème nouveauté concerne les patients avec un risque entre 7,5% et 20% qui seraient indécis. Alors que l'USPSTF vient de dire que le score calcique (CAC) n'avait pas fait ses preuve chez les patients asymptomatiques, la société savante de cardiologie propose de l'utiliser pour faire pencher la balance décisionnelle: CAC égal 0 => pas de traitement, CAC entre 1 et 99 => statine si âge > 55 ans, et si CAC >100 => statine. (on voit quand même les différence d'avis entre les sociétés savantes...) Les autres critères, cliniques pouvant faire pencher la balance pour un traitement dès 7,5% de risque sont les antécédents familiaux précoces, le syndrome métabolique, une insuffisance rénale chronique, une pathologie inflammatoire comme le VIH, les connectivites..., l'antécédent de prééclampsie et les origines comme l'Asie du sud est)
- Il est acceptable d'initier un traitement selon les modalités précédentes (sauf si le LDL est < 0,7g/L) et il est également acceptable d'arrêter le traitement en cas de fragilité, multimorbidité et espérance de vie réduite. (je passe sur le score calcique qui peut être utiliser pour limiter les traitements s'il est égal à 0, car je doute de voir un patient avec un CAC à 0 après 75 ans...)
- Il est recommandé de ne traiter que par règles hygiénodiététiques! Sauf en cas de risque cardiovasculaire >7,5% où un traitement par statine peut être entrepris. Si l'hypertriglycéridémie persiste en étant supérieure à 10g/L, un traitement par fibrate peut être entrepris à la place ou en plus d'une statine (dans ce cas: fenofibrate)
2017: Le CNGE a fait un communiqué de presse à propos des dernières recommandations HAS du traitement des dyslipidémies. Bien que l'utilisation du calcul du risque cardiovasculaire soit un point positif de ces recommandations, la présente de cibles de LDL est plus critiquable. Tout ça pour dire qu'il faut vraiment que je prenne le temps de rédiger ce billet sur les dyslipidémies...
2016: Pour commencer, l'ESC a publié des nouvelles recommandations de prise en charge des dyslipidémies. Je me suis donc réjouis à l'idée de les lire, et j'ai quand même déchanté. En effet, alors que les recos américaines se montraient plutôt en faveur d'une baisse relative du LDL de 30-50% selon le risque cardiovasculaire, l'ESC revient à des objectifs de LDL. Il faudrait cibler un LDL < 0,7g/L en cas de très haut risque (prévention secondaire, insuffisance rénale sévère, diabète+atteinte d'organe ou diabète + HTA ou tabac ou dyslipidémie, risque cardiaque à 10 ans >10% d'après SCORE) (Je ne reviendrais pas sur "SCORE" qui reste le seul score cardiovasculaire validé en population française et dont l'utilisation est préconisée par le CNGE faute de mieux, même si d'autres calculateurs comme le QRISK sont peut être plus adaptés). Pour les patients à haut risque (score entre 5 et 10%, diabète non compliqué, insuffisance rénale modérée, HTA sévère et hypercholestérolémie sévère), la cible de LDL est de 1g/L. Comment atteindre ces objectifs: avec des statines! La molécule préférentielle n'est pas désignée, mais un tableau rappelle que seul la rosuvastatine 20 et l'atorvastatine 40 et 80 permettent une diminution de plus de 50% du LDL. En cas d'échec de monothérapie quelque soit le risque, l'ajout de l'ezetimibe (qui n'a pas démontré de bénéfice en dehors de la bithérapie avec la simvastatine en prévention secondaire d'un infarctus) est proposé. Les fibrates ne sont même pas mentionnés en cas d'intolérance à une statine: ezetimibe et colestriamine sont à préférer. Par ailleurs bien que le gemfibrozil soit le seul a avoir prouvé un faible bénéfice d'après ces recommandations, c'est le fenofibrate qui est recommandé (du coup, je comprend pas trop leur raisonnement) dans les hypertriglycéridémies supérieures à 2g en échec d'un traitement par statine (qui est à mettre en 1ere ligne) ou en cas d'intolérance aux statines.Une partie de la réponse réside probablement dans le faite que le gemfibrozil ne doit pas être associé à une statine car les effets indésirables musculaires sont accrus par rapport à une autre association association statine + fibrate (mais ça n'explique pas pourquoi le fenofibrate est préféré en cas de monothérapie). Cette partie sur les hypertriglycéridémies est peu claire malgré la biblio présente dans l'article car les récentes publications ne sont pas en faveur d'une balance bénéfice risque positive pour un traitement en dehors des hypertriglycéridémies >4g/L et ce, essentiellement à cause du risque pancréatique plus que pour le risque cardiovasculaire. Enfin, concernant les sujet très âgés, le traitement de la dyslipidémie doit être poursuivi en prévention secondaire et à discuter si HTA+diabète+tabac+dyslipidémie en prévention primaire (bien qu'aucune étude n'ait clairement prouvé un bénéfice chez les sujets très âgés)
- LDL < 1,9g/L: si le risque cardiovasculaire (calculé avec SCORE) < 1% ou 0-1facteur de risque (hors diabète)
- LDL < 1,3g/L: si risque cardiovasculaire entre 1% et 5% ou 2 facteurs de risque ou diabète
- LDL < 1g/L: si risque cardiovasculaire > 5% ou 3 facteurs de risque
- LDL < 0,7g/L: si diabète avec microangiopathie ou diabète et 2 autres facteurs de risque ou prévention secondaire.
2/ Dépistage et suivi
- antécédent familial de coronaropathie associé à un LDL > 1,9g/L ou triglycérides >4g/L
- antécédent familial de LDL> 1,9 et patient avec LDL >1,9g/L
- cholestérol total >3,5g/L en l'absence d'antécédent familial
- triglycérides > 8g/L en l'absence de cause alcoolique ou de diabète non contrôlé.
Un article du JAMA cardiology s'est
intéressé au pourcentage de patients avec indication aux statines en
prévention primaire d'après les recommandations ESC 2021 par rapport aux
autres recos (américaines, britanniques et ESC antérieures). Les
auteurs retrouvent que les recos ESC 2021 recommandent un traitement
chez 4% des patients, contre 20% pour les recos ESC basées sur le SCORE
1, et environ 30% pour les recos américaines et britanniques. Ce qu'il
faut regardé, c'est donc qui est considéré comme ayant une indication
d'après l'ESC 2021: ce sont uniquement les catégories "très haut risque"
(mais en fait c'est "juste" du haut risque, en rouge dans les tableaux)
à savoir risque > 7.5% avant 50 ans, > 10% après 50 ans (= recos
de classe I) et les patients à "haut risque" (mais en fait c'est le
risque "intermédiaire, en orange dans les tableaux) ayant également une
AOMI, une faible niveau socio économique, un périmètre abdominal >
94cm chez les femmes ou 102 cm chez les hommes, ou un antécédent
familial significatif de maladie cardiovasculaire (recos de classe
II). C'est sur cette dernière catégorie que se fait la différence car
ils n'ont pas considéré tous les patients à risque intermédiaire qui
ont, d'après la reco, une indication à une statine si leur LDL est
>1g/L (donc presque tous en fait). Ils justifient ce choix car leur
sélection s'est basée uniquement sur les recommandations de classe I et
II. C'est un choix probablement judicieux (mais on aurait pu limiter aux
recos de classe I). Cependant leur conclusion est la suivante: "les
recos ont réduit l'utilisation de statines, il est nécessaire d'abaisser
les seuils de traitement dans les prochaines recos pour augmenter
l'utilisation de statines en prévention primaire". Compte tenu du
nombre des lignes de conflits d'intérêt des auteurs, et du fait que les
indications de statines décrites sont celles qui ont démontré un
bénéfice, il est probable que ces recos soient en fait plutôt bonnes
pour sélectionner les patients à traiter. (PS: les auteurs ont aussi
artificiellement augmenter les indications selon les recos américaines
en donnant une indication aux patients avec un score ASCVD >7,5% pour
lesquelles le choix n'est pas tranché, au lieu de ceux à haut risque
avec un score ASCVD à 20%)
3/ Objectifs thérapeutiques
Les recommandations de cardiologie visent un contrôle du LDLc toujours plus bas alors que c'est une approche non démontrée, notamment en prévention primaire comme le rappelait le CNGE. Nous avions discuté des quelques études retrouvant un bénéfice à un traitement intensif hypolipémiant en prévention secondaire bien que les résultats ne soient pas concluants en essai randomisé (ici). Cet article du Jama Internal Medicine revoit une fois encore l'efficacité des statines en prévention primaire et secondaire. Les auteurs ont comparé les réductions absolues de risque avec les réductions relatives. Elles sont respectivement, pour la mortalité globale de 0,8% et 9%, pour les infarctus de 1,3% et 29% et pour les AVC de 0,4% et 14%, soient des réductions absolues que les auteurs qualifient de modestes. Les auteurs retrouvent en prévention primaire: une réduction relative du risque de 13% et une réduction absolue du risque de 0,6%. En prévention secondaires la RRR est de 14% et la RAR 0,9%. Ils ont aussi regardé si la baisse du LDL-cholestérol était associée à la réduction de ces 3 critères de jugement: les résultats sont non concluants ou non cohérents. S'il y avait un lien direct entre la baisse du LDL et le risque d'évènements cardiovasculaires, cette baisse expliquerait moins de 14% de l'effet, et concernerait plutôt le risque d'AVC que les autres critères de jugement. On peut regretter qu'il n'y ait pas d'analyses du lien entre LDL et évènements cardiovasculaires en fonction de la prévention primaire ou secondaire (mais s'ils ne l'ont pas présenté, c'est probablement que ça n'apportait rien par rapport à l'analyse conjointe).
Le BMJ a publié une synthèse sur la prise en charge des hypertriglycéridémies (les recos ESC sur le sujet sont ici et les américaines là). Pour commencer la définition n'est pas très claire puisque la norme admise est < 1,5g/L (début de l'augmentation du risque cardiovasculaire lié à l'hypertriglycéridémie) mais qu'aux é États Unis l'hypertriglycéridémie sévère est généralement > 5,0g/L (début de l'augmentation du risque de pancréatite) alors qu'en Europe c'est plutôt > 10g/L car le risque de pancréatite est faible avant ce seuil. Les auteurs ne recommandent de faire le prélèvement à jeun QUE si un prélèvement non à jeun est > 4,0 g/L. L'hypertriglycéridémie familiale (5%-10% de la population) a des triglycérides < 10g/L, une apoB normale et un cholestérol total normal: cette pathologie n'augmente pas le risque de pancréatite ni d'évènement cardiovasculaire en l'absence d'autres facteurs de risque.
Concernant la prise en charge thérapeutique, elle comprend:
- Les règles diététiques alimentaires et l'activité physique pour permettre également une perte pondérale
- le sevrage alcoolique
- l'arrêt des médicaments impliqués : thiazidiques, oestrogènes, bêta bloquants, neuroleptiques, corticoïdes, tamoxifène pour les principaux.
- Voici leurs propositions pour les traitements pharmacologiques: (notons que ce sont les seuls à proposer un fibrate en 1ère intention si trigly élevés et non une statine. Pour le coup, je préfère la statine qui baisse moins le taux mais qui a plus de bénéfices cliniques démontrés)
4/ Statines
Le Lancet a
publié une étude de coût-efficacité des statines d'intensité forte et
modérée. Elle retrouve globalement, que les statines sont coût efficace
chez tous les patients, même à risque faible (selon le QRISK3 en
catégories faible < 5%, intermédiaire 5-10%, élevé >10%), sauf en
cas de risque faible après 60 ans. De plus, à partir de 50 ans, les
statines d'intensité élevée seraient plus coût efficaces que les
statines d'intensité modérées. Ces résultats sont logiques compte tenu
du fait que les auteurs sont partis des études de la Cholesterol
Treatment Trialists’ Collaboration qui avait publié une méta-analyse
montrant le bénéfice sur les évènements cardiovasculaire de chaque
baisse de 1mmol/L de LDL. Cependant, ce postulat sur méta-analyse est
débattu, compte tenu de l'efficacité de la simvastatine et de la
pravastatine en prévention primaire sur la mortalité des patients. C'est
pourquoi les recommandations canadiennes ne
recommandaient pas de statines forte dose en prévention primaire dans
la majorité des cas (mais seulement des statines d'intensité modérées).
- bénéfice des statines sur les évènements cardiovasculaires en prévention primaire avant 70 ans avec NNT= 334
- bénéfice des statines sur les évènements cardiovasculaires en prévention secondaire quelque soit l'âge avec NNT= 100
- bénéfice des statines sur la mortalité avant 70 ans avec un NNT= 1000
Une étude du NEJM a utilisé une méthode de "N of 1 trial", c'est à dire que chaque patient est une étude à lui tout seul. Ainsi, des patients connus pour ne pas avoir toléré une statine ont reçu de façon randomisée et en aveugle des flacons: de placebo ou de statines ou vides. Les auteurs retrouvent que 90% symptômes survenant sous statines survenaient aussi sous placebo! Au final, 50% des patients ont recommencé une statine après l'étude.
On en avait déjà parlé ici et là, mais la relation entre symptômes sous statines et statines est plus que douteuse. Une méta-analyse sur données individuelles incluant près de 100 000 patients. Les auteurs retrouvent que dans la 1ère année de traitement, la statine augmentait le risque de myalgies et faiblesse musculaire chez 11 patients pour 1000, soit 1 patient avec douleur liée aux statines pour 15 patient se plaignant de douleurs qui n'y sont en fait pas liées. Après cette première année, il n'y avait plus d'augmentation significative du risque de myalgies sous statines. Notons enfin que sur l'ensemble des années, les statines à fortes doses (atorva 40-80 et rosuva 10-20) étaient plus pourvoyeuses de myalgies que les statines à plus faible doses.
Faut-il traiter toutes les dyslipidémies? Une étude a évalué le bénéfice de la pravastatine 40mg (qui a démontré un bénéfice en prévention primaire chez les patients à haut risque) chez des patients de plus de 65 ans hypertendus avec une dyslipidémie modérée. Après 6 ans, il n'y avait pas de bénéfice en terme de mortalité et même un sur-risque non significatif de mortalité chez les plus de 75 ans.
Une ré-analyse de l'étude SPRINT a comparé les patients sous statines et ceux sans statines en prévention primaire. Ainsi, les auteurs ont retrouvé qu'il n'y avait pas de différence en terme de survenue d'évènements cardiovasculaire chez les patients de plus de 65-70 ans sous statine en prévention primaire (p= 0,13) ce qui correspondait à un allongement non significatif de la durée moyenne sans évènements de 85 jours (669 jours sans statine vs 736 jours avec ). Encore une étude qui permet de douter du bénéfices des statines après 70 ans! (Mais pour mémoire, SPRINT ne randomisait pas de statine, seulement des objectifs d'antihypertenseurs).
Quel est l'observance des patients traités par statine forte dose dans les suites d'un infarctus? Une étude rétrospective a retrouvé qu'à 2 ans, moins de 42% des patients prenaient encore de façon régulière (>80% des prises) la statine forte dose qui leur avait été prescrite. Ils étaient ensuite 13% a avoir une statine faible ou moyenne dose à la place et à la prendre régulièrement, 19% à prendre leur traitement irrégulièrement et 19% à l'avoir totalement interrompu. Les auteurs concluent qu'il faut des mesures pour augmenter l'observance des statines fortes doses au lieu de se demander pourquoi est-ce qu'elles étaient aussi mal prises... Bref, les études versus la vrai vie...
Une revue narrative présentée dans le Lancet a traité des association de médicaments à dose fixe dans le domaine cardiovasculaire. On en a plus beaucoup en France, et l'association amlodipine/atorvastatine et la seule que je connaisse. Dans l'article, l'utilisation des associations à dose fixe permettait d'améliorer significativement l'observance des patients mais les études n'avaient pas la puissance nécessaire pour mettre en évidence de différence sur des critères cliniques. C'est bien dommage.
Pour rester un peu dans le domaine cardiologique, le fenofibrate qui avait démontré une efficacité en terme de progression de rétinopathie diébétique (ICI) pourrait rejoindre le gemfibrozil au palmarès des fibrates en prouvant une diminution des évènements cardio-vasculaires chez les diabétiques dans cet article . L'effet reste cependant bien inférieur à celui des statines qu'il faut privilégier autant que possible.
Et comme toute médaille a son revers, une dernière analyse du risque diabétogène des statines a retrouvé que ces traitements augmentaient le risque relatif de diabète à 10 ans de près de 36% sans différences significative entre les statines fortes et les statines faibles (mais ces dernières étaient beaucoup moins nombreuses).
Statines, toujours: cette fois ci, dans le JAMA neurology. Les auteurs retrouvent dans une étude de cohorte que la prescription de statine est associée à un moindre risque de maladie d'Alzheimer. Le problème de ces grosses études sur registre, c'est qu'il est très facile de savoir si un patient est sous statine ou pas, mais beaucoup plus dur d'établir si un patient a une maladie d'Alzheimer... Les patients sous statine se voient peut être plus poser le diagnostic de démence "vasculaire" que Alzheimer... De plus, il s'agit d'une association et non d'une causalité, on préfère aussi conserver la qualité de vie des patients Alzheimer âgés en arrêtant des statines en prévention primaire, alors qu'on les poursuite chez les patients "en meilleure forme". Question c'est donc: prend-on moins bien en charge nos patients déments?
5/ Anti-PCSK-9
un nouvel essai concerne les anti-PCSK9: Evolocumab versus placebo pendant 76 semaines. Les critères de jugements dans les essais évaluant les anti-PCSK9 évoluent: on est passé de "baisse du LDL" à "régression de l'athérome coronaire". On est pas encore à un critère cliniquement pertinent, mais l'evolocumab a démontré une régression significative de l'athérome coronaire de.... (suspens...) 0,95% versus une augmentation 0,05% par le placebo! Bref, attendons les critères d'évènements cardiovasculaires, car dans cette étude, il n'y a pas eu de test bien que ces évènements aient été recueillis.
Nous avions parlé de l'étude Fourier qui avait démontré une réduction du critère composite cardiovasculaire dans le groupe evolocumab, versus placebo. Une réanalyse de l'étude a été effectuée compte tenu de discordance entre le rapport d'étude et l'article. Ainsi, il y aurait une surmortalité avec l'evolocumab, mais cette différence n'est pas significative. Donc en dehors d'un signal éventuel, restons juste vigilants sur les anti-PCKS9.
6/ Autres traitements
Dans les autres "réducteur de cholestérol", on trouve l'ezetimibe et les anti-pcsk-9. Le BMJ a
publié une synthèse dans laquelle les auteurs proposent des
recommandations concernant leur utilisation. Les recommandations des
sociétés savantes placent généralement l'ezetimibe voire un anti-pcsk9
dans les cas où la cible n'est pas atteinte. Il est intéressant de voir
que les sociétés de cardiologie cotent ces recos comme "fortes" avec un
"grade A" alors que les sociétés de recommandations nationales (NICE,
SIGN, NHS...) disent que c'est une reco de force "unclear" avec un niveau de preuve "unclear".
Ainsi, cet article s'adresse aux patients avec un LDLc > 0,7g/L sous
statine ou intolérants aux statines et qui souhaitent réduire davantage
leur risque cardiovasculaire. Dans le tableau ci dessous inspiré de
l'article, on voit aussi que le risque anglais est calculé selon le
risque cardiovasculaire à 5 ans, le haut risque étant à 15% (donc ce
sont des seuils beaucoup plus hauts que le SCORE 2 où le haut risque est
10% à 10 ans)
Le NEJM publie les données issues de l'étude IMPROVE-IT (dont j'avais parlé ici). L'étude est bien faite: essai contrôlé randomisé, avec analyses intermédiaires prises en comptes dans les résultat, et portant sur des critères cliniques (un critère composite cardio vasculaire en critère primaire, et les critères secondaires portant sur la mortalité). Bref, l'étude retrouve une diminution de 2% (risque absolu), 6,4% (risque relatif) de survenue d’événement cardio-vasculaire (critère primaire) chez les patients traités par simvastatine-ezetimibe versus simvastatine seule. Les effets secondaires n'était pas différent dans le groupe avec la bithérapie. En regardant les autres critères: la mortalité totale associée aux infarctus et aux AVC non fatals baisse significativement la mortalité de 5% (RR), mais la mortalité totale, la mortalité par évènement cardio-vasculaire et la mortalité par infarctus ne sont absolument pas diminué. Ce traitement diminue donc probablement la survenue d'infarctus essentiellement, mais sans incidence sur la mortalité, de quoi tempérer grandement l'intérêt d'un comprimé supplémentaire chez des patients avec une ordonnance déjà suffisamment longue en prévention secondaire d'infarctus. L'association permettant de baisser le LDL cholestérol à 0,5g/L versus 0,7g/L avec la monothérapie, va-t-il falloir réévaluer les objectif contre toute attente?
Une des nouvelle voie d'action sur les dyslipidémies est les inhibiteurs de CEPT. Le NEJM a publié un essai contrôlé randomisé étudiant un de ces inhibiteurs, l'Anacetrapib versus placebo, chez 30 000 patients en prévention secondaire traités par Atorvastatine forte dose avec un LDL moyen de 0,60g/L (écart type: 0,15; ce qui signifie que 95% des patients avaient un LDL entre 0,30g/L et 0,90g/L). Après 4 ans de traitement, bien que la mortalité globale ou cardiovasculaire ne soit pas diminuée significativement, le critère de jugement composite d'évènements cardiovasculaire était positif avec une réduction de 9% du risque relatif (NNT=100), notamment grâce aux infarctus du myocarde. Il n'y avait pas d'avantage de diabète , mais plus d'augmentation des enzymes musculaires. Les effets indésirables n'ont pas été plus étudiés que cela dans cette étude et c'est bien dommage.
Le cholestérol étant encore au centre de discussions, j'aimerai parler d'un article sur la Niacine vitamine B3) et le cholestérol. Cet article montre que la vitamine B3 ne réduit pas la survenue d'évènements cardiovasculaire, et ce malgré une augmentation du HDL et une diminution du LDL par rapport au groupe témoin. Encore quelque chose qui va dans le sens selon lequel baisser le LDL n'est pas pas suffisant pour diminuer le risque cardio-vaculaire.
Prévention primaire et risque cardiovasculaire
1/ Recommandations
Tout d'abord, l'aspirine n'est pas recommandée en prévention primaire. Ensuite, les principales mesures sont les règles hygiéno-diététiques "classiques". Le NICE recommande :
- une évaluation du risque cardiovasculaire de 25 à 85 ans avec le QRISK-3
- sauf chez des patients à risque élevé d'emblée :
- diabète de type 1 (si: > 40ans ou diabète > 10 ans, ou complications)
- DFG < 60
- suspicion d'hypercholestérolémie familiale (chol total > 2.9g/L avant 30 ans ou > 3.5g/L après 30 ans
- Le seuil de risque utilisé avec le QRISK-3 est placé à 10% pour décider de l'introduction d'un traitement dans le cadre d'une décision partagée,
- On peut aussi discuter de traiter avant 10% en fonction de facteurs de risques non présents dans le QRISK-3.
- Le bilan pré-thérapeutique comprend une glycémie, une TSH, ASAT, ALAT et créatinine.
- Les contre indications aux statines sont une cytolyse > 3N ou des CPK > 5N (seulement si symptômes).
- En prévention primaire, ils recommandent de traiter par atorvastatine 20 les patients diabétiques et non diabétiques dont le QRISK-3 est >10% (étrange vu que l'atorva 20 n'a pas montré de bénéfice chez le non diabétique), avec une cible de réduction de non-HDL cholestérol de 40% (ne reposant sur pas grand chose encore une fois).
- En prévention secondaire, ils recommandent atorvastatine 80 (ça c'est prouvé, cf ici) avec une cible à 0.77g/L de LDL (ce qui est relativement "cool" et devrait être atteint avec l'atorva 80. En cas de cible non atteinte en prévention secondaire, l'ajout de l'ézétimibe est recommandé. En cas de non tolérance, on peut réduire les doses ou changer d'intensité de statine.
- La surveillance repose sur un bilan hépatique annuel et EAL.
2021: Dans la suite du congrès de la société européenne de cardiologie, voici les recommandations de prévention cardiovasculaire.
Généralités
- Il y a des recommandations générales: adopter un régime méditerranéen, consommer moins de 100g d'alcool par semaine, avoir une activité physique et réduire la sédentarité et le sevrage tabagique (ici on peut voir le nombre d'années de vie gagnées quand on arrête le tabac selon l'âge, le sexe, la PA)
Risque cardiovasculaire
- Les auteurs commencent par confirmer l'utilisation du SCORE2 et du SCORE 2-OP pour évaluer le risque cardiovasculaire chez les patients de 40-69 ans et de plus de 70 ans (on l'avait anticipé ici), avec une réévaluation tous les 5 ans (début: 40 ans chez les hommes et 50 ans chez les femmes).
- Notons que ces valeurs qui correspondraient à du risque "intermédiaire" ont été renommées risque "élevé" et le risque "élevé" et devenu "risque très élevé". Notons également que les scores peuvent être ajustés à l'ethnie: x0.85 pour les caribéens, x0.7 pour les patients d'origine chinoise ou africaine. (le tableau pour la France est ici)
- Les patients avec un diabète de type 2 de moins de 10 ans sans complications sont à risque modéré; ceux avec 1 ou 2 complication microvasculaire à risque élevé et les autres à très haut risque.
- La recommandation d'introduire un traitement est posée en cas de très haut risque cardiovasculaire (7,5% avant 50 ans, 10% jusqu'à 69 ans et 15% à partir de 70 ans). Il est recommandé de considérer un traitement chez les patients à haut risque (2.5-7.5% avant 50 ans, 5-10% jusqu'à 69 ans et 7.5-15% après 70 ans) en fonction des autres facteurs de risque, incluant maintenant les migraines avec aura.
- NB: Le score calcique pourrait être considéré (même si le BMJ a bien dit que ce n'était pas scientifiquement justifié) et une alternative peut être l'évaluation du haut risque par la présence d'une plaque carotidienne définie comme sténose 50% NASCET ou épaisseur média-intima >_1.5 mm.
Cibles de LDL
- Concernant les patients avec LDL > 1.9g/L, il faut suspecter une dyslipidémie familiale et l'évaluation se fait à l'aide du score de Dutch. En cas de dyslipidémie familiale "possible", il faut considérer les cibles de LDL les plus basses.
- Concernant les cibles de LDL (dont certains raffolent et qui ne reposent sur aucune étude), en prévention primaire, il est recommandé de cibler 1.0g/L de LDL (si risque élevé ou très élevé) mais il est suggéré de viser 0.7g/L si haut risque et 0.55 si très haut risque (grade IIa/C) (donc là on est à presque tout patient doit être à 0.7g/L hein!!!). En prévention secondaire, la cible de LDL est de 0.7g/L mais il est suggéré d'intensifier à 0.55g/L pour tous les patients. Si l'objectif n'est pas atteint (ce qui sera souvent le cas) malgré statine +/- ezetimibe, il est recommandé d'introduire un anti-PCSK9. Les recommandations demandent de personnaliser le traitement selon les bénéfices adaptés aux besoins du patient.
Hypertriglycéridémie
- Les auteurs précisent qu'il n'y a pas d'objectifs thérapeutiques pour les hypertriglycéridémies, mais indiquent un traitement par statine à partir de 2,0g/L de triglycéridémie, avec ajout de fénofibrate si >2g/L malgré cela ou icosapent ethyl si haut risque cardiovasculaire (effectivement il y a 1 étude en faveur de ça).
Cibles tensionnelles
- Concernant les cibles tensionnelles, les auteurs recommandent d'obtenir une PA < 140/80 chez l'ensemble des patients mais viser 120-130 de PAS avant 69 ans et 130-140 après 70 ans (je n'ai pas vu beaucoup d'études justifiant une diastolique inférieure à 80mmHg...). Le traitement de 1ère intention recommandé comporte un IEC ou ARAII + un inhibiteur calcique ou un diurétique, puis une trithérapie avec IEC/ARAII + calcique + diurétique, puis ajout de spironolactone après bilan d'HTA secondaire (car HTA résistante, mais aussi si HTA grade 2 avant 40 ans, ou atteinte d'organe cible ou HTA grade 3 ou argument clinico/bio pour une HTA secondaire)
- L'aspirine en prévention primaire peut être proposée chez les patients diabétiques à haut ou très haut risque (pourtant les études ne sont pas vraiment en faveur de ce choix thérapeutique ! cf ici ou encore là, et la source de la reco retrouve un NNT à 95 patients sur 5 ans sur les évènements CV mais "Aspirin use had no effect on other endpoints including all-cause mortality")
- Les
IPP sont recommandés en cas de prescription d'aspirine seulement si
risque hémorragique élevé (ils ne disent pas sur quoi se baser pour
évaluer le risque hémorragique)
AOMI
- Une antiaggrégation plaquettaire est recommandée chez les patients avec AOMI symptomatique (pas asymptomatique)
- Chez les patients avec AOMI et diabète, ou en prévention secondaire, ils proposent d'ajouter du rivaroxaban faible dose à l'aspirine si le risque hémorragique est faible (pour mémoire induit autant d'hémorragies sévères et cela ne prévient d'évènements ischémiques... étude compas ici et ici)
2017: En prévention cardiovasculaire et du cancer colorectal, l'USPSTF recommande l'aspirine faible dose pour une durée de 10 ans aux patients de 50 à 59 ans dont le risque AHA/ACC est supérieur à 10% selon le calculateur de risque (celui-ci). Entre 60 et 69 ans, la balance bénéfice risque doit être évaluée individuellement, notamment en fonction du risque de saignement. Avant 50 ans et après 70 ans, l'aspirine en prévention cardiovasculaire primaire n'a pas prouvé d'efficacité.
2014: a Food and Drugs Administration ( l'ANSM américaine) publie un article dans lequel elle affirme qu'il n'y a actuellement pas de justification à la prescription d'aspirine en prévention primaire des infarctus et AVC. Au moins c'est clair, mais elle ne nie pas que cela peut néanmoins se décider au cas par cas.
2/ Risque cardio-vasculaire
Le calculateur de risque PREVENT est validé dans une population américaine de 30 à 79 ans pour évaluer à 10 ans le risque d'évènements cardiovasculaires (CVD), composé du risque d'évènements athéromateux (ASCVD) et du risque d'insuffisance cardiaque (HF). Les grades de risques sont faible avec risque de CVD < 5%, borderline 5-7,5%, intermédiaire (7,5-19,9%) et élevé (>20%). Dans le Jama internal medicine, ce score (intégrant, age, sexe, tabagisme, TA, cholestérol mais aussi HbA1C, DFG, RAC, IMC et quelques traitements en cours) a été comparé au score américain classique "PCE", et montre qu'il permet de réduire le nombre de patients éligibles à un traitement par statine en prévention primaire selon les recos US (indication si risque >7,5%). Il faudrait voir l'applicabilité en population européenne.
On avait parlé de l'absence du bénéfice du calcul du score calcique par rapport aux équations de risque cardiovasculaire ici. Une nouvelle étude compare le risque évalué par le score américain ASCVD et le score calcique dans 2 cohortes de patients suivie pour obtenir l'incidence "réelle" de survenue des évènements cardiovasculaires. On voit déjà que les scores sont assez fiables, ceux avec un risque évalué à moins de 5% ou moins de 7,5% ont, en effet, en grande majorité une incidence de coronaropathie inférieur à ces seuils, et ceux ayant un risque calculé supérieur à 7,5 ont également une incidence d'évènement concordante. Quand on regarde les figures, on voit que les patients avec un score calcique à 0, ont une incidence d'infarctus extrêmement faible, ce qui justifie la conduite proposé dans certains articles d'arrêter les traitements préventif (type statine). De plus, on peut en effet voir qu'il existe des patients avec un score calcique supérieur à 300 qui ont un risque d'évènement cardiovasculaire supérieur à15-20% malgré des risques calculés inférieurs à 7.5%. Les auteurs concluent que le score calcique est donc utile pour reclasser ces patients à haut risque et les traiter. Cependant, d'après les caractéristiques des patients, 75% des patients des études avaient un score calcique inférieur à 200. En effet, quand on va lire les annexes, les patients avec un risque effectif supérieur au score calculé parmi ceux à risque faible ou modérés représentaient 1% des patients. Ainsi, il faudrait faire un score calcique à 5000 patients à risque modérés pour trouver 50 patients à risque élevés dont 10 feraient un infarctus dans les 10 ans si on n'agit pas (car survenue chez 20% des patients environ d'après l'article). La statine réduisant le risque relatif de 20%, un évènement serait évité chez 2 patients traités, soit un nombre de patient à dépisté de 2500 pendant 10 ans (soit 25 000 pour un NNT par an). Bref, les scores calculés sont probablement pas si mauvais compte tenu du faible nombre de patient "rattrapés par le score calcique".
On avait parlé du score calcique ici, en disant qu'il permettait de déprescrire si égal à 0 mais que le niveau de preuve était faible pour "instaurer" des traitements notamment une statine s'il est supérieur à 100. Cette revue systématique du Jama Internal Medicine revient sur l'apport du score calcique par rapport aux calculateurs cliniques de risque cardiovasculaire. Parmi les patients ayant un score clinique à faible risque qui sont reclassés en risque intermédiaire ou élevé par le score calcique (soit 10% des patients environ), 86% à 96% (selon les études) n'ont pas eu d'évènements cardiovasculaires durant le suivi de 5 à 10 ans. Inversement, les patients à haut risque selon un score clinique mais à faible risque selon le score calcique (soit moins de 1% environ), 91% à 99% n'ont pas eu d'évènements cardiovasculaires. Ainsi, les auteurs concluent, logiquement, que le bénéfice que le score calcique pourrait apporter chez un petit nombre de patients est contrebalancé par les coûts, les incidentalomes et le risque de radiations ionisantes et qu'il n'y a donc pas de preuves suffisantes pour intégrer le score calcique dans la pratique courante.Dans une étude de cohorte danoise de patients de plus de 40 ans asymptomatiques sur le plan cardiovasculaire et en prévention, les 9500 patients ont fait un coroscanner et ont été suivis. Ceux présentant une sténose coronarienne obstructive ou étendue asymptomatique (10% quand même) avaient un risque d'infarctus. On ne va pas conclure qu'il faut dépister tout le monde comme ça, mais la question est de savoir si un SCORE2 aurait permis de les classer à haut risque.
Lors du calcul d'un score de risque cardiovasculaire, quelles valeurs de mesure de tension utiliser? Normalement, c'est la valeur au cabinet qui est utilisée. Cette étude du BJGP a réanalysé 2 cohortes de patients en prévention primaire. Quand la tension artérielle était mesurée en automesure, seuls 3,6% des patients étaient classés à risque plus élevé qu'avec les mesures au cabinet et 2,8% étaient classés à risque plus faible. Les différences sont donc minimes, avec un risque plus élevé de surestimation du risque que de sous estimation.
Enfin, une méta-analyse de cohortes regroupant au total près de 2 millions de patients a mis en évidence l’hypothyroïdie comme facteur de risque indépendant de mortalité cardiaque (OR= 1,96) , de mortalité globale (OR= 1,25) et de coronaropathie par rapport aux patients en euthyroïdie. De même, les hypothyroïdies frustes étaient également associées à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire et globale. Ce qui est cependant très mal défini dans l'étude concerne la présente ou non des traitements et si des traitements introduits au cours du suivi de cohorte diminuait le risque par rapport aux patients non traités. Il faut donc particulièrement surveiller les patients avec une hypothyroïdie, mais il est difficile de conclure que traiter une hypothyroïdie fruste réduire le risque cardiaque.
Cibler les patients à risque pour une prise en charge spécifique. Ne pas larguer des médicaments à tout le monde pour espérer un bénéfice. C'est peut être ce qui sera possible dans les prochaines années. En attendant, une étude du Lancet, tirée des grandes étude de prévention primaires et secondaires sur les statines, a retrouvé qu'il fallait traiter environ 60 patients à risque génétique faible, 45 à risque intermédiaire et 25 à risque élevé pour prévenir 1 évènement cardiologique à 10 ans en prévention primaire.
3/ Aspirine
Un journal a publié une synthèse sur l'aspirine en prévention primaire se basant sur le risque établi avec le calculateur AHA/ACC qui inclut le diabète en facteur de risque. En gros, l'aspirine ne devrait être recommandée que si, le risque hémorragique est faible et que le risque cardiovasculaire est supérieur à 5% chez des patients de 50 à 70 ans ayant un antécédent familial de cancer colo-rectal, ou un risque supérieur à 10% entre 50 et 60 ans en l'absence de cet antécédent familial:
L'aspirine en prévention primaire n'avait jamais réussi a démontrer clairement d'effet cardio-vasculaire avec un bon niveau de preuve. Son effet sur la prévention des cancer est connu mais la balance bénéfice-risque incertaine. Une étude a retrouvé que la balance s'inversait chez les femmes de plus de 65ans. On ne va pas sauter sur cette analyse de sous-groupe, d'autant que les études antérieures retrouvaient une possible diminution des évènements cardiovasculaire dans le sous groupe des hommes.
Une nouvelle étude, japonaise cette fois, ne montre pas de diminution du critère principal cardio-vasculaire avec un traitement par aspirine faible dose chez des patients avec facteurs de risque cardio-vasculaire en prévention primaire.
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4/ Statines
Une ré-analyse de l'étude SPRINT a comparé les patients sous statines et ceux sans statines en prévention primaire. Ainsi, les auteurs ont retrouvé qu'il n'y avait pas de différence en terme de survenue d'évènements cardiovasculaire chez les patients de plus de 65-70 ans sous statine en prévention primaire (p= 0,13) ce qui correspondait à un allongement non significatif de la durée moyenne sans évènements de 85 jours (669 jours sans statine vs 736 jours avec ). Encore une étude qui permet de douter du bénéfices des statines après 70 ans! (Mais pour mémoire, SPRINT ne randomisait pas de statine, seulement des objectifs d'antihypertenseurs).
5/ Autres traitements
Voici un article concernant l'effet de l'arrêt du tabac sur la mortalité chez les patientes et patients en fonction de l'âge de l'arrêt. Arrêter avant 40 ans permet ne pas avoir de sur-risque de mortalité. Arrêter plus tard, quel que soit l'âge de l'arrêt apporte un bénéfice sur la survie, mais de plus en plus réduit avec un sevrage tardif. Enfin, les principales causes de mortalité étaient dans l'ordre: les causes respiratoires, puis cardiovasculaires, puis les cancers.
La prévention primaire est toujours très en vogue. Une méta-analyse publiée dans le JAMA a étudié l'efficacité de l’aspirine, des statines, des antihypertenseurs et de l'arrêt du tabac. Le risque d'évènement cardiovasculaire était diminué de 10% par l'aspirine et 25% par les statines. Les antihypertenseurs diminuaient le risque d'AVC de 35% et d'infarctus de 15%. Concernant l'arrêt du tabac, les évènements cardiovasculaires étaient trop mal renseignés pour conclure. L'aspirine augmentait de 45% le risque de saignement, mais les statines ne semblaient pas avoir plus d'effet secondaires que le placebo, ce qui me fait douter de ces analyses... Enfin, pour mémoire, les patients inclus dans les études méta-analysées sont généralement à haut risque cardiovasculaire, ce qui limite l'applicabilité à tous les patients qu'on croise.
Le BMJ a publié une étude de prévention primaire, étudiant l'évolution de la mortalité cardio-vasculaire d'une cohorte de 35000 patients. Les auteurs retrouvent que la prise en charge conjointe du tabac, de l'HTA et des dyslipidémies est probablement responsable des deux tiers de la diminution de la mortalité cardio-vasculaire, le reste étant possiblement lié à la prise en charge d'autres facteurs de risques tels que le la sédentarité ou l'amélioration de la prévention secondaire.
Et sinon, est-ce vraiment "le mal" de déprescrire les traitements cardiovasculaires? Une étude de non infériorité Néerlandaise a déprescrit les traitements antihypertenseurs et anti-dyslipidémiques de patients à faible risque cardiovasculaire dans un essai contrôlé randomisé en cluster. Les patients devaient avoir un traitement dont l'indication n'était pas formelle selon les recommandations locales. Ainsi, ils avaient un SCORE "pré-traitement" estimé a 7% en moyenne et à 5% prédit à 10 ans sous traitement (ce qui est tout de même plutôt haut!) Les auteurs ont mis en évidence qu'il n'y avait pas d'augmentation du risque cardiovasculaire 2 ans après la déprescription quand elle s'était prolongée (+2% de risque dans le groupe déprescription versus +1,9% dans le groupe contrôle), même si la tension était légèrement plus élevée (+4mmHg) et de même pour la dyslipidémie (+0,07g/L de cholestérol total). Ainsi, déprescire sans risque d'augmenter le risque cardiovasculaire est tout a fait faisable quand on cible les traitements non recommandés (et c'est peut être pour ça qu'il ne sont pas recommandés!)
On avait également parlé des polypills cardiovasculaires ici (ces pilules en prévention primaire contenant des antihypertenseurs, des statines et parfois de l'aspirine). Le Lancet a publié une revue systématique avec méta-analyse sur données individuelles concernant ces traitements. Ils ont inclus TIPS-3, HOPE-3 et PolyIran et concernent donc des patients de 63 ans en moyenne, à 65% hypertendus, 20% de diabétiques et autant de fumeurs. Leur score de Framingham moyen était de 17.7%+/-8.7, soit du risque intermédiaire (mais environ la moitié de la population était à risque élevé, le seuil étant à 20%). Les auteurs retrouvent que les polypills réduisaient significativement les critères composites cardiovasculaires avec un NNT de 52 patients à 5 ans (avec un effet sur les composantes suivantes: le risque d'infarctus, d'AVC et de mortalité cardiovasculaire). Les auteurs ont comparé polypill avec aspirine vs contrôle et polypill sans aspirine vs contrôle pour retrouver des effets similaires, mais un OR un peu meilleur avec aspirine. Ils n'ont pas retrouvé de saignements supplémentaires sous aspirine (ce qui est étrange au vu des autres études). Ils n'ont malheureusement pas comparé polypill avec aspirine vs sans aspirine, ce qui me met en désaccord avec leur conclusion disant que l'aspirine est utile en prévention primaire. Une fois de plus, les 2/3 des patients étant hypertendus, il est logique qu'un traitement antihypertenseur réduise les évènements cardiovasculaires. De plus, les statines réduisant les évènements cardiovasculaires chez tout le monde, les résultats retrouvés sont une fois de plus concordants avec le fait de traiter des patients selon leur risque cardiovasculaire (ici, la moitié des patients était à haut risque, et le bénéfice sur le sous groupe des patients à risques faible et modéré n'est pas significatif notamment sans aspirine).
Une étude du Lancet a étudié l'effet de la '"polypill" dans un essai contrôlé randomisé iranien. La polypill contenait 12,5mg d'hydrochlorothiazide, 5mg d'enalapril, 81 mg d'aspirine et 20mg d'atorvastatine et était donc distribuée à tout patient randomisé dans le bras traitement de la cohorte de patients (en prévention primaire ou secondaire). A 60 mois, les patients avaient en effet une réduction des évènements cardiovasculaires de 34% (NNT= 54 patients en 60 mois), mais il n'y avait pas de baisse significative de la mortalité globale (ce qui n'est pas génial quand on souhaite mettre un traitement préventif à tout le monde). Les effets indésirables et saignements sont mal décrits. Si on regarde les analyses en sous groupes, ça marche surtout en prévention primaire (puisqu'en prévention secondaire les patients ont souvent déjà un IEC, de l'aspirine et une statine). De plus, on sait que mettre une statine à n'importe qui diminue le risque cardiovasculaire (parfois de pas grand chose, mais ça marche quand même). Comme les molécules ne sont pas étudiées individuellement, on ne sait pas si c'est le cocktail qui est efficace dans l'étude ou une seule des molécules. Dans Hope-3, c'est la statine qui était efficace dans le traitement "statine+antihypertenseur", et l'aspirine en prévention primaire ne marchant habituellement pas, on aurait aimé avoir un bras "statine seul" en comparaison, mais ça aurait été prendre le risque que la polypill ne marche pas. Bref, totalement inutile de conclure qu'il faut mettre une polypill à tout le monde.
Une étude sur l'hyperuricémie. Cela fait plusieurs années que l'ont voit apparaitre l'hyperuricémie comme facteur de risque cardiovasculaire. Une étude de cohorte de patients hyperuricémiques a été menée et les patients traités ont été appariés avec un score de propension sur les comorbidités et traitements avec des patients non traités. Les auteurs retrouvent une diminution du risque de mortalité globale de 32% (alors que le risque de mortalité cardiovasculaire n'est même diminué de 10% significativement)!
6/ Règles hygiène-diététiques
Je voulais vous parler de la perte de poids chez des patients obèses grâce à des règles hygiéno-diététiques, qui, pour la 1ère fois, démontrerait un bénéfice en terme de mortalité globale avec un NNT de 166 (6 décès évités pour 1000 patients participants) Encore une fois, PUAutomne m'a devancé! Alors, je vous laisse lire son billet (il faut dire que c'est lui qui m'a inspiré le Dragi Webdo, du temps où il faisait sa veille hebdomadaire, alors rien d'étonnant à sa réactivité)
Quel est l'apport optimal de sel par jour? Ce débat a conduit à la publication d'un article sur deux études randomisant les apport en sel (régime contrôlé vs alimentation normale). Ces études retrouvent une diminution linéaire de la mortalité chez les patients avec la baisse de la consommation en sel allant jusqu'à 25% de risque de décès en moins sous les 2,3g/jour. Faudrait-il revoir l'objectif de 3-4g/j pour les régimes peu salés suite à cette étude? D'une part, les patients inclus étaient relativement jeunes à l'inclusion 45 ans en moyenne, suivis 20 ans ce qui amène à 65 ans en fin d'étude, ce qui ne correspond globalement pas à des patients âgés, multi-morbides ou fragiles. Ensuite, les apports étaient quantifiés par mesure de la natriurèse des 24h et là je laisse Perruche En Automne en parler parce qu'il le fait si bien ici (quitte a randomiser, autant contrôler directement les apports des patients. Certes, préparer a manger pour des patients pour 20 ans, c'est pas facile...) Probablement que limiter au maximum les apports en sel est bénéfique chez des patients pré-hypertendus sans comorbidité, mais pas forcément chez des patients fragiles insuffisants cardiaques ou insuffisants rénaux pour lesquelles la restriction totale en sel pourrait s'accompagner d'une restriction des apports caloriques (Si les spécialistes du domaine ont des études qui prouvent le contraire, n'hésitez pas à les mettre en commentaire!)
Faire la sieste diminue l'hypertension artérielle de 4% le jour et 6% la nuit, avec un bénéfice supplémentaire de 4% pour des siestes de plus d'une heure. (Kallistratos M Association of mid-day naps occurrence and duration with bp levels in hypertensive patients. A prospective observational study)
Un article du NEJM aborde l'impact des 5 principaux facteurs de risques cardiovasculaires modifiables. L'impact sur le risque cardiovasculaire était dominé par la pression artérielle, puis le non HDL cholestérol, puis le diabète, puis le tabagisme et enfin l'obésité. Les 5 facteurs réunis étaient responsables de 55% du risque d'évènements cardiovasculaires et d'environ 20% du risque de mortalité globale à 10 ans! Bref, contrôler ces facteurs de risque est indispensable.
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